Ottawa isolé dans son bras de fer contre Riyad
Le royaume a de plus en plus recours à l’arme économique pour étouffer toute critique au sujet des droits de l’homme, estiment des responsables occidentaux
AFP — La crise diplomatique entre Ottawa et Riyad a fait naître, selon des responsables occidentaux, de «nouvelles lignes rouges» sur les droits de l’homme en Arabie Saoudite, leurs pays devant désormais se garder d’évoquer tout haut ce sujet sensible. Le royaume ultraconservateur a annoncé début août l’expulsion de l’ambassadeur du Canada, rappelé son propre ambassadeur et gelé tout nouvel échange commercial ou investissement avec ce pays, après la dénonciation dans un tweet par Ottawa de l’arrestation de militants des droits de l’homme. Le Canada a affirmé que son gouvernement ne cèderait pas aux pressions saoudiennes, réitérant son soutien à la cause des droits de l’homme, mais il semble bien isolé. «Nous avons atteint de nouvelles lignes rouges», indique un responsable occidental sous couvert de l’anonymat. «Nous essayons de comprendre: est-ce que nos ministères des Affaires étrangères peuvent encore émettre des tweets critiques?», ajoute-t-il.
Les puissances occidentales, dont les Etats-unis, n’ont pas, du moins publiquement, soutenu le Canada dans la crise avec Ryad.
Le mois dernier, l’union européenne avait décidé de publier un communiqué soutenant la position d’ottawa avant de renoncer au projet, a indiqué à L’AFP un responsable occidental. Les ambassadeurs européens se sont contentés d’une «démarche» — une note diplomatique — transmise lors d’une réunion privée avec le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel Al-jubeir, selon la même source. «Les pays occidentaux vont y réfléchir à deux fois avant de critiquer publiquement la politique inté- rieure saoudienne», estime Bessma Momani, un professeur à l’université de Waterloo, au Canada.
«Le cas canadien a montré que de nombreux accords commerciaux pouvaient être compromis si les critiques envers l’arabie Saoudite énervent ses dirigeants», indique-telle à L’AFP. Madrid, allié de longue date de Riyad, a aussi frôlé la crise diplomatique la semaine dernière quand le ministère de la Défense espagnol a annoncé qu’il annulait une vente à l’arabie de 400 bombes à guidage laser pour 9,2 millions d’euros.