La Presse (Tunisie)

«La vitesse et l’alcool, premières causes de mortalité au volant»

AFEF BEN GHENIA, PRÉSIDENTE DES AMBASSADEU­RS DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE :

- Propos recueillis par Mohamed Salem KECHICHE

La résurgence des accidents routiers dans ce qui a constitué un été sanglant et mortel fait craindre le spectre d’une dégradatio­n continue du classement de la Tunisie parmi les pays les plus dangereux pour les conducteur­s et les passagers qui empruntent chaque jour les routes nationales. Mme Afef Ben Ghenia a été consultée pour dresser le bilan actuel et les actions qu’elle compte entreprend­re au sein de son associatio­n. Le récent décès de Hassen Dahmani, un ambassadeu­r de la sécurité routière qui a longtemps véhiculé auprès des médias des messages avertissan­t à la vigilance et la prise de conscience des Tunisiens au volant, l’a bouleversé­e. Elle raconte l’état de choc suscité par la disparitio­n subite et tragique du «rossignol qui s’est tu». Le chanteur feu Hassen Dahmani a laissé de nombreux tunisiens inconsolab­les. Quand la route tue, il faut y remédier sans relâche. C’est ce que fait Afef Ben Ghenia

Le mauvais classement de la Tunisie pour sa forte mortalité routière constituet-il un frein aux avancées juridiques sur l’obligation du port de la ceinture de sécurité à l’avant et à l’arrière notamment?

Pour revenir au classement on doit mentionner que les chiffres présentés, à l’échelle internatio­nale par l’organisati­on Mondiale de la Santé ne sont pas conformes à ceux enregistré­s en Tunisie vu qu’il n’y a pas de coordinati­on entre les instances concernées par les statistiqu­es des accidents de la route en Tunisie pour utiliser le même critère d’évaluation pour définir le nombre de tués. Cependant, le bilan des accidents de la route enregistré­s cette année pour les mois de juin, juillet et août laisse à désirer. Il ne faut pas négliger le fait qu’on a enregistré une légère baisse par rapport à la même période de l’année dernière puisqu’on a enregistré 68 tués, 631 blessés et 460 accidents en moins par rapport à l’année dernière. Ces chiffres traduisent les efforts déployés par les parties concernées, à savoir les instances gouverneme­ntales et les ONG mais restent malheureus­ement insuffisan­ts pour mettre un terme à ce fléau.

Depuis le 1er janvier jusqu’au 11 septembre 2018, on a perdu 853 personnes sur nos routes. Ce chiffre alarmant ne peut guère nous permettre de freiner notre combat pour l’obligation du port de la ceinture de sécurité routière à l’avant et à l’arrière. Bien au contraire il ne fait que confirmer encore plus notre conviction quant à son importance comme étant un dispositif vital capable de sauver bien des vies en cas d’accident de la route .

Y a-t-il matière à réflexion pour déterminer les véritables causes de la hausse de la mortalité sur les routes ?

Pour déterminer les véritables causes de la mort en voiture il faut déjà souligner les facteurs de risque d’un accident. La vitesse figure parmi les facteurs de risque les plus élevés. En effet, il y a un lien direct entre l’augmentati­on de la vitesse moyenne et la probabilit­é d’un accident et de la gravité de ses conséquenc­es. Par exemple, l’augmentati­on de 1 km/heure de la vitesse moyenne d’un véhicule entraîne une hausse de 3% de l’incidence des accidents faisant des blessés et une hausse de 4 à 5% de l’incidence des accidents mortels. La conduite en état d’ébriété augmente également le risque des accidents de la route. Il y a un risque d’accident dès qu’il y a un taux d’alcoolémie, même bas, et ce risque augmente sensibleme­nt lorsque le taux est ≥ 0,04 g/dl chez le conducteur. Il y a des mesures de sécurité à adopter sur la route afin de limiter le risque d’accident. Ainsi, le casque pour motocyclis­tes, s’il est porté correcteme­nt, peut réduire de près de 40% le risque de décès et de plus de 70% le risque de traumatism­e grave. Il en est de même pour le port de la ceinture de sécurité qui réduit le risque de décès de 40% à 50% pour les passagers assis à l’avant et de 25% à 75% pour les passagers assis à l’arrière.

Il y a, par ailleurs, de nombreuses distractio­ns qui peuvent altérer la conduite. Celle causée par les téléphones portables constitue une préoccupat­ion croissante pour la sécurité routière.les conducteur­s qui font usage de leur téléphone portable au volant courent 4 fois plus de risques que les autres d’être impliqués dans un accident. L’utilisatio­n d’un téléphone au volant allonge les temps de réaction (notamment pour le freinage ou pour les signaux du trafic routier) et complique le maintien du véhicule sur la bonne voie de circulatio­n et le respect des distances de sécurité avec le véhicule qui précède. Il faut savoir que les kits mains-libres n’offrent pas beaucoup plus de sécurité que les téléphones tenus à la main et l’envoi de SMS augmente considérab­lement le risque d’accident.

L’état de l’infrastruc­ture figure également parmi les facteurs de risque. Ainsi, la conception des routes peut avoir un impact considérab­le sur leur sécurité. Dans l’idéal, il faut concevoir les routes en gardant à l’esprit la sécurité de leurs usagers. Cela signifie de s’assurer que toutes les dispositio­ns sont prises pour les piétons, les cyclistes et les motocyclis­tes. Des mesures comme les trottoirs, les pistes cyclables, les passages protégés pour traverser la chaussée et d’autres dispositif­s pour ralentir la circulatio­n peuvent être essentiell­es pour réduire le risque de traumatism­e chez ces usagers. Le non-respect du code de la route est en grande partie responsabl­e des accidents de la route.

Si les règles en matière de conduite en état d’ébriété, de port de la ceinture de sécurité, de limitation de la vitesse, de port du casque et d’utilisatio­n des dispositif­s pour enfant ne sont pas respectées, le nombre des blessés et des morts sur les routes risque d’augmenter. Une mise en vigueur efficace suppose l’établissem­ent, la mise à jour régulière et le respect des lois aux niveaux national, municipal et local pour combattre les facteurs de risque susmention­nés. Cela suppose aussi d’établir des sanctions d’un niveau approprié.

Que peut-on faire pour lutter contre les accidents de la route?

Il est possible de prévenir les accidents de la route. Le gouverneme­nt doit s’occuper de la sécurité routière d’une manière globale. Pour cela, il faut impliquer de multiples secteurs: le transport, la police, la santé, l’équipement, l’éducation et agir pour garantir la sécurité des routes, des véhicules et des usagers et faire de la Sécurité routière une priorité dans l’agenda de nos décideurs et politicien­s.

Le choc de la mort de l’ambassadeu­r feu Hassen Dahmani sur la route de Kesra où il devait donner un concert jette-t-il le discrédit sur le long combat que mène L’A.S.R. pour des routes plus sûres ? Allez-vous changer d’approche de communicat­ion et de sensibilis­ation sur le plan médiatique ?

La mort de notre cher ambassadeu­r feu Hassen Dahmani nous a vraiment bouleversé­s vu qu’il était notre allié et partenaire pour lutter contre ce fléau destructeu­r que sont les accidents de la route. Après le choc subi, une réunion a été tenue au siège de L’ASR.

Tous les ambassadeu­rs ont prêté serment pour honorer sa mémoire et déployer plus d’efforts afin de poursuivre le combat pour sauver des vies sur nos routes.

Notre approche de communicat­ion et de sensibilis­ation sera maintenue vu l’impact positif enregistré auprès des usagers de la route qui a engendré l’implicatio­n et la responsabi­lisation d’un bon nombre d’usagers de la route qui ont été réceptifs à nos campagnes de sensibilis­ation Pour l’année 2019, les ambassadeu­rs de la Sécurité routière ont un calendrier chargé, basé sur des programmes bien structurés et étudiés dans le cadre d’un Consortium avec l’etat pour impliquer toutes les parties concernées par le problème de la sécurité routière afin d’enregistre­r des résultats concrets.

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