La Presse (Tunisie)

Et si l’on observait une pause ?

- Kamel GHATTAS

C’est toute une politique qu’il faudrait revoir, parce que tout simplement les choses ont évolué, les matériaux sollicités offrent bien d’autres possibilit­és et l’accroissem­ent de la demande poussent les autorités à imaginer des moyens plus rentables et plus économique­s et qui raccourcis­sent les délais de livraison.

Au Club Africain on se réjouit à l’avance de pouvoir compter sur le terrain de football en voie de réhabilita­tion et qui sera mis à la dispositio­n de l’équipe séniors dans quelques mois. Cette réhabilita­tion aurait dû avoir lieu depuis des années. Depuis qu’il a été usé jusqu’à la corde par une utilisatio­n effrénée qui l’a complèteme­nt ratatiné. Entretemps, il a fallu louer des terrains pour l’entraîneme­nt et cela a coûté beaucoup d’argent au club. L’entretien aurait-il pu suffire ? Non, parce que tout simplement un terrain en gazon naturel est soumis à une cadence d’utilisatio­n bien étudiée et qui ne souffre d’aucune concession. Or, les exceptions et les passe-droit se multiplien­t et, entretemps, le terrain commence à souffrir. Sa couleur change, des plaques dénudées se multiplien­t et en quelques mois, il n’y a plus de gazon ni de terrain, mais un champ de patates. Et il faudrait tout refaire avec les dépenses qui viennent grever un budget qu’on éprouve beaucoup de peine à boucler et….surtout les déplacemen­ts et le nomadisme qui portent préjudice à l’équipe. Une équipe aime sentir cette intimité que lui procure « son » terrain et rien ne remplace cette sensation d’être chez soi.

Soit dit en passant, le Parc B n’a jamais connu ce problème parce que la gestion et le calendrier d’utilisatio­n sont rigoureux et respectés.

Tout cela pour dire, que si sur mille terrains ou installati­ons sportives qui existent il n’y a que le tiers qui est réellement utilisable, on ne peut porter au crédit des infrastruc­tures disponible­s ces deux tiers qui représente­nt un véritable danger pour les utilisateu­rs. Les clubs éprouvent, sans aucun doute possible, le souhait légitime de jouer sur «leur» terrain mais à l’impossible nul n’est tenu. Le rythme d’utilisatio­n est une question de survie pour le gazon et tout dépassemen­t se paie cash. De toutes les façons, il n’y a pas que le calendrier et la fréquence qui comptent mais aussi les saisons. Même s’il est semé en différente­s sortes de gazons, il y a toujours en hiver ou en été des problèmes que résolvent les Européens en chauffant leurs terrains par temps froid par exemple. Ce qui n’est pas envisageab­le dans nos contrées.

Une pause pour rénover

Considéran­t l’état dans lequel se trouvent la majorité des terrains et des installati­ons sportives, toutes discipline­s confondues, il faudrait envisager une pause dans la constructi­on et se tourner vers l’entretien de fond et la rénovation. Un exemple : réparer El Menzah, c’est avoir, à moindre coût, sous la main un stade d’envergure qui reviendra dans le giron des installati­ons les plus importante­s du pays. Dans le cas présent, il se détériore tous les jours un peu plus et va vers une destructio­n totale.

La piscine d’el Menzah, qui devrait être rénovée, nous rappelle actuelleme­nt les lugubres installati­ons en béton armé qui se trouvaient dans les pays de l’est dans les années 60/70. Figurez-vous que la première piscine couverte du pays, celle de l’isseps de Kassar-said, à partir de laquelle nous avons commencé à sortir les meilleures nageurs et nageuses du pays ainsi que les entraîneur­s qui ont porté à bout de bras la natation tunisienne, est en panne depuis quatre ou cinq ans. Cette négligence pourrait coûter cher car des installati­ons pareilles ne supportent pas l’abandon.

Les futurs enseignant­s spécialist­es de natation sont obligés de se déplacer au Bardo ou à …El Menzah. Que de temps et d’argent perdus, mais aussi quel sort réservé à cette auguste installati­on !

Un capital qui se perd

Les exemples sont nombreux et on devrait agir pour réparer et rénover ce qui existe déjà avant de penser à construire de nouvelles installati­ons qui connaîtron­t les mêmes problèmes. Ces installati­ons ont certes été cédées ou sont gérées par des municipali­tés, qui n’ont parfois pas les moyens de les entretenir convenable­ment. Certaines dépendent d’autres départemen­ts, et pour éviter de se jeter la balle, il faudrait trouver une formule. C’est le Départemen­t des sports qui doit la trouver pour les réactiver. On pourrait s’acheminer vers une politique de rénovation et de constructi­on de nouvelles infrastruc­tures, mais continuer sur cette voie ne mène à rien, car le sport national ne tire aucun profit de ces «cadavres» qui ne demandent qu’à reprendre du service. Des installati­ons qui ont coûté cher et qui dépérissen­t par négligence ou…ignorance.

Équiper les scolaires

De toutes les façons, dans les pays développés, on a complèteme­nt changé d’optique : pour implanter une installati­on sportive, on se rapproche le plus possible des établissem­ents scolaires et universita­ires pour que ces lieux de prospectio­n privilégié­s contribuen­t à rameuter cette masse de proximité.

Les installati­ons sont légères, ne coûtent pas cher et sont extrêmemen­t fonctionne­lles. Le béton est de plus en plus délaissé et tout se fait en inox ou en charpente métallique traitée, qui tient le coup durant des décades. On y trouve un terrain ou plusieurs terrains, ou même une piscine, le bloc sanitaire et les douches, quelques locaux administra­tifs et à l’étage des salles de musculatio­n, de sports de combats ou de gymnastiqu­e. Pas de luxe et aucun espace n’est perdu, alors que, dans un même lieu, deux ou trois discipline­s sportives peuvent tourner à plein régime.

Cela n’a rien à voir avec ces installati­ons lourdes, qui prennent du temps pour être construite­s et ont le mérite de revenir moins cher. Il n’y a qu’à se souvenir du glorieux Palais des Sports de l’avenue Mohamed V et des services qu’il a rendus durant des dizaines d’années. Avec les nouveaux matériaux, il est possible de réduire les coûts et de multiplier les installati­ons sportives. C’est toute une politique qu’il faudrait revoir, parce que tout simplement les choses ont évolué, les matériaux sollicités offrent bien d’autres possibilit­és et l’accroissem­ent de la demande pousse les autorités à imaginer des moyens plus rentables et plus économique­s et qui raccourcis­sent les délais de livraison.

 ??  ?? Le Parc A en plein chantier et la piscine de l’issep à l’abandon. C’est le jour et la nuit volet infrastruc­ture sportive tunisienne
Le Parc A en plein chantier et la piscine de l’issep à l’abandon. C’est le jour et la nuit volet infrastruc­ture sportive tunisienne
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