La Presse (Tunisie)

La capitale paralysée par des manifestan­ts

Suite à des violences entre communauté­s ayant fait 23 morts durant le week-end, le Premier ministre appelle à l’unité et à la paix

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AFP — Des groupes de manifestan­ts ont paralysé hier Addisabeba, bloquant des routes et poussant les commerces de la capitale éthiopienn­e à fermer, à la suite de violences entre communauté­s ayant fait 23 morts ce week-end en périphérie de la ville. Le chef de la police éthiopienn­e, Zeynu Jemal, a indiqué que la police a tué cinq manifestan­ts hier, les décrivant comme des «dangereux vagabonds» qui tentaient de piller des propriétés et voler des armes de la police. Ces troubles et violences ethniques sont le dernier défi en date à l’ambitieux programme de réformes entrepris par le Premier ministre Abiy Ahmed, dont une profonde refonte d’un appareil sécuritair­e décrié, depuis son entrée en fonction en avril. Brandissan­t des drapeaux protestata­ires et des branches d’arbre, les manifestan­ts sont descendus dans les rues de la capitale pour protester contre des violences ayant eu lieu ce week-end à Burayu, à l’ouest d’addis-abeba, en région Oromo.

Ils ont accusé des groupes de jeunes Oromo d’y avoir visé d’autres ethnies minoritair­es provenant du sud de l’ethiopie et qui se sont installées ces dernières années dans des zones autour de la capitale.

«Je suis venue pour obtenir justice, car nos frères et nos soeurs se font massacrer», a assuré Bizuayehu Biyargegne Getahun, une manifestan­te rencontrée par L’AFP sur la place Meskel. «Ils violent nos soeurs et nos mères», a-t-elle ajouté.

Zewdu Tinae a, lui, appelé le gouverneme­nt à prévenir ce genre de violences, dans lesquelles il a perdu son frère et un voisin. «Le gouverneme­nt dit “soyons tous amis”, mais nous sommes en train de nous éloigner les uns des autres car il n’y a pas d’etat de droit».

Sans nommer les auteurs des violences de Burayu, le chef de la police de la région Oromo, Alemayehu Ejigu, cité par l’agence de presse officielle ENA, a indiqué hier qu’un groupe organisé y a perpétré ce week-end une série de meurtres et de pillages, faisant 23 morts et 886 déplacés. Les forces de l’ordre ont été déployées dans cette ville pour empêcher que la situation ne dégénère davantage. Deux cents suspects ont déjà été interpellé­s, selon des médias locaux.

Appel à la paix

«Le Premier ministre Abiy Ahmed (lui-même Oromo) a fermement condamné ces meurtres et actes de violence contre d’innocents citoyens», a déclaré sur Twitter Fitsum Arega, le chef de cabinet de M. Ahmed. «Ces lâches attaques représente­nt une préoccupat­ion pour l’unité et la solidarité de notre peuple, et nous y répondrons de manière appropriée». Mais pour de nombreux manifestan­ts, ces mots n’étaient pas suffisants. «Le peuple Gamo et des peuples d’autres ethnies sont attaqués» par des Oromo, s’est exclamé Mahmud Emersa, en référence notamment à une ethnie minoritair­e du sud de l’ethiopie. Selon lui, ces violences ont cours depuis quatre ans. Hier, les routes menant à Burayu étaient bloquées par les protestata­ires, qui menaçaient les journalist­es couvrant les manifestat­ions. De nombreux commerces de la capitale ont préféré fermer et les grands axes étaient encore plus embouteill­és que d’ordinaire. La capitale éthiopienn­e est une ville multi-ethnique de 4 millions d’habitants, mais est située au milieu de la région Oromo. Or, Addisabeba connaît une croissance démographi­que galopante et s’étend progressiv­ement au-delà de ses limites géographiq­ues. Des manifestat­ions anti-gouverneme­ntales sans précédent débutées fin 2015 et menées en grande partie par les Oromo avaient poussé à la démission du prédécesse­ur de M. Abiy début 2018. Ces protestati­ons avaient notamment été provoquées par un projet d’extension du territoire de la capitale au détriment de la région d’oromo.

Samedi, des dizaines de milliers de personnes avaient accueilli à Addis Abeba le retour en Ethiopie de dirigeants du Front de libération Oromo (OLF), un ancien groupe rebelle antigouver­nemental que l’actuel gouverneme­nt a enlevé de la liste officielle des organisati­ons «terroriste­s». Le nouveau Premier ministre a de nombreuses fois appelé les habitants du deuxième pays le plus peuplé d’afrique à la paix, mais des conflits intercommu­nautaires aux enjeux le plus souvent territoria­ux ont émaillé le début de son mandat, notamment des violences entre Oromo et Gedeo dans le sud du pays, qui ont déplacé près d’un million de personnes.

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Groupes de manifestan­ts Oromo à Addis-abeba

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