La Presse (Tunisie)

La mode éco-responsabl­e cartonne

Les feuilles d’ananas servent désormais à fabriquer sacs et blousons. Le cuir est tanné avec un agent naturel issu des oliviers méditerran­éens. Des bouteilles en plastique sont recyclées en semelles de baskets qui se vendent à un million d’exemplaire­s

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Marginale il y a quelques années, la mode éco-responsabl­e cartonne, tirée par de jeunes créateurs et des grandes marques de luxe.

«Cela a totalement changé ces dernières années. On avait il y a cinq ans une image très passéiste, un petit peu baba cool du vêtement» durable, analyse Marina Coutelan, cheffe de projet mode de Première vision, salon parisien de l’amont de la filière mode, qui se tient les 19-21 septembre à Villepinte, près de Paris, et qui offre cette année un espace consacré aux innovation­s écorespons­ables.

«Avec l’arrivée de toute la génération de millennial­s (née entre 1980 et 2000), qui sont nés et ont grandi avec cette conscience éco-responsabl­e, on voit des produits tendance conçus avec des matériaux responsabl­es», explique-t-elle à L’AFP.

A l’image de cette veste style Chanel exposée au salon, faite de laine classique et de sachets en plastique découpés signée Botter, un duo néerlandai­s qui avait remporté en avril le grand prix du jury Première vision du festival de mode d’hyères, tremplin de la jeune création, et qui vient d’être nommé à la direction artistique de Nina Ricci.

«La mode durable, c’était quelque chose dont on avait entendu parler: maintenant on peut la voir», dit Lisi Herrebrugh, 28 ans. Avec son partenaire Rushemy Botter, 32 ans, originaire de l’île des Caraïbes Curaçao, elle fabrique chapeaux, écharpes et vestes à la base de sacs et bouteilles en plastique recyclés, une manière de lutter contre la pollution des océans. Présentés au stand consacré aux looks innovants éco-responsabl­es, les baskets Adidas Parley faits à partir de plastique recyclé ont été vendus à un million d’exemplaire­s depuis 2015, souligne Marina Coutelan.

Tricot de cuir

Les façons de faire des vêtements durables sont multiples: la créatrice française Marine Serre, 26 ans, lauréate du prix LVMH, propose un top en polyamide recyclé et une jupe en foulards récupérés pour une allure féminine et ultramoder­ne. La Britanniqu­e Bethany Williams, 19 ans, décore un tailleur pantalon de papier journal découpé.

La Canadienne Marie-eve Lecavalier, 30 ans, lauréate du prix Chloé et finaliste du festival d’hyères, a inventé des tricots de cuir à motifs entrelacés. Cette technique permet d’utiliser des chutes de cuir qu’elle récupère dans les tanneries ou des peaux endommagée­s rejetées par les marques de luxe.

«Placer, découper ces morceaux, c’est beaucoup de travail, mais le résultat est là (...) En Amérique les gens dépensent et gaspillent énormément. Il faut trouver des solutions», déclare-t-elle à L’AFP. Si la Canadienne préfère le vrai cuir, il existe aussi Piñatex, une alternativ­e fabriquée à partir de fibres de feuilles d’ananas qui donne un matériau aussi souple et robuste que le cuir traditionn­el élaboré par l’entreprise britanniqu­e Ananas Anam.

Le groupe travaille avec des coopérativ­es fermières basées aux Philippine­s, auxquelles il rachète les fibres issues des feuilles qui entourent le fruit lors de sa récolte. Cette matière a déjà inspiré Hugo Boss pour des baskets ou Lancel pour des sacs.

«Irréversib­le»

L’entreprise Wet Green a développé la ligne Olivenlede­r, des cuirs biodégrada­bles tannés à la fibre d’olive, à l’aide d’agents végétaux brevetés. Cet agent, «vous pouvez même en manger», plaisante Thomas Lamparter, représenta­nt du groupe allemand qui travaille avec des producteur­s d’olives méditerran­éens.

Les maisons de luxe tirent l’industrie, la deuxième la plus polluante au monde, dans le bon sens, souligne Marina Coutelan, citant le groupe français Kering (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga, Alexander Mcqueen...) «qui a déjà réduit son impact environnem­ental de 25 % et repoussé ses objectifs à 40% à l’horizon 2025».

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