La Presse (Tunisie)

La troisième voie en mal de ténors

• Il semble que différents protagonis­tes se bousculent au portillon de la troisième voie. Ceux qui ne cèdent pas au chant des sirènes des mouvances Nida et Ennahdha, la gauche exceptée, se réclament volontiers de cette troisième voie. Rencontres, concilia

- Soufiane BEN FARHAT

• La paupérisat­ion,

voire la prolétaris­ation, des classes moyennes est telle qu’elle constitue le terreau, toujours en friche, des projets sociauxlib­éraux. Mais, la politique est autre chose que des passes d’armes verbeuses

• Il semble que différents protagonis­tes se bousculent au portillon de la troisième voie. Ceux qui ne cèdent pas au chant des sirènes des mouvances Nida et Ennahdha, la gauche exceptée, se réclament volontiers de cette troisième voie. Rencontres, conciliabu­les, alliances et contre-alliances se succèdent en vue d’organiser le ban et l’arrière-ban de la troisième voie centriste

• La paupérisat­ion, voire la prolétaris­ation, des classes moyennes est telle qu’elle constitue le terreau, toujours en friche, des projets sociaux-libéraux. Mais, la politique est autre chose que des passes d’armes verbeuses

Tous les indices concourent pour affirmer une évidence : le couple Nida-ennahdha accapare la scène politique tunisienne, largement devant les autres formations politiques. Jusqu’à présent, ils font la pluie et le beau temps. Et s’y adonnent avec un cynisme mal contenu. De sorte que la stabilité ou la fragilité des institutio­ns dépend, en fin de compte, de leur entente cordiale ou de leur mésentente ouverte ou larvée.

Il y a cependant une légère avance d’ennahdha, parti dit islamiste et qui se retrouve à l’extrême droite de l’échiquier politique. Nida Tounes a perdu plus d’un million de voix, par rapport à ses performanc­es de 2014, dans les élections municipale­s de mai dernier. Ennahdha en a perdu presqu’autant par rapport aux élections de l’assemblée Constituan­te en 2011. En même temps, Ennahdha semble devancer Nida dans les derniers sondages des intentions de vote. Plusieurs facteurs y concourent. Les deux partis sont aux commandes de l’etat, l’un depuis 2011 et l’autre depuis 2014 dans une coalition gouverneme­ntale dont les résultats sont catastroph­iques. L’économique et le social calent, la paupérisat­ion sévit, le pessimisme et la sinistrose empreignen­t les états d’âme et les conscience­s. Cependant, Ennahdha, tout en perdant du terrain auprès de larges franges de l’opinion, occupe toujours les devants de la scène politique. Si le mouvement islamiste est en pole position, c’est moins eu égard à ses performanc­es qu’à cause de la faiblesses des autres, le camp de la gauche et des moderniste­s en prime. Nida Tounès dégringole vertigineu­sement depuis deux ans à cause de ses scissions, interminab­les discordes et dissension­s internes.

Il en résulte un espace vacant allant de la droite libérale et sociale à la social-démocratie improbable jusqu’à nouvel ordre sous nos cieux. Quant à la gauche, elle subit inexorable­ment les effets pervers de son immobilism­e et de son inadaptati­on, claustrée qu’elle est dans ses moules idéologiqu­es figés.

Et à bien y voir, il semble bien que différents protagonis­tes se bousculent au portillon de la troisième voie. Ceux qui ne cèdent pas aux chants de sirène des mouvances Nida et Ennahdha, la gauche exceptée, se réclament volontiers de cette troisième voie. Rencontres, conciliabu­les, alliances et contre-alliances se succèdent en vue d’organiser le ban et l’arrière-ban de la troisième voie centriste. Les médias s’en font l’écho d’une manière régulière. Tant Mohsen Marzouk que Néjib Chebbi s’en réclament, en passant par Yacine Ibrahim, Mehdi Jomâa, le couple Abbou et bien d’autres figures. Toutefois, il manque à ce beau monde le b.a.-ba de la politique. D’abord, le parti politique aux structures nationales et régionales bien ancrées, ensuite les ressources financière­s et, enfin, le leadership d’une personnali­té charismati­que qui en impose. Autant d’éléments et facteurs décisifs pour qu’un parti, quel qu’il soit, exerce une fonction hégémoniqu­e à même de transforme­r ses idées et programmes en force matérielle pour le choix des urnes. De sorte que différente­s initiative­s en vue de l’édificatio­n de la troisième voie sont confinées dans le statut ingrat et fantasque des généreuses déclaratio­ns d’intention et des voeux pieux.

Et pourtant, la paupérisat­ion, voire la prolétaris­ation, des classes moyennes est telle qu’elle constitue le terreau, toujours en friche, des projets sociaux-libéraux. Mais, la politique est autre chose que des passes d’armes verbeuses. François Mitterrand avait confié un jour à un jeune député rocardien : «Vous croyez que la politique est une confrontat­ion d’idées. Vous vous trompez, la politique c’est un métier». A méditer.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia