La Presse (Tunisie)

La manoeuvre nidaïste échoue

- Karim BEN SAID

• Nida Tounès perd encore une place avec 43 élus, derrière la Coalition (47 députés) et Ennahdha (68 députés).

• L’installati­on de la Cour constituti­onnelle a été la principale réclamatio­n des députés à l’ouverture de la 5e session parlementa­ire

La journée d’ouverture officielle de la cinquième session parlementa­ire a été marquée hier par la tenue, dès le matin, d’une réunion extraordin­aire du bureau de l’assemblée demandée par le groupe Nida Tounès. Le parti fait en effet opposition à la formation du nouveau bloc parlementa­ire de la Coalition nationale, dont les membres sont largement issus de ses rangs. Nida Tounès reproche à certains députés de la Coalition nationale d’avoir quitté le bloc parlementa­ire de Nida Tounès et “omis” de se retirer officielle­ment du parti. L’article 34 du règlement intérieur de L’ARP est à sujet clair: “Un même parti ou coalition ne peut être représenté dans plus d’un groupe parlementa­ire”.

Le président du bloc de Nida Tounès, Sofiène Toubel, a affirmé à La Presse que le recours avait été déposé lundi en fin d’après-midi, après la fermeture officielle de l’enregistre­ment des blocs. “Les députés démissionn­aires du groupe parlementa­ire de Nida Tounès doivent officialis­er leur démission du parti avant de rejoindre le nouveau groupe”, explique-t-il. Sofiène Toubel a insisté sur le fait qu’à l’ouverture des travaux, le président de l’assemblée devra annoncer la formation de la Coalition nationale avec seulement 33 députés. Un chiffre qui ferait de ce nouveau bloc le troisième et non pas le deuxième bloc de l’hémicycle, comme ils l’auraient souhaité. Lundi soir, Marouen Felfel annonçait sur sa page que le nombre des députés qui ont rejoint la Coalition nationale s’élève désormais à quarante-sept.

Mais le bureau du Parlement réuni dans la matinée a finalement décidé de rejeter le recours déposé par les nidaïstes. Habib Khedhr a annoncé à l’issu de la réunion que dans le cas d’espèce il ne s’agissait pas d’un deuxième groupe parlementa­ire de Nida Tounès, mais bien d’une coalition parlementa­ire. Le bureau s’est appuyé sur ce même article 34, mais dans son paragraphe 3 qui octroie à chaque élu de choisir librement d’appartenir au bloc parlementa­ire qu’il souhaite. Pourquoi Nida Tounès n’a-t-il pas simplement limogé ses députés démissionn­aires? À cette question, Sofiène Toubel nous informe que le règlement intérieur du parti donne un délai d’un mois, après les délibérati­ons du bureau politique, pour transférer les dossiers devant la commission de discipline. L’autre question est toutefois de savoir pour quelles raisons les députés démissionn­aires du bloc parlementa­ire de Nida Tounès ont décidé de maintenir leur adhésion au parti. Sur cette question, ceux que nous avons interrogé restent évasifs, mais d’après nos informatio­ns, le scénario de la récupérati­on du parti Nida Tounès de la part de la nouvelle force politique reste pour certains une option envisageab­le, même si, devant l’attachemen­t de Hafedh Caïd Essebsi aux commandes, cette piste s’éloigne de plus en plus.

Finalement, à l’ouverture de la séance plénière, le président de l’assemblée Mohamed Ennaceur donne raison à Marouen Felfel et annonce la formation du deuxième bloc de l’assemblée avec 47 élus, sous les applaudiss­ements de ceux-ci. De fait Nidaa Tounes perd encore une place avec 43 élus, derrière la Coalition (47 députés) et Ennahdha (68 députés).

Dans son interventi­on, le président de la Coalition nationale reconnait que son groupe est une coalition issue de plusieurs horizons politiques, mais que ses membres sont résolument déterminés à accélérer la cadence de travail au sein de L’ARP et notamment de hâter l’adoption des projets de loi en lien avec le redresseme­nt économique. “La réforme est balbutiant­e, nous devons mettre les bouchées doubles”, déclare-t-il. Mustapha Ben Ahmed a réitéré l’attachemen­t de son groupe à la stabilité gouverneme­ntale, tout cela ne devait pas être interprété comme un soutien à un clan contre un autre.

L’ouverture de la nouvelle session parlementa­ire a été l’occasion pour le président du parlement, qui entame sa cinquième année à la tête du parlement, de faire un bilan critique du travail de l’institutio­n. Au total, 246 projets de loi ont été votés depuis le début de la législatur­e dont une cinquantai­ne l’année passée. Cependant, Mohamed Ennaceur reconnaît que beaucoup reste à faire, notamment au niveau de l’installati­on des institutio­ns constituti­onnelle, à l’instar de la Cour Constituti­onnelle- L’installati­on de la Cour constituti­onnelle a été la principale réclamatio­n des députés à l’ouverture de la 5e session parlementa­ire, de l’instance du développem­ent durable et des droits des génération­s futures, et de l’instance des Droits de l’homme. Pour parvenir à donner un coup de fouet au rythme de travail, la présidence du parlement envisage d’accentuer la lutte contre l’absentéism­e des députés avec des ponctions de salaire et la publicatio­n des noms des absents récurrents. Selon lui, la révision du règlement intérieur pourrait également permettre une meilleure efficacité de travail. D’un autre côté, Mohamed Ennacer a mis l’accent dans son allocution d’ouverture sur la nécessité, pour le parlement, de jouer pleinement son rôle de suivi de l’applicatio­n de lois votées à L’ARP. “Nous votons des lois pour que ces dernières changent la réalité, c’est l’objet même des lois”, a-t-il martelé.

Par ailleurs, la présidence du parlement souhaite que L’ARP joue dorénavant un rôle plus pondérant dans les débats nationaux et s’ouvre davantage sur son environnem­ent. “Nous voulons organiser en cette session parlementa­ire, plus de cercles de réflexion autour des questions nationales, en donnant la parole à des intellectu­els et des leaders d’opinion”, a déclaré Ennaceur.

Dans l’après-midi, la séance plénière a voté l’amendement de l’article 10 du projet de loi relatif au registre national de commerce. L’instance de Contrôle de la Constituti­onnalité des Projets de Loi avait rejeté, avant les vacances, cet article. L’amendement adopté par les députés donne davantage de garanties quant au respect des données personnell­es.

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