Au-delà des murs de prison
Des hommes, jeunes et moins jeunes, ont chanté la douleur d’être privés de leur liberté, sur le visage se dessine toute la dureté d’un monde difficile à gérer.
Dans les coulisses du théâtre des régions à la Cité de la culture, tout le monde est déjà sur place, sur scène, des musiciens professionnels et chanteurs pas comme les autres, donnent les dernières touches d’un show inédit. Les répétitions ont eu lieu à la prison de Borj Erroumi à Bizerte et 15 détenus au talent artistique remarquable sont venus donner leur spectacle. Le monde carcéral avec toute la douleur qu’il peut engendrer chez le détenu fut traduit dans le répertoire interprété, ce matin du 2 octobre, dirigé par l’artiste Tahar Grissa. Ce spectacle matinal est une première pour les JMC qui viennent se joindre aux JCC et aux JTC qui ont déjà programmé l’an dernier une pièce théâtrale jouée par des détenus. Des actions similaires visent à sortir les détenus de leur quotidien et de l’enfermement puisque la plupart purgent des peines lourdes qui vont jusqu’à la perpétuité. Les chansons interprétées puisent dans le répertoire classique du chant tunisien, comme Hédi Jouini, Slah Mosbah et autres, des chansons qui expriment le vécu de gens malmenés par la vie. Les détenus ont eu l’occasion d’exprimer leur peine et leur soif de dignité.
Des hommes, jeunes et moins jeunes ont chanté la douleur d’être privés de leur liberté, sur le visage se dessine toute la dureté d’un monde difficile à gérer.
Le show a pris fin avec l’hymne national tunisien. Il est, certes, difficile de voir une larme dans les yeux de personnes aussi fragiles dont la vie semble leur avoir tout pris. Le temps d’une heure, toute la douleur de ce monde s’est manifestée sur scène dans une initiative du club de la prison avec le soutien de l’association Bizerte Cinéma qui a, depuis des mois, veillé à l’encadrement des détenus. Achraf Chargui, directeur des JMC, a lui-même rejoint la scène pour jouer au luth avec la troupe. Pour ce directeur et artiste à la fois, «la musique ne connaît pas de murs». Ces détenus sont des artistes doués qui méritent soutien et encouragement, un avis qui consacre sa conviction que «la musique n’a ni couleur, ni orientation quelconque». Chargui place la musique dans sa vocation première d’un outil qui «alimente nos âmes… à travers laquelle sont transmis des messages multiples, d’amour et d’humanisme». Il salue «une opération pas du tout évidente» qui a pu se concrétiser grâce à l’engagement de la Direction générale des prisons et de la rééducation (Dgpr), l’organisation mondiale contre la torture (Omct) et toutes les parties ayant permis à ce projet de voir le jour, dont les ambassades du Canada et d’autriche en Tunisie.
Les JMC aspirent à élargir cette expérience sur d’autres institutions pénitentiaires à travers la République, voire la tenue d’un festival national destiné à cette frange de la société.
Le représentant de la Dgpc promet le renouvellement de la coopération lors des prochaines JCC, «un travail qui va de pair avec un effort quotidien dans l’encadrement des détenus, compte tenu du rôle de la culture dans l’acquisition d’une bonne conduite, l’ouverture d’esprit et l’intégration».