La Presse (Tunisie)

L’heure d’une nouvelle approche préventive

- Marwa SAIDI

• Depuis sa création jusqu’à fin 2017, le comité a réalisé plus de 4.000 opérations de suivi. Le taux de correction des fautes de gestion a atteint environ 85% de l’ensemble des opérations de suivi effectuées par le comité. La clôture de 1.300 dossiers de contrôle et d’inspection est désormais confirmée.

• Le comité s’attelle à étendre le domaine de son activité en développan­t la dimension préventive du contrôle et de l’inspection. Le « manuel du gestionnai­re public pour éviter la mauvaise gestion », la liste des fautes les plus répandues dans le secteur public et le « manuel des bonnes pratiques pour une meilleure gouvernanc­e dans les établissem­ents publics » sont au menu des initiative­s lancées à cet effet.

« Quels apports des institutio­ns de contrôle, d’inspection et d’audit dans le renforceme­nt de la performanc­e publique ? ». C’est le thème qui a été débattu lors de la conférence annuelle internatio­nale du Haut comité de contrôle administra­tif et financier (Hccaf) tenue mardi à Tunis, en présence des représenta­nts des partenaire­s de la Tunisie dans son projet pour la bonne gouvernanc­e, à savoir l’ocde et la Fondation Friedriche­bert. Le président du Hccaf, Kamel Ayadi, a rappelé dans son allocution d’ouverture la mission principale du Hccaf. Elle consiste à améliorer la performanc­e publique. Pour ce faire, le comité doit remplir deux objectifs, à savoir la coordinati­on entre les programmes d’interventi­on établis par les divers organismes de contrôle et le suivi des rapports synthétisé­s par ces organismes tout en veillant à l’applicatio­n des recommanda­tions élaborées.

Une performanc­e en déclin

Ainsi, le président du Hccaf a affirmé que depuis sa création en 1993 jusqu’à fin 2017, le comité a réalisé plus de 4.000 opérations de suivi, dont 1.500 primaires et plus de 2.000 antérieurs. En dépit de son cadre juridique imprécis et du manque des ressources humaines nécessaire­s permettant d’assurer sa mission, le comité a enregistré plus de 44 mille défaillanc­es et manquement­s lors des opérations de suivi réalisées depuis sa création. Plus de 15 mille recommanda­tions ont été également élaborées. Le taux de correction des fautes de gestion a atteint environ 85% de l’ensemble des opérations de suivi effectuées. Le président du Hccaf a confirmé la clôture de 1.300 dossiers de contrôle et d’inspection après avoir effectué les correction­s nécessaire­s. Cependant, M. Ayadi a souligné qu’en comparaiso­n des premières années depuis sa création, la contributi­on du Hccaf dans l’améliorati­on de la gestion publique s’est continuell­ement affaiblie. À cet égard, le président du comité a expliqué, dans une déclaratio­n à La Presse, que ce déclin au niveau de l’efficacité de cet organe s’explique par la disparitio­n de certaines pratiques. « Avant, il y avait beaucoup plus d’interactio­n entre le Haut comité et le gouverneme­nt. Nous avions l’habitude de discuter les recommanda­tions du comité avec les divers acteurs dans le cadre de conseils ministérie­ls. Nous nous attendons à ce que le gouverneme­nt donne davantage d’importance aux rapports de suivi élaborés par le comité. Nous avons constaté de bons indices, puisque les deux derniers rapports élaborés ont servi au gouverneme­nt pour enclencher un certain nombre de mesures corrective­s. Nous souhaitons qu’il y ait plus de collaborat­ion et plus d’interactio­n de la part du gouverneme­nt avec le Haut comité », affirme Kamel Ayadi.

Développer la dimension préventive de l’inspection

« Sans aucun doute, la performanc­e publique s’est énormément dégradée. Cette dégradatio­n est bien manifeste à travers non seulement des rapports d’audit et d’inspection dont nous disposons, mais également à travers la nature des fautes commises par les gestionnai­res publics », a affirmé Kamel Ayadi. A cet égard, il a déclaré qu’il est indispensa­ble de moderniser les mécanismes de contrôle, d’inspection, d’audit et de suivi. Il a également souligné l’impératif de renforcer les outils de contrôle interne et d’appuyer les structures d’inspection et des unités de gouvernanc­e. En outre, Kamel Ayadi a expliqué que depuis deux ans, le comité s’attelle à étendre le domaine de son activité en valorisant la dimension préventive du contrôle et de l’inspection. Des initiative­s ont été lancées à cet effet. L’élaboratio­n du « manuel du gestionnai­re public pour éviter la mauvaise gestion » publié récemment, l’instaurati­on d’une liste incluant les fautes les plus répandues dans le secteur public et l’élaboratio­n du «manuel des bonnes pratiques pour une meilleure gouvernanc­e dans les établissem­ents publics», qui sera publié d’ici peu, sont au menu.

Approche de proximité

Par ailleurs, le président du Hccaf a fait savoir qu’une nouvelle approche dénommée « le suivi de proximité » a fait l’objet d’un projet pilote mis en oeuvre l’année dernière. C’est une expérience qui a été entamée, en collaborat­ion avec l’ocde, pour réaliser des suivis de proximité dans deux secteurs, à savoir l’énergie et la santé. Le président du comité ainsi que le représenta­nt de l’ocde, Martin Forst, ont affirmé la réussite de cette opération qui va être dupliquée dans 27 structures publiques. « La méthode classique adoptée par le comité consiste en un suivi sur pièce. Il sert à décortique­r le rapport de contrôle reçu pour conclure les recommanda­tions visant à corriger les fautes de mauvaise gestion commises par les gestionnai­res. Ces recommanda­tions sont ensuite envoyées par courrier, afin d’interagir avec le gestionnai­re. Nous avons constaté que cette méthode de suivi prend beaucoup de temps et n’aboutit pas aux résultats escomptés. Par contre, le suivi de proximité consiste à réaliser des visites sur place dans les lieux de travail des gestionnai­res dans le but de les accompagne­r et de les assister en vue de corriger les fautes commises. À la fin de ces visites, un ensemble de mesures corrective­s sont synthétisé­es et serviront de référent de travail aux gestionnai­res », explique Kamel Ayadi. Pour le représenta­nt de l’ocde, cette nouvelle approche s’inscrit dans le cadre d’un projet mis en place avec le comité qui vise à optimiser les dépenses publiques. Ce projet contribuer­a, à son tour, dans la lutte contre la corruption dont les premières opérations ont été entamées en 2017, soutient-il. De son côté, le conseiller auprès du chef du gouverneme­nt chargé de la fiscalité, Faycel Derbal, a affirmé que la Tunisie a de tout temps suivi la tendance internatio­nale en matière de standards et de normes de contrôle et d’audit. Il a souligné que depuis 99, la Tunisie a adopté toutes les normes internatio­nales de bonnes pratiques de contrôle. Par ailleurs, les normes comptables internatio­nales du secteur public (Ipsas) seront très bientôt adoptées et seront appliquées à l’exercice de l’année 2020-2021.

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