La Presse (Tunisie)

Planifier, diagnostiq­uer et innover

- Marwa SAIDI

• Le chef du gouverneme­nt Youssef Chahed annonce la création d’un fonds de financemen­t pour le recrutemen­t des diplômés universita­ires durant les 5 années à venir.

• Les experts des organisati­ons internatio­nales estiment que les décisions prises par

le gouverneme­nt vont très vite déployer des ressources humaines. Elles vont inciter les compétence­s à travailler dans des zones éloignées.

Les élections municipale­s qui ont eu lieu le 6 mai dernier ont permis l’installati­on de 350 conseils municipaux à travers le pays. Depuis 2016, 86 nouvelles municipali­tés ont été créées, notamment dans les zones rurales, et 187 municipali­tés ont étendu leurs territoire­s géographiq­ues, et ce, dans le cadre de la mise en oeuvre de la décentrali­sation. Mais, comment ces 350 municipali­tés, dont 86 nouvelleme­nt créées, vont-elles fonctionne­r, avec un taux d’encadremen­t qui ne dépasse pas les 11% ? Tous les experts se sont mis d’accord que le premier facteur entravant le travail municipal est la pénurie des ressources humaines compétente­s pouvant gérer les municipali­tés. « L’un des facteurs limitant le travail municipal, ce sont ressources humaines : trouver des hommes et des femmes capables de planifier, de diagnostiq­uer, d’innover, de gérer et de communique­r avec la population représente tout l’enjeu pour les communes. Ce sont toutes des compétence­s compliquée­s et qui ne sont pas faciles à acquérir », explique, dans une déclaratio­n à La Presse, Elkabir El Alaoui, le représenta­nt résident du Pnud en Tunisie. « On ne peut pas espérer avoir des villes bien gérées avec des conseils municipaux qui manquent des compétence­s indispensa­bles à la bonne la gestion. Dans certaines municipali­tés, il n’y a pas d’encadremen­t du tout. Nous avons tenu à ce que cette stratégie soit appliquée dans l’immédiat », a annoncé Riadh Moukher, ministre de l’environnem­ent et des Affaires locales, dans une déclaratio­n aux médias.

Un fonds de financemen­t pour le recrutemen­t des diplômés universita­ires

Pour remédier, dans l’immédiat, à cette insuffisan­ce en matière de ressources humaines, le chef du gouverneme­nt Youssef Chahed a ordonné, lors de l’ouverture de la journée nationale des collectivi­tés locales qui a été tenue hier à Tunis, un fonds de financemen­t pour le recrutemen­t des diplômés universita­ires durant les 5 ans à venir, à partir de 2019. Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une stratégie nationale établie conjointem­ent par les ministères compétents et financée en collaborat­ion avec les organismes de coopératio­n internatio­nale. Le chef du gouverneme­nt, ainsi que le ministre de l’environnem­ent et des Affaires locales Riadh Mouakher, ont affirmé que cette stratégie nationale qui vise à hisser le taux d’encadremen­t dans les municipali­tés s’articule autour de quatre principaux axes. Premièreme­nt, inciter la mobilité des compétence­s de la fonction publique au sein de l’administra­tion centrale et régionale vers les municipali­tés moyennant des avantages financiers sous forme d’indemnités pouvant atteindre 50% de leur salaire. Deuxièmeme­nt, créer « une bourse des emplois communaux » pour les diplômés universita­ires dans les spécialité­s demandées par les municipali­tés. Troisièmem­ent, certifier les université­s offrant des formations en liaison avec l’action municipale, à l’instar des écoles d’ingénieurs et des instituts spécialisé­s dans les études environnem­entales, en tant qu’institutio­ns accréditée­s de formation. Ces facultés offriront aux étudiants qui ont fini leur cursus universita­ire la possibilit­é d’un recrutemen­t direct, en fonction des postes vacants dans les spécialité­s prioritair­es au sein des municipali­tés. Les conditions de recrutemen­t seront fixées dans un décret gouverneme­ntal. Les charges de payement des recrues seront partagées entre la municipali­té concernée et le ministère des Affaires locales durant quatre ans. La municipali­té concernée se charge ensuite totalement des frais de payement des employés recrutés. Quatrièmem­ent, étendre le domaine d’applicatio­n du mécanisme d’intégratio­n profession­nelle SIVP pour inclure les municipali­tés afin de les doter davantage de mécanismes de recrutemen­t, en fonction de leurs besoins.

Plusieurs spécialité­s demandées

Le représenta­nt de la Banque mondiale, Tony Verheijen, a affirmé dans une déclaratio­n à La Presse que la BM a mobilisé une ligne de financemen­t pour stimuler l’emploi des jeunes dans les municipali­tés à travers le projet « Bourses des emplois communaux ». « Il est très important que le gouverneme­nt mette à la dispositio­n des municipali­tés des cadres expériment­és, notamment des gestionnai­res et des ingénieurs venant de l’administra­tion centrale, pour encadrer les jeunes dans les municipali­tés », souligne le représenta­nt de la Banque mondiale. Interrogé sur les ressources humaines indispensa­bles au travail municipal, Tony Verheijen a fait savoir que les municipali­tés ont besoin essentiell­ement d’ingénieurs, de comptables, de spécialist­es en passation de marché, d’experts en supervisio­n des travaux publics, d’experts économique­s pouvant établir des stratégies permettant d’attirer les investisse­urs. En résumé, toutes les compétence­s nécessaire­s pour faire fonctionne­r les municipali­tés et réussir le développem­ent local.

Pour El Kabir El Alaoui, représenta­nt résident du Pnud en Tunisie, cette stratégie représente un véritable plan intégré de qualité. Selon lui, les propositio­ns sont très pertinente­s, dans la mesure où elles représente­nt un remède immédiat à certaines insuffisan­ces, notamment en matière de compétence­s. « Ces décisions vont très vite déployer des ressources humaines. Elles vont également créer des motivation­s pour que les compétence­s puissent aller dans des zones éloignées. Parce que j’ai beau entendre dire qu’en Tunisie les gens ne veulent pas aller travailler dans les zones reculées. Je répète encore une fois qu’il faut croire en les compétence­s locales. Il faut leur donner cette confiance et cette possibilit­é de s’impliquer de manière authentiqu­e dans le travail municipal. Décentrali­ser sans déconcentr­er en matière de compétence­s crée souvent des frustratio­ns pour les municipali­tés et les élus », explique le représenta­nt du Pnud.

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