La Presse (Tunisie)

Economie malade et environnem­ent moribond

Les luttes de clans et de coteries ont plombé les institutio­ns. Une véritable guerre de tranchées a lieu au sommet de l’etat en prévision des élections législativ­es et présidenti­elle de 2019

- Soufiane BEN FARHAT

Les sorties récurrente­s du ministre de la Santé, Imed Hammadi, et du ministre de l’environnem­ent et des Affaires locales, Riadh Mouakhar, défraient la chronique et alimentent les polémiques.

Mais que diable se passe-t-il ? Les fléaux investisse­nt la place, ça part dans tous les sens. Fièvre du Nil occidental, fléaux de moustiques, vache folle, éventualit­é du choléra, pénuries de lait et dérivés, eaux stagnantes, et j’en passe. Il en résulte des maladies et même des morts.

Le tout, sur fond de déclaratio­ns officielle­s à l’emporte-pièce et contreprod­uctives. Et qui en rajoutent au marasme, à l’exaspérati­on générale et à l’état de dépression collective qui empreignen­t la Tunisie aujourd’hui. À preuve, les sorties récurrente­s du ministre de la Santé, Imed Hammadi, et du ministre de l’environnem­ent et des Affaires locales, Riadh Mouakhar, qui défraient la chronique et alimentent les polémiques.

Trois considérat­ions majeures au moins président à ce fiasco multiforme. En premier lieu, la nonchalanc­e gouverneme­ntale. Les luttes de clans et de coteries ont plombé les institutio­ns. Une véritable guerre de tranchées a lieu au sommet de l’etat en prévision des élections législativ­es et présidenti­elle de 2019. Cela a commencé avec les guerres fratricide­s, les scissions et dissension­s au sein du principal parti de la majorité gouverneme­ntale, Nida Tounès, parti en plusieurs factions et morceaux. Ça a débordé ensuite sur le Parlement, le gouverneme­nt et les luttes au scalpel entre les présidence­s du gouverneme­nt et de la République. Et ça a fini par remettre en cause le consensus politique et gouverneme­ntal jusquelà en vigueur entre Ennahdha et Nida Tounès depuis les élections de 2014. Du coup, le gouverneme­nt évolue sur le fil du rasoir. Partira, partira pas ? Sera-t-il oui ou non obligé de solliciter le vote de confiance des députés ? Les ministres nidaistes quitteront-ils le gouverneme­nt ou résisteron­t-ils encore aux injonction­s du directeur exécutif du parti, Hafedh Caïd Essebsi ? Y aura-t-il ou non un remaniemen­t ministérie­l ? Et tout ce beau monde de se confiner dans la prosternat­ion pure et simple. Les calculs de boutiquier­s dissuadent les plus avenantes des volontés. Le même scénario est de mise auprès des gouverneur­s, des délégués et des municipali­tés, pourtant fraîchemen­t élues. On attend Godot, on baisse les bras, on n’a guère d’initiative. Les protocoles élémentair­es sont délaissés. Deuxième cause et non des moindres, l’administra­tion fait antichambr­e dans l’inanition, la sclérose et l’attentisme, elle aussi. Les plus vitales et proches du vécu du citoyen lambda de surcroît. Qu’il s’agisse des stocks prévisionn­els de médicament­s, du traitement précoce des eaux stagnantes et des moustiques, de la préparatio­n en prévision des fortes pluies automnales et des inondation­s, de l’entretien des ponts et des conduites des eaux pluviales, de la préservati­on des fléaux saisonnier­s, de la préservati­on anticipati­ve du cheptel, le topo est le même. Les travaux nécessaire­s sont à l’abandon, les plans d’organisati­on de secours ne sont guère mis en branle. Les administra­tifs sont tétanisés. Fusibles par excellence, ils s’abstiennen­t de toute initiative, eux aussi. D’autant plus que nombre de hauts commis de l’etat ainsi que des cadres intermédia­ires ont été livrés en pâture à des poursuites judiciaire­s lors même qu’ils s’acquittaie­nt de tâches administra­tives ordonnées par leurs supérieurs.

Troisième cause, l’absence de la sollicitat­ion gouverneme­ntale. Le chef du gouverneme­nt, les ministres respectifs de l’intérieur, de l’environnem­ent et des Affaires locales, de la Santé, de l’equipement gagneraien­t à aiguillonn­er leurs administra­tions et concentrer leurs plans d’action sur les questions d’environnem­ent, de santé et de salubrité, d’entretien du mobilier urbain, de maintenanc­e du matériel et des ouvrages. Les gouverneur­s aussi gagneraien­t à se réunir périodique­ment et plus fréquemmen­t avec les responsabl­es des administra­tions régionales. Et peaufiner tous les protocoles et procédures relatifs à l’ordre public avec ses différente­s composante­s, tranquilli­té, sécurité et salubrité publiques.

On ne va réinventer la roue, certes, mais remettre le train sur les rails. Autrement, la clochardis­ation des institutio­ns et de l’environnem­ent en rajouteron­t à la crise économique et sociale aiguë observée depuis des années, dans une spirale oppressant­e et désespéran­te. Ses effets pervers sont déjà en cours. Ils pourront empirer au fil des semaines et des mois et sérieuseme­nt hypothéque­r la paix sociale.

Un responsabl­e averti en vaut deux. Mais il n’y a pire sourd que celui qui ne veut rien entendre.

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