Les institutions républicaines en danger
La crise larvée au sommet de l’etat prend des tournures de plus en plus graves. Elle envenime davantage une donne économique, politique et sociale déjà viciée. En fait, il y a un effet boule de neige pervers qui tire de plus en plus les institutions de la République vers le bas. La crise initiale de Nida Tounès, principale formation de la majorité gouvernementale partie en mille morceaux, factions et coteries, a débordé sur les institutions. D’abord le Parlement, où les protagonistes s’étripent au couteau. Puis entre Nida et le chef du gouvernement; pour vicier ensuite les rapports entre les présidences du gouvernement et de la République, avant d’entamer ceux entre Nida et Ennahdha. Et s’installer enfin au sein même de la présidence de la République. À preuve, la démission supposée, pas plus tard qu’hier, du ministre-directeur du cabinet présidentiel.
Reconnaissons-le sans ambages. L’atmosphère est plombée, nourrie de préventions et d’inconnues. Aujourd’hui, ici et maintenant sous nos cieux, tout est possible. Tant au niveau des répercussions sociales d’une crise multiforme dont le citoyen lambda supporte à son corps défendant les effets pernicieux qu’à l’échelle des prétentions et tentations des uns et des autres. Non seulement le processus démocratique est en danger, mais également il y a risque de délitement de l’etat et d’effondrement des institutions républicaines.
Par-delà les querelles de chapelle des partis politiques, les trois présidences — de la République, du gouvernement et du Parlement — sont en cause. On ne saurait assister les bras croisés à une telle descente aux enfers. Les Tunisiens sont autant fourvoyés que dégoûtés des luttes intestines et des nouvelles féodalités politiques en passe de phagocyter l’etat. Et c’est d’autant plus effrayant que les instances supposées être gardiennes du temple républicain et protectrices de la souveraineté et de l’inviolabilité des institutions sont elles-mêmes l’huile et le rouage de ce jeu de massacre infernal. La classe politique dans son ensemble, en perte de repères et qui voit sa légitimité se rétrécir comme peau de chagrin, est discréditée. Lors des élections municipales de mai dernier, on avait assisté à un vote-sanction n’épargnant personne ni quelque parti. Demain, les issues pourraient être plus malheureuses et radicales. Parce que l’action égale la réaction et que ce qui commence dans l’équivoque finit immanquablement dans la compromission.