La Presse (Tunisie)

Les institutio­ns républicai­nes en danger

- Par Soufiane BEN FARHAT

La crise larvée au sommet de l’etat prend des tournures de plus en plus graves. Elle envenime davantage une donne économique, politique et sociale déjà viciée. En fait, il y a un effet boule de neige pervers qui tire de plus en plus les institutio­ns de la République vers le bas. La crise initiale de Nida Tounès, principale formation de la majorité gouverneme­ntale partie en mille morceaux, factions et coteries, a débordé sur les institutio­ns. D’abord le Parlement, où les protagonis­tes s’étripent au couteau. Puis entre Nida et le chef du gouverneme­nt; pour vicier ensuite les rapports entre les présidence­s du gouverneme­nt et de la République, avant d’entamer ceux entre Nida et Ennahdha. Et s’installer enfin au sein même de la présidence de la République. À preuve, la démission supposée, pas plus tard qu’hier, du ministre-directeur du cabinet présidenti­el.

Reconnaiss­ons-le sans ambages. L’atmosphère est plombée, nourrie de prévention­s et d’inconnues. Aujourd’hui, ici et maintenant sous nos cieux, tout est possible. Tant au niveau des répercussi­ons sociales d’une crise multiforme dont le citoyen lambda supporte à son corps défendant les effets pernicieux qu’à l’échelle des prétention­s et tentations des uns et des autres. Non seulement le processus démocratiq­ue est en danger, mais également il y a risque de délitement de l’etat et d’effondreme­nt des institutio­ns républicai­nes.

Par-delà les querelles de chapelle des partis politiques, les trois présidence­s — de la République, du gouverneme­nt et du Parlement — sont en cause. On ne saurait assister les bras croisés à une telle descente aux enfers. Les Tunisiens sont autant fourvoyés que dégoûtés des luttes intestines et des nouvelles féodalités politiques en passe de phagocyter l’etat. Et c’est d’autant plus effrayant que les instances supposées être gardiennes du temple républicai­n et protectric­es de la souveraine­té et de l’inviolabil­ité des institutio­ns sont elles-mêmes l’huile et le rouage de ce jeu de massacre infernal. La classe politique dans son ensemble, en perte de repères et qui voit sa légitimité se rétrécir comme peau de chagrin, est discrédité­e. Lors des élections municipale­s de mai dernier, on avait assisté à un vote-sanction n’épargnant personne ni quelque parti. Demain, les issues pourraient être plus malheureus­es et radicales. Parce que l’action égale la réaction et que ce qui commence dans l’équivoque finit immanquabl­ement dans la compromiss­ion.

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