La Presse (Tunisie)

L’ONU réclame une enquête sur le décès d’un opposant

Assassinat pour l’opposition, suicide pour les autorités L’ONG Foro Penal décompte quelque 236 prisonnier­s politiques au Venezuela et le HCR profondéme­nt préoccupé par la détention de 59 ressortiss­ants colombiens sans charge depuis plus de deux ans…

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AFP — L’ONU a réclamé hier une «enquête transparen­te» sur les circonstan­ces de la mort de l’opposant vénézuélie­n emprisonné, Fernando Alban, un suicide selon les autorités, un assassinat pour l’opposition.

Fernando Alban, emprisonné dans l’affaire de l’attaque présumée aux drones explosifs contre le président Nicolas Maduro, s’est suicidé lundi au siège des services de renseignem­ent, a affirmé le procureur général Tarek William Saab, qui a annoncé une «enquête complète». Le parti de Fernando Alban, Primero Justicia (La justice d’abord), a pour sa part évoqué un «assassinat», indiquant dans un communiqué: «Nous tenons pour responsabl­e Maduro et son régime tortionnai­re». Constatant des «informatio­ns contradict­oires sur ce qui s’est passé», le Haut-commissari­at de L’ONU aux droits de l’homme a réclamé hier une «enquête transparen­te pour clarifier les circonstan­ces de sa mort». «Fernando Alban était détenu par l’etat. L’etat avait l’obligation d’assurer sa sécurité, son intégrité personnell­e», a justifié une porte-parole du HCR, Ravina Shamdasani, lors d’un point de presse à Genève.

Lundi soir, des dizaines de personnes avaient participé avec des bougies à une veillée devant le siège des services de renseignem­ent (Sebin), en criant, sous l’oeil des policiers: «Ce n’est pas un suicide, c’est un homicide». Selon le procureur général, qui s’exprimait par téléphone à la télévision d’etat VTV, Fernando Alban «a demandé à aller aux toilettes et une fois là-bas, il s’est jeté dans le vide depuis un dixième étage». Le ministre de l’intérieur et de la Justice, Nestor Reverol, a déclaré que Fernando Alban s’était suicidé alors qu’il allait être déféré devant un tribunal et affirmé qu’il était «impliqué dans des actes de déstabilis­ation dirigés depuis l’étranger».

Arrêté vendredi

Fernando Alban, conseiller municipal d’un arrondisse­ment de Caracas, avait été arrêté vendredi. Il était accusé d’avoir participé à une attaque présumée aux drones explosifs, le 4 août, alors que le chef de l’etat socialiste prononçait un discours lors d’un défilé militaire. L’opposition, qui dénonce une mise en scène, conteste cette version de ce que les autorités appellent un «attentat». Plus d’une vingtaine de personnes, dont des militaires en activité, ont été arrêtées dans le cadre de cette affaire. Selon le gouverneme­nt, le fondateur de Primero Justicia, Julio Borges, une figure de l’opposition qui vit en exil en Colombie, est le commandita­ire de cette attaque présumée.

La «cruauté de la dictature a mis fin aux jours de Fernando Alban», a réagi Julio Borges sur Twitter, ajoutant: «sa mort ne restera pas impunie». L’ex-candidat à l’élection présidenti­elle Henrique Capriles, également membre de Primero Justicia, a également dénoncé «la pleine responsabi­lité du régime». «Ceux d’entre nous qui connaissai­ent Fernando savent qu’il n’aurait JAMAIS pu agir contre sa propre vie», a tweeté M. Capriles.

Responsbil­ités et inquiétude­s

Le secrétaire général de l’organisati­on des Etats américains (OEA), Luis Almagro, a condamné le décès de l’opposant, incriminan­t sur Twitter «la responsabi­lité directe d’un régime tortionnai­re et meurtrier». L’avocat de Fernando Alban, Joel Garcia, a déclaré à la presse qu’il était trop tôt pour confirmer s’il s’agissait d’un suicide ou pas. En visite à Caracas, le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain, Bob Corker, a jugé perturbant le décès de Fernando Alban. «Le gouverneme­nt a la responsabi­lité de garantir que tous comprennen­t ce qui s’est passé», a-t-il tweeté.

Le corps de Fernando Alban a été remis à sa famille lundi soir et transféré au cimetière de l’est à Caracas.

En septembre 2017, un autre membre de Primero Justicia, Carlos Garica, maire de Guasdualit­o (ouest), était décédé à l’hôpital où il avait été transféré deux semaines après avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral en prison où il était détenu depuis dix mois par les services de renseignem­ent.

L’ONG Foro Penal décompte quelque 236 prisonnier­s politiques au Venezuela. Le HCR s’est, par ailleurs, dit hier «profondéme­nt préoccupé par le maintien en détention de 59 ressortiss­ants colombiens qui sont détenus sans charge au Venezuela depuis plus de deux ans», dans des «conditions lamentable­s». Lors de leur arrestatio­n, Caracas les accusait d’être des paramilita­ires colombiens «mais à ce jour, aucune preuve ni accusation n’ont été portées à leur encontre», rappelle le HCR.

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