La Presse (Tunisie)

Du « tourisme » politique

- Par M’hamed JAIBI M.J.

Le phénomène du « tourisme parlementa­ire » que dénoncent, de temps à autre, des politicien­s « bien inspirés », est en fait une pratique courante dans toutes les démocratie­s, qui se renforce, certes, dans les systèmes parlementa­ires, notamment lorsque la scène politique est fragmentée en de nombreux partis qui font et défont leurs alliances. Et, en Tunisie, le régime politique est resté, malgré les nouveaux pouvoirs octroyés au président de la République élu au suffrage universel direct, essentiell­ement parlementa­ire.

Quoi qu’il en soit, il serait malvenu et antidémocr­atique de recourir à l’interdicti­on de ces migrations d’un parti à l’autre et d’un groupe parlementa­ire à l’autre, tout simplement parce que les élus des différents partis représenté­s au parlement sont, en fait, les élus du peuple, qu’ils représente­nt individuel­lement sans la moindre contrainte de la part de la formation politique sous les couleurs de laquelle ils se sont présentés. Laquelle est libre de les exclure de ses rangs, pas du parlement. Ceux qui ont fait campagne contre ces changement­s d’orientatio­n politique ou d’étiquette, y ont recouru par nécessité, de peur de voir leur parti se vider. Le fait de voir l’ancien ministre Néji Jalloul se joindre à cette cabale étonne et interpelle, lui qui est en charge des études stratégiqu­es !

Le jeu des partis et leur vivacité au diapason du mouvement de la société réelle, exige de laisser les débats entre les diverses expression­s politiques et sociales, entre les personnali­tés politiques, intellectu­elles, universita­ires, syndicales et culturelle­s de tout bord, se développer tout à fait librement à la recherche des meilleures voies de l’émancipati­on nationale, de la prospérité collective et de la paix civile.

Le « tourisme parlementa­ire » est donc, sans conteste, une marque de dynamisme et de bonne santé. Il a permis, après l’expérience de l’élection de la Constituan­te, de réajuster l’échiquier politique suite à l’appel de Béji Caïd Essebsi puis de permettre à de nombreux élus de rejoindre leurs véritables conviction­s. Le fait qu’il serve aujourd’hui à donner du poids à un groupe parlementa­ire en particulie­r, ne suffira pas à le diaboliser.

Nous sommes un pays touristiqu­e. Le tourisme est, chez nous, une seconde nature. Voyez comme nos partis se détournent aisément de leurs programmes électoraux « dans l’intérêt du pays » en guise de « tourisme politique » et vous saisirez pourquoi la liberté de mouvement est essentiell­e en démocratie.

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