Du « tourisme » politique
Le phénomène du « tourisme parlementaire » que dénoncent, de temps à autre, des politiciens « bien inspirés », est en fait une pratique courante dans toutes les démocraties, qui se renforce, certes, dans les systèmes parlementaires, notamment lorsque la scène politique est fragmentée en de nombreux partis qui font et défont leurs alliances. Et, en Tunisie, le régime politique est resté, malgré les nouveaux pouvoirs octroyés au président de la République élu au suffrage universel direct, essentiellement parlementaire.
Quoi qu’il en soit, il serait malvenu et antidémocratique de recourir à l’interdiction de ces migrations d’un parti à l’autre et d’un groupe parlementaire à l’autre, tout simplement parce que les élus des différents partis représentés au parlement sont, en fait, les élus du peuple, qu’ils représentent individuellement sans la moindre contrainte de la part de la formation politique sous les couleurs de laquelle ils se sont présentés. Laquelle est libre de les exclure de ses rangs, pas du parlement. Ceux qui ont fait campagne contre ces changements d’orientation politique ou d’étiquette, y ont recouru par nécessité, de peur de voir leur parti se vider. Le fait de voir l’ancien ministre Néji Jalloul se joindre à cette cabale étonne et interpelle, lui qui est en charge des études stratégiques !
Le jeu des partis et leur vivacité au diapason du mouvement de la société réelle, exige de laisser les débats entre les diverses expressions politiques et sociales, entre les personnalités politiques, intellectuelles, universitaires, syndicales et culturelles de tout bord, se développer tout à fait librement à la recherche des meilleures voies de l’émancipation nationale, de la prospérité collective et de la paix civile.
Le « tourisme parlementaire » est donc, sans conteste, une marque de dynamisme et de bonne santé. Il a permis, après l’expérience de l’élection de la Constituante, de réajuster l’échiquier politique suite à l’appel de Béji Caïd Essebsi puis de permettre à de nombreux élus de rejoindre leurs véritables convictions. Le fait qu’il serve aujourd’hui à donner du poids à un groupe parlementaire en particulier, ne suffira pas à le diaboliser.
Nous sommes un pays touristique. Le tourisme est, chez nous, une seconde nature. Voyez comme nos partis se détournent aisément de leurs programmes électoraux « dans l’intérêt du pays » en guise de « tourisme politique » et vous saisirez pourquoi la liberté de mouvement est essentielle en démocratie.