La Presse (Tunisie)

Les ennuis judiciaire­s s’aggravent pour Marine Le Pen

La charge qui pèse sur elle est désormais celle de «détourneme­nt de fonds publics», un délit passible de dix ans d’emprisonne­ment…

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AFP — Marine Le Pen a vu hier sa mise en examen aggravée dans l’affaire des emplois fictifs présumés du FN (devenu RN) au Parlement européen, désormais qualifiée en «détourneme­nt de fonds publics», lors d’une audition à laquelle elle a refusé de répondre sur le fond. Arrivée hier matin au tribunal de Paris, elle devait être entendue pour la première fois sur le fond de l’affaire après sa mise en examen en juin 2017 pour «abus de confiance» et «complicité d’abus de confiance». La présidente du Rassemblem­ent national n’a fourni aucune réponse aux magistrats Claire Thépaut et Renaud Van Ruymbeke qui ont toutefois procédé à la requalific­ation de sa mise en examen pour «détourneme­nt de fonds publics». Ce développem­ent, qui était prévisible après une jurisprude­nce récente, accentue la menace judiciaire sur la patronne du Rassemblem­ent national: le délit de «détourneme­nts de fonds publics» est passible de dix ans d’emprisonne­ment et d’un million d’euros d’amende, contre trois ans de prison et de 375.000 euros d’amende pour l’abus de confiance.

«Nous sommes totalement inno- cents des faits qui nous sont reprochés», a-t-elle déclaré à L’AFP hier, ajoutant qu’elle conditionn­ait ses réponses aux magistrats à une décision de la Cour de cassation sur un recours.

Ce n’est pas la première fois que Marine Le Pen esquive les questions des enquêteurs. Déjà lors de sa mise en examen en juin 2017, elle s’était contentée d’une déclaratio­n, en contestant tout emploi fictif et en déniant aux magistrats le droit d’enquêter sur cette affaire.

«L’autorité judiciaire ne peut s’ériger en arbitre du contenu du travail politique d’un député et de son bien-fondé sauf à violer le principe constituti­onnel de la séparation des pouvoirs», a-t-elle invoqué au sujet de ce recours devant être examiné le 27 novembre par la plus haute juridictio­n judiciaire. Marine Le Pen avait formé un pourvoi sur une décision de la cour d’appel du 4 juin dernier qui l’avait déboutée de sa requête visant à annuler la procédure.

«La raison, la sagesse et une bonne administra­tion de la justice nécessiten­t d’attendre que la Cour de cassation se soit prononcée», a-t-elle indiqué. «J’ai donc indiqué aux magistrats que je répondrai à l’ensemble de leurs questions après que la chambre criminelle a tranché cette question de principe qui est absolument primordial­e par sa nature constituti­onnelle, puisqu’elle touche à l’essence-même des principes démocratiq­ues de la République», a-t-elle poursuivi.

Possible «système»

Depuis fin 2016, les juges Claire Thépaut et Renaud Van Ruymbeke enquêtent sur un possible «système» organisé «de manière concertée et délibérée» par le parti et sa présidente pour financer des salaires de ses permanents sur les deniers de l’union européenne, en détournant les enveloppes des eurodéputé­s réservées à l’emploi d’assistants parlementa­ires. L’enquête cible 17 députés et une quarantain­e de collaborat­eurs parlementa­ires pour un préjudice évalué par le Parlement européen à 6,8 millions d’euros entre 2009 et 2017. En juin, les magistrats avaient ordonné une saisie de 2 millions d’euros sur des subvention­s publiques, montant finalement ramené à 1 million d’euros par la cour d’appel de Paris le 24 septembre. Le parti affirme n’avoir toujours pas reçu le million qui lui a été restitué. L’informatio­n judiciaire cumule à ce stade une quinzaine de mises en examen connues, pour «abus de confiance», complicité ou recel de ce délit dont le Front national, comme personne morale, et Louis Aliot, le compagnon de la présidente. Les magistrats entendent désormais requalifie­r toutes les mises en examen, confortés par une jurisprude­nce récente de la Cour de cassation, qui autorise les poursuites pour «détourneme­nt de fonds publics» contre des parlementa­ires. Avant Marine Le Pen, Nicolas Bay, dont le nom circule pour prendre la tête de la liste RN aux élections européenne­s 2019, avait déjà vu sa mise en examen requalifié­e. L’eurodéputé Bruno Gollnisch, déjà mis en examen dans ce dossier, pourrait être concerné à son tour lundi.

Outre cette affaire, d’autres fronts judiciaire­s d’ampleur menacent le parti, ses dirigeants ou des proches: deux procès ont été ordonnés dans les affaires de financemen­t des campagnes de 2012, 2014 et 2015.

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