La Presse (Tunisie)

Une militante des droits des femmes détenue, puis libérée

L’interpella­tion de Gulalai Ismail intervient dans un contexte pesant au Pakistan, où médias et société civile se plaignent de subir des pressions toujours plus fortes de la part de l’armée

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AFP — Gulalai Ismail, figure majeure des droits des femmes au Pakistan, a été libérée hier après près de neuf heures passées en détention, a-t-on appris auprès de ses soutiens, dans un contexte de restrictio­n des libertés dans le pays.

L’agence fédérale d’enquête (FIA), qui l’avait interpellé­e à 8h30, l’a relâchée à 17h15 (12h15 GMT), a déclaré à L’AFP Ismat Shahjahan, une autre militante qui était allée la chercher à l’aéroport d’islamabad. «Gulalai a été libérée. Mais ils ont gardé ses documents de voyage», a-t-elle ajouté, regrettant que «neuf autres personnes détenues (hier) sous le même acte d’accusation (soient) encore dans un commissari­at de Swabi», un district de la province de Khyber-pakhtunkhw­a (KP) dans le Nord-ouest.

«Le soutien à Gulalai Ismail par les militants et le public a été fructueux», a tweeté la section d’islamabad du PTM, ou Mouvement de protection pachtoune, un mouvement de défense des droits civiques de la population pachtoune.

Sur une photo transmise à L’AFP par un proche du PTM, on voit la militante souriante et le poing levé, entouré de six autres femmes, dont Ismat Shahjahan. Gulalai Ismail, qui revenait du Royaume-uni, avait raconté plus tôt dans la journée dans un court message audio, dont l’authentici­té a été confirmée à L’AFP, avoir été «placée en garde à vue à l’aéroport», puis emmenée aux bureaux de la FIA. «Maintenant, la police vient m’arrêter dans le cadre d’un acte d’accusation pris à mon encontre pour avoir fait un discours pendant un rassemblem­ent du PTM à Swabi» fin août, avait-elle poursuivi. Un cadre du FIA avait confirmé à L’AFP l’interpella­tion de Gulalai Ismail, qui devait ensuite être transférée à la police de Swabi. «On nous a dit qu’elle faisait partie d’une liste de 16 personnes qui avaient participé au rassemblem­ent», a expliqué Ismat Shahjahan, qui affirme être restée tout le temps avec Gulalai Ismail «pour être sûre qu’on n’allait pas la faire disparaîtr­e».

Le PTM a multiplié en début d’année les marches pour réclamer la fin des exécutions extra-judiciaire­s et des disparitio­ns forcées commises selon lui par les forces de l’ordre contre les pachtounes. Le mouvement est devenu moins audible depuis juin, quand a démarré la campagne électorale pour les législativ­es qui ont marqué la victoire d’imran Khan, également pachtoune. L’interpella­tion de Gulalai Ismail intervient dans un contexte pesant au Pakistan, où médias et société civile se plaignent de subir des pressions toujours plus fortes de la part de la puissante armée. «Ce n’est pas une attaque contre Gulalai Ismail ou contre le PTM», a déclaré la militante interpellé­e dans son message audio. «C’est une attaque contre nos droits civiques. C’est une attaque contre notre liberté de parole». Gulalai Ismail était encore adolescent­e lorsqu’elle a cofondé en 2002 Aware Girls, une ONG qui promeut l’égalité hommesfemm­es dans le KP, province très conservatr­ice. Elle a notamment été récompensé­e du prix pour la prévention des conflits de la Fondation Chirac en 2016 et du prix Anna-politkovsk­aïa en 2017. Amnesty Internatio­nal avait demandé dans un communiqué sa libération «immédiate et inconditio­nnelle».

«Au lieu d’essayer de faire taire les défenseurs des droits de l’homme, le nouveau gouverneme­nt doit créer un cadre sécurisé pour ceux qui élèvent la voix au nom de la justice», avait estimé Rabia Mehmood, une chercheuse pour Amnesty.

D’après cette organisati­on, un militant du PTM actif sur les réseaux sociaux a été libéré sous caution début octobre après deux mois passés en prison pour avoir «publié des posts jugés critiques des autorités pakistanai­ses».

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