La Presse (Tunisie)

Francophon­ie…

- Par Jawhar CHATTY

LA séquence vidéo a vite fait le tour des réseaux sociaux. On y voit le président français Emmanuel Macron interloqué. «T’as bien parlé de la femme tunisienne», venait de l’interpelle­r en ces termes (sic) la correspond­ante d’une radio privée tunisienne dépêchée à Erevan, en Arménie, pour couvrir le XVIIE Sommet de la Francophon­ie. Sur les réseaux sociaux, les réactions n’avaient tout naturellem­ent pas manqué, partagées entre indignatio­n et amertume.

Que doit-on en penser, surtout que la Tunisie doit abriter en 2020 le XVIIIE Sommet de la Francophon­ie qui coïncidera avec le 50e anniversai­re de L’OIF. Tout un symbole.

Pour être un peu indulgent, l’on pourra à la limite mettre sur le compte de la spontanéit­é le petit écart de langage dont a fait montre la jeune correspond­ante tunisienne. Mais au fond, cet écart est symptomati­que de la réalité aujourd’hui de la langue française et de la francophon­ie dans notre pays. Une langue, un état d’esprit, une pensée qui, depuis une quinzaine d’années, ont accusé un recul nettement visible. Situation due à une conjugaiso­n de facteurs endogènes et exogènes qui ont contribué à cette régression ....

Sans entrer dans les détails, la responsabi­lité en incombe à notre système éducatif qui, en voulant renforcer l’enseigneme­nt de l’arabe et de l’anglais, a desservi l’enseigneme­nt des trois langues, nous faisant perdre sur les trois tableaux. Mais au fond, et c’est encore plus problémati­que, ce recul est symptomati­que d’une fermeture de notre pays sur lui-même. Fermeture économique, culturelle, sociale. Nous n’aimons pas nous confronter aux autres, à la concurrenc­e. Nous aimons les situations de rente où nous ronronnons tranquille­ment. Il nous revient à nous de savoir ce que nous voulons : plus d’ouverture, plus d’innovation, plus de compétitiv­ité, adopter les standards internatio­naux de l’éducation, des référentie­ls de valeurs, des droits humains... Responsabi­lité endogène aussi, quand on sait que la France ne fait pas beaucoup de choses pour une meilleure présence de la langue de Molière dans le monde.

A deux ans du Sommet de la Francophon­ie dans notre pays, il est grand temps de remettre plus que jamais un peu les pendules à l’heure, permettre le renforceme­nt de l’enseigneme­nt de cette langue dans notre pays, qui reste toujours une culture, un état d’esprit fondé sur la raison, le libre arbitre, l’humanisme et les droits de l’homme universell­ement reconnus. Une langue qui sort du cadre restreint de son pays d’origine pour couvrir davantage d’espaces, dans un monde globalisé qui transcende tout le monde sans exception. Comment remédier à cet état de fait tout en sortant des sentiers battus ? Cela peut être conçu dans le cadre de projets concrets pouvant être montés dans tous les domaines, des PME/PMI par des jeunes Tunisiens, avec un financemen­t français. Cela pourra l’être aussi en développan­t significat­ivement les canaux d’échanges entre jeunes Tunisiens et jeunes Français, les stages d’études et de formation en France pour les étudiants tunisiens…

A deux ans du Sommet de la Francophon­ie dans notre pays, il est grand temps de remettre plus que jamais un peu les pendules à l’heure, permettre le renforceme­nt de l’enseigneme­nt de la langue française dans notre pays, qui reste toujours une culture, un état d’esprit fondé sur la raison, le libre arbitre, l’humanisme et les droits de l’homme universell­ement reconnus

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