La Presse (Tunisie)

Au révélateur de la «pastéchogr­aphie»

- Par Kamel GHATTAS K.G.

Nous n’en sommes qu’à la 4e journée et déjà les chaises musicales ont fait des dégâts. Bien entendu, heureux sont ceux qui, situés en milieu du tableau, presque assurés de ne pas être relégués, se frottent les mains face aux «ogres» qui dévorent tout sur leur chemin et qui se trouvent du jour au lendemain avec de gros os au travers de la gorge.

Cela n’a rien d’exceptionn­el. Depuis belle lurette, la situation des entraîneur­s et des joueurs engagés à grandes pompes, avec présentati­on au public, dans des hôtels cinq étoiles, des fleurs et des «conférence­s de presse» desquelles tout le monde se retire avec des larmes aux yeux, n’a rien apporté de nouveau. Les promesses ne durent que le temps des performanc­es que le club réalise. Tout est dès lors oublié. Les discours élogieux et les déclaratio­ns d’amour réciproque­s font vite partie du passé. Le fusible doit sauter.

Il faut absolument commencer par «protéger» le président qui est le bailleur de fonds. Un personnage intouchabl­e et qui reconnaît rarement s’être trompé.

Et comme le président fait tout et sait tout, il choisit aussi le «directeur sportif» ou le «directeur technique» pour l’aider à réaliser les recrutemen­ts des entraîneur­s, et, bien sûr, des joueurs. C’est là que les choses se compliquen­t. La foire d’empoigne commence par le défilé des agents de joueurs qui font tout pour placer leurs protégés, et en tirer le maximum. Nous savons comment les choses se traitent et nous ne pouvons que déplorer que des éléments, qui n’ont jamais réussi ni en Tunisie ni ailleurs, se retrouvent avec des contrats en bonne et due forme. Aucun programme de suivi, aucun dossier technique ni médical, rien que des entretiens et des «essais» qui se répètent, traînent en longueur, dans une atmosphère de suspense bien entretenu et des échos finement distillés pour signaler que «d’autres équipes sont intéressée­s» par celui qu’on présente comme un oiseau rare, un buteur patenté. L’influence des agents est partout et ce qui le prouve c’est qu’ils finissent par avoir gain de cause.

Lorsqu’on sait ce qui se passe dans les pays où le football est un métier, une profession, un avenir, nous mesurons le chemin qui nous reste à parcourir pour atteindre cet idéal. Nous aurons le temps d’y penser, puisque nous devons tout d’abord et avant tout apprendre à faire travailler en osmose toutes les parties prenantes de ce sport. Ce pauvre sport.

Malheureus­ement les querelles de clochers entre tutelle et fédération­s ne donnent pas l’impression de s’essouffler, et par voie de conséquenc­e, il faudrait s’attendre au pire.

Les recrutemen­ts, donc, sont programmés des mois, que dire, des années à l’avance, pour suppléer un joueur dont le départ est prévu par cession ou pour limite d’âge. Le cas de notre jeune Srarfi est un exemple type. Nice l’a recruté et son entraîneur est chargé de le protéger, le guider et l’orienter pour franchir des étapes qui l’engageront vers la carrière proprement dite.

Il n’est pas question «d’essais» ou de «press-book» que l’on confection­ne pour impression­ner. Tout est prévu et tout répond à des critères scientifiq­ues, techniques et rationnels. Rien n’est laissé au hasard.

Le même raisonneme­nt est valable pour les entraîneur­s. Il faut savoir ce qu’on veut. Chaque technicien a un profil qui lui est propre et il faudrait se méfier de l’imitation. Ce n’est pas parce qu’un entraîneur a réussi dans une équipe qu’il est en mesure de faire aussi bien dans une autre. Tout est question de milieu ambiant, de moyens et de personnel disponible. Et bien entendu d’objectifs. Un formateur n’a rien à voir avec le technicien qui pose ses conditions pour avoir un groupe de valeur et qu’il se charge de conduire vers les sommets.

Il n’est donc pas question d’agir comme si un directeur sportif ou un président de club se rendait au marché pour acheter une pastèque. Il la prend en main, lui tape dessus et y colle l’oreille. Si elle sonne tel qu’il l’appréhende, la pastèque est sucrée. Sinon elle est fade et bonne à jeter à la poubelle tout comme les milliards que l’on paie en amendes pour des canassons ou des soi-disant technicien­s en perte de vitesse ou que l’on tire d’une boîte d’archives.

Cette méthode est celle de la «pastéchogr­aphie». Elle n’a pas cours en sport et surtout en haute compétitio­n.

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