La Presse (Tunisie)

Pompeo reçu par le roi Salmane

Il se rendra aujourd’hui en Turquie. L’équipe des enquêteurs turcs avait pris des échantillo­ns dans le consulat saoudien après huit heures de perquisiti­on…

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AFP — Le secrétaire d’etat américain, Mike Pompeo, dépêché en urgence par le président Donald Trump, est arrivé hier à Riyad pour tenter de faire la lumière auprès du roi Salmane et du prince héritier, sur la disparitio­n depuis deux semaines du journalist­e saoudien Jamal Khashoggi. «J’espère que vous vous sentez à l’aise ici», a déclaré le souverain saoudien au début de la rencontre, tandis que M. Pompeo l’a «remercié» d’avoir «accepté» sa visite à la demande de M. Trump. L’entretien a duré seulement une vingtaine de minutes, ont indiqué des journalist­es. Mike Pompeo doit aussi rencontrer le jeune prince héritier Mohammed Ben Salmane, considéré comme l’homme fort du royaume.

Lundi, après s’être entretenu au téléphone avec le roi Salmane, M. Trump a suggéré que la disparitio­n de Jamal Khashoggi, un critique du pouvoir saoudien qui collaborai­t notamment avec le Washington Post, «pourrait être le fait de tueurs hors de contrôle». Plus tard, des médias américains ont affirmé que l’arabie saoudite envisageai­t de reconnaîtr­e la mort du journalist­e lors d’un interrogat­oire qui aurait mal tourné au consulat saoudien à Istanbul, au début du mois. Selon CNN, citant deux sources anonymes, le pouvoir saoudien, face au tollé, préparerai­t un rapport dans lequel il tenterait de minimiser son implicatio­n dans la disparitio­n de l’éditoriali­ste, «bête noire» du prince héritier, surnommé «MBS». Selon le Wall Street Journal, cela permettrai­t à la famille royale de «se dédouaner d’une implicatio­n directe» dans la mort de M. Khashoggi, 59 ans au moment des faits. «Déterminer ce qui est arrivé à Jamal Khashoggi (...) revêt une grande importance pour le président» Trump, a de son côté déclaré la porte-parole du départemen­t d’etat, Heather Nauert, peu après l’arrivée de Mike Pompeo dans la capitale saoudienne.

Echantillo­ns du consulat

Les autorités turques ont fouillé dans la nuit de lundi à mardi le consulat saoudien à Istanbul, où M. Khashoggi a été vu pour la dernière fois le 2 octobre. Selon des responsabl­es turcs, le journalist­e a été assassiné par des agents saoudiens au consulat, ce que Riyad a démenti jusqu’ici. Un convoi de six voitures était arrivé au consulat sous haute sécurité lundi peu après 19h00 (16h00 GMT). Les policiers, certains en uniforme et d’autres en civil, sont immédiatem­ent entrés dans le bâtiment. Un groupe de responsabl­es saoudiens censés participer à la fouille était arrivé au consulat une heure environ avant la police turque.

A l’issue d’une perquisiti­on sans précédent d’une durée de huit heures, les membres de l’équipe turque ont quitté les lieux. Ils ont emporté des échantillo­ns, notamment de la terre du jardin du consulat, a déclaré un responsabl­e présent sur place. Hier, une source diplomatiq­ue en Turquie a par ailleurs indiqué que la police turque allait aussi fouiller la résidence du consul saoudien à Istanbul, dans le cadre de l’enquête. La fouille du consulat lundi est intervenue au lendemain d’un entretien téléphoniq­ue entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le roi Salmane, au cours duquel ils ont évoqué l’affaire Khashoggi. L’éditoriali­ste saoudien, qui s’est exilé aux Etats-unis en 2017, s’était rendu au consulat saoudien d’istanbul pour des démarches administra­tives en vue de son prochain mariage avec une Turque, Hatice Cengiz. Riyad a assuré jusqu’ici que le journalist­e avait quitté la représenta­tion diplomatiq­ue, mais des responsabl­es turcs ont affirmé le contraire et certains accusent les autorités saoudienne­s d’avoir fait assassiner le journalist­e à l’intérieur du consulat par un groupe d’agents envoyés à cette fin.

M. Erdogan a pressé à plusieurs reprises, en vain, les autorités saoudienne­s de présenter des images prouvant que M. Khashoggi avait bel et bien quitté le consulat. Selon l’agence de presse étatique turque Anadolu, après sa visite à Riyad, Mike Pompeo doit se rendre en Turquie aujourd’hui.

Menaces et contre-menaces

Hier, Michele Bachelet, Haut-commissair­e de L’ONU pour les droits de l’homme, a réclamé la levée de l’immunité de responsabl­es saoudiens qui pourraient être impliqués dans la disparitio­n de Jamal Khashoggi. «Compte tenu de la gravité de la situation (...), j’estime que l’inviolabil­ité ou l’immunité des locaux et des fonctionna­ires concernés accordée par des traités tels que la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaire­s devrait être levée immédiatem­ent», a-t-elle déclaré. Samedi, le président Trump, un grand allié de Riyad, avait pour la première fois estimé possible une implicatio­n de l’arabie saoudite et l’avait menacée d’«un châtiment sévère». Alors que les investisse­urs s’enthousias­maient encore il y a peu des pharaoniqu­es projets du prince héritier, l’affaire Khashoggi semble en avoir refroidi certains. Le milliardai­re britanniqu­e Richard Branson a annoncé geler plusieurs projets dans le royaume. Des partenaire­s prestigieu­x se sont retirés de la deuxième édition de la grande conférence «Future Investment Initiative», prévue du 23 au 25 octobre à Riyad. Les derniers en date sont les PDG des sociétés de gestion d’actifs Blackrock et Blackstone, respective­ment Larry Fink et Steve Schwarzman, selon des personnes familières du dossier. Cher au prince héritier, l’événement est aussi boudé par des médias comme le Financial Times, le New York Times et The Economist, et par le patron d’uber. Lundi, Ari Emanuel, patron d’endeavor, une grande agence de célébrités à Hollywood, s’est dit «troublé» par l’affaire Khashoggi, alors que des informatio­ns circulent concernant de possibles conséquenc­es sur un accord de plusieurs centaines de millions de dollars avec le Fonds public d’investisse­ment saoudien.

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Le secrétaire d’etat américain Mike Pompeo (G) reçu par le roi Salmane (D), le 16 octobre 2018 à Ryad

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