Nesrine Makhlouf : un désir d’afrique
Dans ses rêves d’enfant, la machine à coudre dorée de sa grand-mère occupait une grande place. Rutilante de tous ses chromes, elle alimentait tous ses rêves de robes de princesse, et se trouve certainement à l’origine de sa passion pour la mode.
Dans ses rêves d’enfant, la machine à coudre dorée de sa grand-mère occupait une grande place. Rutilante de tous ses chromes, elle alimentait tous ses rêves de robes de princesse, et se trouve certainement à l’origine de sa passion pour la mode.
Ce n’est pourtant pas le stylisme qu’étudia Nesrine Makhlouf, mais le design graphique et audiovisuel. Ce que l’on pourrait considérer comme pas très éloigné. Ce qui la conduisit, en tout cas à Ouagadougou, en tant qu’assistante cadreuse sur un tournage de film. Ouagadougou où elle fut frappée par la foudre en se découvrant africaine, ce qu’elle avait toujours ignoré. De l’afrique qu’elle découvrait, elle aima tout, la musique, les couleurs, les aliments, les odeurs, le rythme de vie, la simplicité, la pureté des gens et des choses. Et les tissus. Ces extraordinaires tissus aux couleurs et aux motifs somptueux, portés indifféremment au masculin ou au féminin, sans complications sophistiquées. Ces tissus qui racontaient tous une histoire, transmettaient des messages. C’est ainsi que tel motif s’appelait «mon mari est le meilleur», tel autre «si tu sors, je sors aussi», ou encore «fleur de mariage» plein d’espoir.
Elle revint d’afrique avec le blues du voyage, jeta aux oubliettes son projet de master, et s’enferma des jours durant pour dessiner : des croquis, des silhouettes, des esquisses de ce qui pourrait devenir des robes, des jupes, des toilettes. Au bout de 150 croquis, elle se dit «pourquoi pas ?». Pourquoi ne créerait-elle pas une ligne, ne dessinerait-elle pas une collection, ne lancerait-elle pas une marque ? Ses tissus sous le bras, 10 dinars en poche comme seul capital, elle resquilla dans le métro pour ne pas les entamer et débarqua chez la couturière. Qu’elle dut menacer de dormir sur le palier pour qu’elle lui achève sa robe dans la journée. Un ami photographe convoqué dans la soirée lui fit des clichés, elle en mannequin, faute de budget, et la robe fut postée sur Facebook le soir même. Très vite, elle fut suivie, très vite des boutiques, des concept stores présentèrent ses collections, toujours exclusivement réalisées dans des tissus africains. Très vite se créa autour d’elle ce dont elle rêvait : une communauté de femmes partageant ce désir d’afrique et ce goût.
«Au bout d’un an, je voulais repartir en Afrique. Je me suis dit si j’ai de l’argent, je pars, et si je n’en ai pas, je pars aussi».
Ce fut le Sénégal cette fois-ci où elle passa un mois et demi, et dont elle ramena l’idée d’une collection sur le thème de «lamb», ce qui signifie la lutte en wolof. Une collection aux formes amples, déstructurées, qui connut un grand succès, et la fit inviter à la Fashion Week de Dakar, seule créatrice tunisienne invitée à ce jour. De là, des rencontres fructueuses lui ouvrirent des marchés au Kenya et en Afrique du Sud
Tout avait été très vite pour Nesrine Makhlouf. Encore plus vite quand elle fut invitée à la présidence de la République au cours du mois des entrepreneurs, pour raconter son parcours au milieu d’autres success stories de moins de 25 ans. Son démarrage avec 10 dinars de capital séduisit le président. On l’encadra, la suivit. Aujourd’hui, Nesrine inaugure son atelier-bureau-showroom dans une vieille maison du Kram. La plaque du nom de la rue n’existe plus, mais demandez kouchat el bellar, on vous montrera. Dans le jardin, un carré damé avec un citronnier, il y a de la musique, africaine bien sûr, du café et des sandwiches. La clôture a été peinte en bleu, c’est un lieu de rencontre. Cela s’appelle évidemment Ifriquiya