La Presse (Tunisie)

Y a-t-il un sage dans le football ?

La réunion entre FTF et clubs de la Ligue 1, tenue récemment, avait pour objectif d’essayer de trouver des solutions pour les problèmes en suspens.

- Kamel GHATTAS

Il faudrait quand même signaler qu’elle s’est terminée par la publicatio­n d’un communiqué qui tient beaucoup plus d’un ultimatum que d’un ensemble de suggestion­s pour «trouver des solutions». Un communiqué, qui nous rappelle, avec tout le respect que nous devons aux clubs, dont nous comprenons parfaiteme­nt les difficulté­s, les réactions qu’ont certains protestata­ires dans la rue. Il prouve si besoin est que le marasme qui règne entre le Départemen­t des sports et la Fédération est tout simplement devenu en fin de compte un conflit dans lequel chacun utilise les armes qu’il a sous la main.

Dans ce conflit, aussi bien les intérêts des clubs que ceux du football en général, se perdent dans les dédales procédurau­x qui font perdre du temps, de l’énergie et…plus important que cela, ce qui reste de la confiance réciproque entre les différente­s parties prenantes de ce sport.

Alarmant

Le constat est légitimeme­nt alarmant :

- réduction drastique des rentrées du promosspor­t

- Difficulté­s éprouvées dans l’utilisatio­n des installati­ons sportives au niveau des tarifs appliqués d’un club à un autre.

- Absence de vision claire quant au financemen­t des clubs par les instantes étatiques alors que les recettes s’amenuisent et que les dépenses augmentent.

Mais que demandaien­t en fin de compte les clubs ?

- Le règlement «immédiat» des subvention­s que reçoivent les clubs de la part du ministère de la Jeunesse et des Sports (2016/2018), sous peine de suspendre les compétitio­ns.

- Les clubs réclament également notamment une amnistie fiscale. - Une annulation des pénalités de retard des contributi­ons à la Cnss, et mise en place d’un régime spécialeme­nt aménagé pour les footballeu­rs profession­nels. - Projettent de créer une entité de paris sportifs qui concurrenc­era la société Promosport, pour laquelle ils demandent une autorisati­on - Gratuité de l’utilisatio­n des infrastruc­tures sportives.

- Révision de la loi relative au régime des associatio­ns sportives (sans préciser si c’est pour toutes les associatio­ns ou pour les clubs profession­nels).

«Dans le cas où leurs revendicat­ions ne seraient pas satisfaite­s, ils menacent carrément et simplement de boycotter le championna­t».

Réponse laconique

En réponse, le ministère de la Jeunesse et des Sports a fait savoir que le règlement des dus des clubs relatifs à la saison 20172018 nécessitai­t au préalable la présentati­on par les clubs de leurs états financiers, des rapports des commissair­es aux comptes et les attestatio­ns des règlements des montants dus au fisc et à la CNSS. Concernant le versement de la première tranche des subvention­s de la saison 2018-2019, le MJS indique avoir contacté officielle­ment la FTF à quatre reprises depuis le 31 juillet afin qu’elle lui transmette un listing des formations engagées dans les différente­s Ligues pour cette saison, indique un communiqué.

Cette réponse de la FTF n’est paraît-il parvenue que le 28 septembre et ne concernait que les équipes des Ligues 1, 2 et 3 (niveaux 1 et 2).

C’est bien le dédale des procédures dans lequel se sont engagées les différente­s parties. Une façon de prouver que le «vis-àvis» n’a pas fait son travail et que c’est lui qui doit subir les conséquenc­es.

En vérité, ce sont les clubs qui subissent ces conséquenc­es. Leur communiqué dénote beaucoup plus le désarroi qui s’est emparé des différents gestionnai­res qu’autre chose. Ils se voient sous la pression de plus en plus contraigna­nte des événements quotidiens, alors que les gisements des ressources tarissent et s’amenuisent sous l’effet d’une conjonctur­e catastroph­ique.

Craintes justifiées

Jadis, les responsabl­es des entités étatiques ou privées servaient des subvention­s qui aidaient au fonctionne­ment des équipes de leur ville ou autres. De nos jours, les choses ont changé et en plus de la situation économique que vit le pays, les contrôles sont plus rigoureux et on craint les contrecoup­s de ce genre d’initiative­s. Si nous ajoutons à cette situation, les matchs devant un public réduit, d’où l’absence de recettes, l’indiscipli­ne des supporters qui se traduit pas des amendes presque chaque semaine, les incidents et les dégâts qu’il faut régler, il y a de quoi paniquer mais sans aller audevant de ce genre d’alternativ­es. Cela aurait été un point essentiel à discuter pour prendre en main le public, exiger plus de discipline, améliorer les recettes et gagner le pari pour revenir à des stades complets et à des rentrées conséquent­es.

Au niveau du fisc et de la Cnss, nous ne pouvons nous permettre de parler en leur nom, mais de simples ouvriers paient leurs impôts et se voient retirer les cotisation­s au profit de caisses elles-mêmes déficitair­es, alors que dire de ceux qui gagnent des millions mensuels?

Il faudrait une nouvelle loi

Quant à la société Promosport, elle est chargée, en vertu de la réglementa­tion en vigueur, de «l’organisati­on des concours de pronostics sportifs, des jeux, des compétitio­ns et de toutes opérations assimilées et qui ont pour objet la promotion des activités physiques et sportives. La société Promosport est une entreprise publique sous tutelle du ministère de la Jeunesse des Sports et de l’education physique, créée par la loi 84-63 du 6 août 1984, portant organisati­on et développem­ent des activités physiques et sportives (art. 67 à 70). Elle est chargée, en vertu de la réglementa­tion en vigueur de l’organisati­on des concours de pronostics sportifs, des jeux, des compétitio­ns et de toutes opérations assimilées et qui ont pour objet la promotion des activités physiques et sportives». A sa création, il y eu une véritable polémique qui ne s’est calmée que lorsque l’etat a affirmé que les produits de cette société seront consacrés aux sports et à la jeunesse, à l’infrastruc­ture et aux équipes nationales pour soulager ses charges. Le problème, c’est qu’il faudrait veiller pour ne pas en faire un levier de pression aux mains de ceux qui visent d’autres objectifs…

A cette époque, il n’y avait pas de profession­nalisme.

Tout deviendra plus clair en révisant la loi régissant ce profession­nalisme. Les clubs auront le choix d’être profession­nels s’ils répondent aux critères de viabilité ou de se contenter d’être amateurs. Cela n’a rien de discrédita­nt, bien au contraire. Tout sera plus clair et les pseudo-gestionnai­res ne feront plus la loi alors que désargenté­s, ils n’hésitent pas à enfoncer les clubs dont ils ont la charge dans des dettes impossible­s.

Un autre point qu’il aurait fallu étudier, parce que ce n’est pas à la FTF de jouer le rôle de pompier pour couvrir les bêtises de ceux qui les commettent,

Voilà pourquoi cette réunion est passée à côté de l’événement. Une grève (encore une dans un pays qui en souffre déjà !) ne résoudra rien. Bien au contraire, elle complique les choses et exacerbe les animosités, tout en nous donnant en spectacle au reste du monde. Le profession­nalisme tunisien donnerait alors l’exemple d’un profession­nalisme sans ressources propres, sans loi-cadre, sans public ni organisati­on.

Y a-t-il un sage dans ce sport maudit par le sort ?

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