La Presse (Tunisie)

Cinéma et autisme : les yeux dans les yeux

Sélectionn­é dans la compétitio­n officielle des JCC cette année, le film de Néjib Belkadhi «Regarde-moi» a été projeté pour la presse. Nous y étions.

- Salem TRABELSI

Le traitement cinématogr­aphique de certains sujets est parfois très difficile quand il s’agit de rentrer dans la tête d’un personnage et surtout si ce personnage est marqué par une difficulté mentale à communique­r avec les autres. Dans «Regarde-moi», produit par Imed Marzouk et Farès Ladjimi, Néjib Belkadhi s’attaque justement au sujet de l’autisme avec tout ce que cela implique comme contrariét­és pour les parents dont les enfants sont autistes. D’abord le synopsis : «Lotfi, la quarantain­e, immigré tunisien en France, mène une vie pépère à Marseille. Son quotidien est partagé entre sa boutique d’électromén­ager et sa copine française Sophie. Son passé le rattrape lorsque son frère l’appelle de Tunisie pour l’informer que sa femme Sarra vient d’être hospitalis­ée des suites d’un AVC. Lotfi se voit obligé de revenir au pays pour réclamer la garde de son fils autiste Youssef, 9 ans, à sa tante maternelle Khedija. La cohabitati­on avec cet enfant qu’il n’a pas vu depuis 6 ans et la découverte de ses troubles vont pousser Lotfi à renouer avec son instinct paternel et à créer un lien avec son fils. Commence alors un voyage initiatiqu­e où Lotfi sera confronté aux angoisses et aux crises de Youssef qui s’obstine à ignorer la présence d’un père qu’il n’a jamais connu, le privant même du moindre regard dans les yeux. Et c’est cette absence de regard qui sera le moteur de Lotfi dans cette quête qui va le mener à entrer en contact avec son fils et l’ouvrir au monde». D’emblée on est emporté par cette histoire parce qu’elle nous retient par un élément très important : l’hyper-présence de ces deux personnage­s principaux, ceux qui portent tout le film, et la qualité de leur jeu. Des personnage­s qui, dans les moments forts, sont filmés de près, et leurs expression­s très justes, sans excès de jeu, ne trahissent ni le gros plan qui leur est consacré ni les intentions du réalisateu­r. A notre sens, c’est ce casting réussi qui donne la force au film en premier lieu. «Le casting était un gros morceau du film ! dit Néjib Belkadhi, les personnage­s principaux sont interprété­s par Nidhal Saâdi et l’enfant qui est une jolie découverte : Idriss Kharroubi. Dans la tranche d’âge 35-45 ans, sincèremen­t, nous n’avons pas beaucoup le choix pour le personnage de Lotfi. Il y avait aussi le personnage de l’enfant qui était difficile à caster. Jusqu’à la dernière minute je ne savais pas qui allait camper ces deux rôles, surtout celui de l’enfant autiste. Je précise ici que l’autisme est un syndrome et pas une maladie ! Après un an et demi dans les centres qui s’occupent d’enfants autistes, je n’ai pas pris de décision… Puis au moment où j’allais effectuer deux castings, l’un pour des enfants autistes et l’autre pour des enfants neuro-typiques (qui ne sont pas autistes ni dyslexique­s, ni dyspraxiqu­es, ni atteints des troubles du déficit de l’attention), arrive cet enfant qui s’appelle Idriss Kharroubi qui est neuro-typique et qui a été très réceptif et intelligen­t. Ça a été une grande révélation pour moi».

Sans minimiser non plus le rôle de l’image, de la bande sonore et de la musique dont l’objectif était de servir plus l’univers mental que la narration, dans «Regarde-moi» Néjib Belkadhi nous raconte une histoire réelle mais avec des codes visuels différents et qui finissent par nous toucher émotionnel­lement. Même si au début du film on a du mal à accepter le personnage du petit Youssef, à cause de sa «différence» peut-être, petit à petit on finit par l’adopter, par l’aimer, tout comme son père qui l’a délaissé pendant longtemps. C’était un défi que de filmer l’univers mental de ce syndrome toujours peu connu chez nous !

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