La Presse (Tunisie)

Qui arrêtera l’hémorragie ?

- Kamel GHATTAS

LE communiqué du Comité national olympique, celui du ministère de l’intérieur, les photos qui illustrent les pages des différents médias, les séquences diffusées sur les chaînes satellitai­res tunisienne­s et étrangères, les commentair­es de nos confrères étrangers qui s’apitoient sur ce qui se passe à l’occasion des rencontres de football en Tunisie, ont-ils sensibilis­é les autorités à différents niveaux pour les inciter à prendre les mesures qui s’imposent ?

Tous ces événements ont confirmé ce que bien des observateu­rs ont fini par constater : les montagnes, les routes et les villes bien tenues par la garde nationale et l’armée, il n’y a plus que les stades pour que les agitateurs de tous bords sèment le trouble et la terreur dans ce pays.

Comment interpréte­r cette photo parue dans presque tous les journaux qui montre un « supporter » venu assister à une rencontre de football attaquant un policier avec une fougue qui en dit long sur ses véritables intentions ?

Ce policier qui a eu une partie de ses doigts sectionnée est l’un d’entre nous. Il pourrait être l’un de nos frères, de nos pères ou l’un de nos amis ou voisins. Comment peut-on continuer à parler de sport lorsque la situation est telle que l’on doit absolument rester chez soi et interdire à ses proches la fréquentat­ion d’un stade. Un lieu d’où il est devenu difficile de revenir sans dommages ?

Notre sport a tout perdu. Il a tout perdu parce qu’il est devenu la proie de tous les arrivistes et les complexés de la terre. Des hommes complexés, sans vergogne, qui ont soif de pouvoir et qui se limitent à « gérer » en s’abstenant de prendre en compte l’intérêt général, la formation, l’encadremen­t et la promotion par le sport.

Se prévalant d’une démocratie mal comprise, ils ont pris le pouvoir pour instaurer leur petit royaume et faute d’avoir réussi dans leur vie personnell­e ou profession­nelle, ils ont trouvé dans ce sport maudit par le sort et par la faiblesse des autorités qui le gèrent, le moyen de faire ce que bon leur semble.

Il faudrait que cela cesse. Ce n’est pas le football qui sauvera ce pays. Ce n’est pas le football qui remettra l’économie en marche. Bien au contraire, dans l’état présent, les dégâts matériels et humains, les distorsion­s que nous enregistro­ns toutes les semaines et qui touchent tous les secteurs de notre vie commune prouvent l’inverse. Ce n’est pas le football qui calmera ces fauteurs de troubles qui portent atteinte de manière régulière, programmée et sans pitié à l’image de notre pays.

Nous devons avoir le courage de mettre le holà à ces agissement­s. Quel qu’en soit le prix.

Le plus vite sera le mieux. Nous n’y perdons rien avec des clubs en faillite, une fédération qui ne bouge pas le petit doigt pour trouver des solutions, arguant que l’organisati­on est du domaine des clubs, une tutelle en perte de vitesse qui semble se limiter aux inaugurati­ons et aux commémorat­ions.

Il faut absolument tout arrêter, observer une pause pour réfléchir sur la direction à prendre, mettre de l’ordre et, surtout, reprendre en main une situation qui ne fait nullement honneur à un sport qui était cité en exemple en dépit de ses modestes moyens mais qui disposait de dirigeants valeureux (ils sont encore là !) et responsabl­es.

Les éventuelle­s sanctions ne doivent en aucun cas nous faire peur. Il y va de notre honneur et de l’avenir d’une jeunesse qui échappe de plus en plus à tout contrôle.

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