Non-dits et questionnements
LE tout récent rapprochement entre le parti de Mohsen Marzouk, Machrou Tounès, et le mouvement islamiste Ennahdha, en vue d’une alliance dans le prochain gouvernement qui sortira du remaniement ministériel, attendu dans quelques jours, est une autre surprise de la transition démocratique qui continue son petit bonhomme de chemin, contre vents et marées. Après avoir longtemps appartenu à deux camps opposés, pour ne pas dire « ennemis », les deux formations politiques ont fini par trouver une explication pour justifier à leurs adversaires politiques les raisons de ce rapprochement.
Quatre années après l’adoption de la Constitution (2014), Mohsen Marzouk et Abdelkarim Harouni admettent aujourd’hui( !) qu’en vertu de l’esprit et de la lettre de la Loi fondamentale, il n’y a plus en Tunisie de parti basé sur l’idéologie et que par conséquent — doit-on comprendre — il n’y a plus de parti islamiste en Tunisie.
Le mouvement Ennahdha a revendiqué sa mue politique en parti civil depuis quelque temps déjà. Mais personne ne voulait le croire. Le poids de son histoire est trop lourd pour être renié aussi vite. Politiques, analystes et autres observateurs ont accusé alors les dirigeants du mouvement « islamiste » de manoeuvre politique. Aujourd’hui, c’est Mohsen Marzouk en personne qui donne du crédit à cette thèse et lave Ennahdha de tout soupçon, ouvrant ainsi à son parti la voie à une alliance avec Ennahdha dans le prochain gouvernement et forcément dans le parlement, et tournant définitivement la page de Nida Tounès qui a opté pour L’UPL et Slim Riahi.
Morale de l’histoire : s’il n’y a plus de parti islamiste depuis 2014, alors le consensus de Paris conclu en 2013 par Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi n’a plus de raison d’être et la séparation de Nida et d’ennahdha entre dans le cours normal des choses dans la perspective d’une nouvelle compétition électorale (2019). D’où les intentions affichées des dirigeants d’ennahdha de conclure des alliances avec tous les partis politiques intéressés par son soutien et « même le Front populaire », selon le président du Conseil de la choura, pour former le nouveau gouvernement.
Pourquoi alors cette crise politique qui dure depuis plus de six mois et tous les dégâts qu’elle a occasionnés à l’image et à la réputation des partis et de leurs dirigeants ? Le soutien d’ennahdha au chef du gouvernement ? Rien n’est moins clair. La vraie question qui se pose est pourquoi Ennahdha soutient-il Youssef Chahed ? Pourquoi le poids lourd de l’assemblée nationale, le parti qui bénéficie d’une profondeur sociale et territoriale, s’accroche-t-il au jeune chef du gouvernement et à la stabilité politique avec lui et non sans lui ? Finalement, les enjeux électoraux ne suffisent plus pour tout expliquer.
le mouvement Ennahdha a revendiqué sa mue politique en parti civil depuis quelque temps déjà. Mais personne ne voulait le croire. le poids de son histoire est trop lourd pour être renié aussi vite. Politiques, analystes et autres observateurs ont accusé alors les dirigeants du mouvement « islamiste » de manoeuvre politique