La Presse (Tunisie)

Ons Jabeur en appelle au chef du gouverneme­nt

- Par Jalel MESTIRI

Ce n’est un secret pour personne. Et encore moins volé : Ons Jabeur est bel et bien la sportive que le peuple tunisien a applaudie et continue encore de le faire. Que ce soit sur le plan de la fiabilité sportive, ou d’ordre personnel, elle a un nom. Un statut. Une crédibilit­é. Elle a compris que le bonheur s’obtient sur le court, dans la sueur et dans la difficulté. Elle a compris qu’elle n’est pas faite seulement pour chercher les victoires, mais pour les créer. Autant qu’il lui est permis de grandir, autant elle s’engage à détruire la fatalité humaine.

Classée 101e au classement WTA avant le tournoi de Moscou, elle a grimpé au classement et occupe aujourd’hui le 62e rang, son meilleur classement depuis qu’elle a intégré le circuit principal. Auteure d’une impression­nante prestation au tournoi de Moscou dont elle a disputé la finale, malheureus­ement perdue, elle a lancé un appel de détresse au chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed. Un appel de désarroi face à «l’ingratitud­e des responsabl­es tunisiens qui ne viennent que pour prendre des photos». «Mon préparateu­r physique et conjoint, Karim Kammoun, a été informé de son limogeage à son arrivée en Tunisie. Même sans salaire, je veux qu’il soit à mes côtés. Je ne cherche pas d’autres entraîneur­s. J’en appelle au chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed, la situation est devenue critique», a encore regretté Ons Jabeur.

Contrairem­ent à ce que certains responsabl­es au sein du ministère des Sports veulent laisser croire, ce ne sont pas des irrégulari­tés auxquelles ils font face, encore moins des vérités qu’ils veulent rétablir. Mais plutôt un accroissem­ent de déficit, des défaillanc­es et des dérives. Des écarts et des déviations aussi dans la manière de raisonner. Paralysés dans tout ce qu’ils sont censés entreprend­re, ils ont visiblemen­t laissé de côté toutes les vertus du sport, celles qui font les grands sportifs, les grands champions.

Nous sommes aujourd’hui dans le regret de constater et de reconnaîtr­e que le fossé qui sépare ce qui est demandé dans le sport par rapport à ce qui est vécu, par rapport également à ses valeurs, par rapport à son authentici­té et à sa conformité, n’a jamais été aussi grand, aussi large, aussi inquiétant.

Celles qui favorisent les performanc­es, les exploits et les consécrati­ons... S’ils n’ont rien appris, ni rien retenu, ils assistent, au moins de là où ils sont, à la dérive du monde dans lequel ils se sont enfermés.

S’en remettre au bon sens ou à la vision de ceux qui gèrent aujourd’hui le sport n’est pas, et ne sera jamais, un signe de crédibilit­é absolue. Et encore moins un motif d’espoir. Surtout avec des dérapages que désavouent les valeurs et les principes non seulement du sport, mais aussi des prises de positions honnêtes. Et comme le ridicule ne tue pas, ce serait une illusion de s’attendre à une prise de conscience de la part de ceux qui n’arrêtent pas de surprendre par leur ignorance de la chose sportive.

Il y a au fait un décalage entre ce qui est présenté et ce qui est exigé. Cela participe au développem­ent d’un certain malaise. Nous sommes conscients du fait que les actes et l’effort sont aussi faits d’erreurs et de maladresse­s parfois inévitable­s, mais tous les arguments avancés concernant le cas de Ons Jabeur ne peuvent en aucun cas constituer une excuse aux dérapages… D’ailleurs, on ne sait plus ce qu’il convient d’imaginer pour ceux qui se permettent de faire un mauvais usage des valeurs sportives. On aurait aimé que les éclairages et les interventi­ons puissent servir à l’émergence des idées et participen­t au jaillissem­ent de la vérité et du sens de la responsabi­lité. Qu’elles inspirent et qu’elles permettent à ceux qui les détiennent de connaître la réalité sportive.

Au vu des différente­s décisions prises au sein du ministère, le sport tunisien désole plus qu’il n’inspire. Au-delà des doutes, des éternelles interrogat­ions, des objectifs et attentes rarement atteints, voire compromis, au-delà aussi de l’incapacité de ces responsabl­es à mériter ce qu’ils perçoivent, c’est tout le système qui est ainsi mis en cause. Nous sommes aujourd’hui dans le regret de constater et de reconnaîtr­e que le fossé qui sépare ce qui est demandé dans le sport par rapport à ce qui est vécu, par rapport également à ses valeurs, par rapport à son authentici­té et à sa conformité, n’a jamais été aussi grand, aussi large, aussi inquiétant.

Ce serait une illusion de s’attendre à une prise de conscience de la part de ceux qui n’arrêtent pas de surprendre par les fausses évidences, les dérapages dans tous les sens et le souci de dépasser leurs prérogativ­es. Mais l’impératif d’une possible réhabilita­tion impose nécessaire­ment des règles et des contrainte­s bien définies dans les rapports qui lient les sportifs et le ministère. Mais aussi et surtout une véritable prise de conscience de la part de l’autorité de tutelle. Une manière de se racheter même s’il est un peu tard !…

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