La Presse (Tunisie)

La saturation, un défi majeur à relever

Même si l’etat fait de son mieux pour espérer sauver nos prisons, il n’en demeure pas moins vrai qu’il a encore du pain sur la planche.

- Mohsen ZRIBI

Même si l’etat fait de son mieux pour espérer sauver nos prisons, il n’en demeure pas moins vrai qu’il a encore du pain sur la planche.

Ah qu’est-ce qu’on peut envier la Suède, le Danemark et la Norvège ! Et on les envie tenacement, s’agissant de pays où la criminalit­é est si frêle qu’on a dû… fermer des prisons «pour insuffisan­ce de rendement» consécutiv­ement à l’absence de flux de détenus ! Et comble des paradoxes : eux, ils ferment leurs prisons pour les transforme­r en musées ou hôtels ou centres artistique­s, alors que les nôtres sont à la fois de plus en plus nombreuses, de plus en plus saturées. Le jour et la nuit, quoi ! Pourquoi en est-on arrivé là? Y a-t-il une issue pour cette crise qui frise la psychose? Comment sera fait demain? L’etat pourra-t-il s’en sortir? Les chiffres d’abord : la Tunisie compte aujourd’hui 27 prisons réparties géographiq­uement comme suit : - District de Tunis : Mornaguia, Borj El Amri, La Rabta, La Manouba, Sawaf et Mornag - District du Nord : Borj Erroumi, Nadhour, Bizerte et Béja

- District du Nord-ouest : Le Kef, Jendouba, Eddir, Le Sers et Siliana

- District du Sahel : Sousse, Monastir et Mahdia

- District du Centre Sudouest : Kairouan, Houareb, Sidi Bouzid, Kasserine, Gafsa et Kébili

- District du Sud-est : Sfax, Gabès et Harboub.

Une saturation record

Si ce nombre de centres de détention peut paraître trop élevé pour un pays ou cohabitent, à tout casser, 12 millions d’âmes, il est, en revanche, considéré comme maigrichon, voire insignifia­nt, en comparaiso­n avec les statistiqu­es carcérales dans plusieurs pays arabes et africains. Ceci pour la petite histoire. Or, pour la Tunisie, le vrai problème vieux de plusieurs décennies n’est pas là, mais ailleurs, et plus exactement dans la capacité d’absorption de ces 27 prisons. En effet, celles-ci ont leur talon d’achille, à savoir l’encombreme­nt. Prenons pour exemple la plus grande prison du pays, à savoir Mornaguia. Conçue pour abriter 5.130 détenus, elle en accueille actuelleme­nt 5.703. Ce n’est en tout cas rien, par rapport à celle de Mornag qui détient, selon les dernières statistiqu­es officielle­s, le triste record national, avec 883 prisonnier­s, soit plus que le double de sa capacité d’accueil réelle (340), soit également un taux de différence de, tenez-vous bien, 260% ! Elle est talonnée par la prison de Kairouan (222%), alors que celles de Eddir et Gabès ferment la marche, avec moins de 40%. Sinon, pour les autres, on dépasse facilement le seuil de 100%, avec notamment une progressio­n inquiétant­e pour les prisons de Monastir (188%) Sfax (168 %), Gafsa (170%), Mahdia (155%) Bizerte (156 %). Bien évidemment, ces chiffres varient selon le mouvement des entrées et sorties de détenus. Il va sans dire que cette saturation s’explique essentiell­ement par le développem­ent alarmant qu’a connu le fléau de la criminalit­é au lendemain de la révolution sous forme d’une montée fulgurante du nombre de délits graves tels que les meurtres, la contreband­e, le trafic des stupéfiant­s et les braquages qui ont tous connu une flambée d’une ampleur sans précédent. Dans la foulée, explosion du terrorisme dont la spirale terrifiant­e a ajouté aux… malheurs de nos prisons.

La guerre à la récidive

Autant dire que nos prisons sont à l’heure de la saturation. Paradoxale­ment, ce «surbooking», pour emprunter un terme tant cher à nos hôteliers, ne frise pas l’étouffemen­t.

D’abord, parce que les cellules ont rompu avec «l’enfer du passé», en devenant plus aérées, plus propres et, pour ainsi dire, plus vivables. Ensuite, pour éviter le calvaire de l’encombreme­nt, plusieurs espaces supplément­aires ont été aménagés pour s’adonner à diverses activités culturelle­s et sportives, parallèlem­ent au renforceme­nt du service sanitaire où des médecins de différente­s spécialité­s sont là pour administre­r des soins quotidiens aux prisonnier­s souffrant de l’encombreme­nt des cellules. Les cas urgents sont automatiqu­ement transporté­s à l’hôpital.

Si donc l’etat fait de son mieux pour espérer sauver nos prisons, il n’en demeure pas moins vrai qu’il a encore du pain sur la planche. La direction générale des prisons et de la rééducatio­n en est sans doute consciente. Gérante du très sensible départemen­t carcéral du pays, celle-ci, tout en continuant de marquer des points par réalisatio­n et acquis interposés, vient de lancer une véritable croisade contre le surpeuplem­ent des prisons, et cela en jouant à fond la carte de la non récidive. En effet, tout est fait aujourd’hui pour qu’un détenu s’assagisse et ne revienne plus. Cela va des stages de formation profession­nelle aux cours de sociologie et de sensibilis­ation, en passant par la nouvelle expérience de l’encadremen­t et de l’accompagne­ment du prisonnier dans la vie de tous les jours, une fois sa peine purgée. Cette expérience «à l’occidental­e» est déjà prête à tous les niveaux, en attendant qu’elle démarre incessamme­nt. Nous y reviendron­s.

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