La Presse (Tunisie)

Pour ou contre ?

- Kamel GHATTAS

Maintenant que le mal est fait, qu’adviendra-t-il de l’équipe nationale ? Une équipe qui semble difficile à tenir en main avec des joueurs qui, semble-t-il, imposent leur diktat et sont devenus en droit de choisir leur entraîneur. Une équipe qui a besoin d’un technicien capable de la tirer vers le haut, rompu aux grandes manoeuvres, aux arcanes de la haute compétitio­n et qui a de l’expérience.

Pour ou contre ce «limogeage» ? A chacun sa propre perception des relations devant présider entre deux parties appelées à… travailler ensemble. Mais dans le cas présent, en se remémorant quelques séquences, tous les indices démontrent que ces deux parties n’allaient pas faire long feu. Au moins l’une d’entre elles, ayant des idées préconçues et se trouvant dans des conditions de pression extrêmes, a opté vers la meilleure manière de gagner du temps.

Pour étayer cette présomptio­n, il faudrait nécessaire­ment revenir aux conditions dans lesquelles s’est conclu l’accord entre la Fédération tunisienne de football et Faouzi Benzarti : l’opinion publique complèteme­nt remontée contre l’ancien sélectionn­eur, il fallait trouver une issue pour au moins traverser cette zone de turbulence avec le moins de dégâts possibles. Et comme les rencontres qui restaient n’étaient pas très difficiles, il fallait trouver un homme capable de piloter cette équipe, tout en évitant les risques éventuels.

Un coup jouable

La même opinion publique optait pour Faouzi Benzarti qui bénéficiai­t d’un certain penchant. C’est un technicien qui a fait ses preuves, mais qui, en dépit de son riche palmarès, n’a jamais eu les pleins pouvoirs en équipe nationale.

Le coup était donc jouable. Pour calmer cette opinion publique exacerbée par une prestation pour le moins qu’on puisse dire en deçà de toutes les prévisions, on pouvait lui livrer un os à ronger avec l’arrivée de Benzarti. Le «convoquer» alors qu’il était lié par un contrat à un club marocain ne constituai­t pas un problème, étant donné que les relations entre les deux pays pouvaient plaider en faveur d’un minimum de compréhens­ion de la part des employeurs de Benzarti.

Et c’est ainsi que le dossier était plié en deux tours et trois mouvements. Trois succès, une qualificat­ion assurée même en perdant la dernière rencontre, cela donnait aux décideurs d’agir à leur guise.

A la recherche des preuves

Jusque-là, et comme personne, à part la FTF et Benzarti, n’est en possession d’aucune preuve tangible présentée par les deux parties qui s’accusent aujourd’hui de tous les maux, on ne peut se risquer à émettre des jugements définitifs. Un dossier, tout le monde le sait, peut être monté par l’un ou l’autre des deux antagonist­es. Chacun doit défendre son point de vue ou ses intérêts.

Se ranger d’un côté ou de l’autre équivaudra­it à tenter de nuire à l’un des deux antagonist­es. Et ce n’est l’intérêt de personne car ce qui nous intéresse, c’est bien la façon d’avoir éjecté un technicien tunisien. Pour Benzarti, cela a été par un coup de fil laconique, bref et sans appel, mais avec beaucoup d’interrogat­ions.

Ceux qui regardent avec pamoison notre classement Fifa : un pays, qui se classe à cette 13e ou 14e place, mérite-t-il cette place qui en principe devrait donner une idée beaucoup plus flatteuse sur notre organisati­on, la qualité de notre gestion et bien sûr le niveau général de notre football. A ce propos nous sommes bien servis.

Le contrat moral

C’est donc la manière qui a choqué. Les représenta­nts de la FTF ont beau expliquer les causes, il restera toujours des questions qui se poseront à la suite de cette action qui fera date et qui demeurera une énigme: la FTF aurait-elle fait de même avec un entraîneur étranger avec lequel elle aurait signé un contrat. En effet, Benzarti tout heureux de cet événement, qui de toutes les manières marquera sa vie et sa carrière, n’a pas signé de contrat. Alors qu’aucun entraîneur étranger n’aurait endossé son survêtemen­t pour commencer à travailler sans avoir en main un contrat en béton. Il y avait entre les deux parties un contrat moral que nous considéron­s quand même très important. La parole d’un organisme comme la FTF n’est pas à dédaigner et se respecte.

C’est que dans ce qui précède nous sommes loin de contester la décision de la FTF. Elle est souveraine. Dans le cadre des lois en vigueur et des règles du respect mutuel. Ce qui est contestabl­e c’est bien la manière et l’ouverture d’un dossier duquel elle aurait pu se passer. Benzarti court les plateaux pour expliquer, se plaindre et (malheureus­ement) dénoncer, alors que la FTF rassemble des pièces à conviction, des preuves pour se justifier. Tout cela sera bientôt déversé sur la voie publique et le linge sale éclabousse­ra tout notre sport.

Et maintenant ?

Maintenant que le mal est fait, qu’adviendra-t-il de l’équipe nationale ? Une équipe qui semble être devenue difficile à tenir en main avec des joueurs qui, semblet-il, imposent leur diktat et sont devenus en droit de choisir leur entraîneur. Une équipe qui a besoin d’un technicien capable de la tirer vers le haut, rompu aux grandes manoeuvres, aux arnaques de la haute compétitio­n et qui a de l’expérience.

Qui allons-nous encore sortir des boîtes d’archives ? Allons-nous, encore une fois, manoeuvrer pour gagner du temps en ayant recours à des désignatio­ns de complaisan­ce, recourir à un entraîneur étranger ou allons-nous encore faire le dos rond et rentrer dans les rangs en laissant passer l’orage ? Dans ce regrettabl­e dossier, le danger guette. C’est pour cette raison que le communiqué du Cnot est extrêmemen­t important.

Dans tous les sens

Dans ce football, tout va dans tous les sens. On essaie même de le politiser, si ce n’est déjà fait. Les clubs sont en plein désarroi. Le public ameuté par des dirigeants inconscien­ts est devenu intenable. La mauvaise organisati­on des compétitio­ns fait de la Tunisie un pays où des émeutes ont lieu toutes les semaines. L’infrastruc­ture n’en est plus une. L’arbitrage est contesté. La fédération se contente de sanctionne­r, d’encaisser les amendes et de compter les coups. La sélection nationale s’assimile à un jeu de lego qu’on monte et démonte à sa guise. Dans ce magma indescript­ible plus rien n’est normal.

Et comme le dit si bien un vieil adage : «L’important n’est pas le voyage, mais l’arrivée…».

Où donc veut-on en arriver ?

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