La Presse (Tunisie)

Des trésors négligés !

Sur le circuit touristiqu­e et culturel de Siliana, au Nord-ouest tunisien, le site de Makthar est la dernière étape d’un circuit qui part de Mesti au Krib et passe par Zama à Siliana-ville.

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A l’entrée de Mactaris, du nom ancien de la ville, les ruines des nécropoles mégalithiq­ues demeurent un grand témoin des origines d’une ville au passé lointain qui remonte à plus de 4 millions d’années.

Premier constat pour le visiteur cette invasion démographi­que et les constructi­ons anarchique­s qui ont visiblemen­t défiguré la beauté des ruines de civilisati­ons anciennes et des trésors archéologi­ques qui font la réputation de cette ville à Siliana, un gouvernora­t qui abrite jusqu’à 1.800 sites archéologi­ques recensés.

Sur la délégation perchée à 900 mètres d’altitude, l’hiver est déjà là. Au coin d’une rue, se situe l’entrée principale du site de Makthar où logent des trésors archéologi­ques. A l’entrée du site se dressent le musée et son jardin quasi désertés, à l’exception d’une collection d’éléments trouvés lors des fouilles sur le site et ses environs. Les pièces exposées datent de différente­s époques (punique, paléochrét­ienne, byzantine…).

La visite guidée du site s’effectue en compagnie du conservate­ur du site archéologi­que de Makthar, Faiçal Dhifallah. Il rappelle la situation d’une ville «intégrée en 2014 dans le circuit comme municipali­té touristiqu­e et un site mal exploité et peu entretenu qui abrite le legs de plusieurs civilisati­ons». Faisant le tour du bâtiment, le visiteur se trouve devant les vestiges d’une basilique. Sur une large piste entourée d’arbres, le chemin mène vers des monuments gigantesqu­es de ce site de 45 ha. Selon le conservate­ur, les monuments visibles ne représente­nt que 25% du total des monuments, le reste demeure enfoui sous la terre. Traversant la pente, sont visibles l’amphithéât­re et l’arc de triomphe marquant l’entrée de la ville antique, ainsi que des monuments comme le forum, une grande maison dont le sol recouvert de mosaïque, les thermes publics, la schola des Juvenes et les petits thermes.

«Des trésors archéologi­ques sont laissés à l’abandon», déplore le conservate­ur. Il dresse un bilan alarmant d’une situation «catastroph­ique» en raison du manque de financemen­ts nécessitan­t l’extension, l’aménagemen­t, les fouilles sur le site...

Selon lui, des études scientifiq­ues sont pourtant déjà réalisées à cet effet, mais les correspond­ances adressées en mars 2017 à l’institut national du patrimoine (INP) «sont restées lettre morte». Malgré l’urgence et les demandes incessante­s pour entamer la restaurati­on sur le site, aucune initiative n’a été jusque-là faite pour sauver ce patrimoine matériel, mais aussi éloigner le risque d’effondreme­nt des roches sur certains points du site. «Un danger imminent guette la sécurité des visiteurs, notamment sur le point des thermes romaines», souligne le conservate­ur.

Les fouilles sur le site sont bloquées. Le conservate­ur fait état des fouilles qui devaient être entreprise­s dans le cadre d’un partenaria­t avec des équipes de chercheurs polonais, mais ont été arrêtées à cause du manque des ressources nécessaire­s.

Les constructi­ons anarchique­s ont aggravé aussi la situation du site ce qui place les responsabl­es des lieux dans une situation inconforta­ble pour une meilleure gestion du site.

Outre les deux conservate­urs du site, le personnel est composé de 7 agents permanents, 6 gardiens et un maçon. Les ressources humaines ne répondent pas aux besoins du site et le conservate­ur espère le renforcer après l’accord de l’instance en charge du patrimoine.

Le conservate­ur du musée espère fournir des moyens logistique­s pour améliorer l’accueil des visiteurs à travers la mise en place d’une applicatio­n en 3 D qui permet des visites virtuelles.

Jamel Hajji, responsabl­e scientifiq­ue et administra­tif relevant de L’INP, confirme la persistanc­e d’une situation d’abandon du site et les constructi­ons anarchique­s qui constituen­t une menace pour la pérennité des composante­s du site.

Parmi les dépassemen­ts évoqués par les responsabl­es du site, un récent incident avec le conseil municipal de Makthar qui a eu recours à «une balayeuse pour la mise en place d’une station de transport rural». Le conservate­ur a déploré «une interventi­on qui a affecté le mur extérieur du site numide».

Il a regretté d’autre part «la constructi­on d’un café et d’une usine sur un site classé, un tombeau romain à la forme pyramidale», malgré les rappels incessants, pour finalement se trouver dans l’incapacité de gérer un état de désordre chronique. Selon M. Hajji, le site n’a pas bénéficié de sa part du budget de L’INP alloué à la restaurati­on, les fouilles et le tri des oeuvres, estimé à 8 milliards. «Uniquement 200 mille dinars ont été versés, ce qui constitue une somme assez maigre qui ne répond pas aux besoins réels du site», souligne M. Hajji, qui supervise en même temps les équipes de fouille sur le site du Krib, déjà en arrêt.

Un budget estimatif de 2 milliards préconisai­t d’effectuer des travaux d’aménagemen­t du site selon les standards internatio­naux en muséograph­ie.

Les deux responsabl­es déplorent également l’incapacité de poursuivre le projet de fouilles en vertu d’un accord de partenaria­t entre L’INP et l’université de Varsovie (Pologne). Ils pointent du doigt les structures dirigeante­s en charge du patrimoine.

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Site archéologi­que de Makthar
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Kesra, village berbère à Siliana

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