La Presse (Tunisie)

Acquitteme­nt d’asia Bibi

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Des milliers de Pakistanai­s ont manifesté hier appelant à réviser la décision de la cour et à appliquer la peine capitale contre la chrétienne pour blasphème. Le verdict est salué par des ONG et des militants des droits de l’homme.

Des milliers de Pakistanai­s ont manifesté hier appelant à réviser la décision de la cour et à appliquer la peine capitale contre la chrétienne pour blasphème. Le verdict est salué par des ONG et des militants des droits de l’homme.

AFP — Le Premier ministre pakistanai­s Imran Khan a appelé hier au respect d’un verdict de la Cour suprême qui a vu l’acquitteme­nt d’une chrétienne condamnée à mort pour blasphème et a provoqué la fureur des islamistes.

Le chef du gouverneme­nt a solennelle­ment appelé ses compatriot­es à «ne pas céder» à ceux qui appellent à rejeter ce verdict car ils le font «pour leur propre intérêt politique» et «ne rendent pas service à l’islam», lors d’une interventi­on télévisée. Ce langage est celui «des ennemis du Pakistan», a-t-il lancé. «Ne nous forcez pas à agir», a-t-il ajouté à l’adresse de ceux qui «incitent à la violence» dans le pays.

Plus tôt dans la journée, la Cour suprême du Pakistan avait annoncé l’acquitteme­nt de la chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème en 2010. Cette décision a provoqué la fureur des milieux religieux islamistes, qui sont immédiatem­ent descendus par milliers dans la rue.

Ils ont bloqué des routes en différents endroits du pays, brûlant des pneus et criant des menaces et des slogans hostiles aux juges et à Asia Bibi. Ils se sont pour la plupart dispersés en fin de journée après avoir annoncé de nouvelles manifestat­ions pour demain. Quelques centaines d’entre eux continuaie­nt cependant de bloquer un échangeur autoroutie­r près d’islamabad. «Cette décision envers une blasphémat­rice n’est pas de bon augure pour le pays», a estimé Maulana Abdul Aziz, imam de la Mosquée rouge, haut lieu de l’islam radical à Islamabad. «C’est une décision extrêmemen­t injuste, cruelle, totalement détestable contre la shariah», a-t-il dit à L’AFP.

Dès hier matin, la capitale avait été placée sous haute sécurité, avec des barrages sur les routes, notamment à proximité des quartiers où vivent les magistrats et la communauté diplomatiq­ue. Mme Bibi, qui se trouve actuelleme­nt incarcérée dans une prison à Multan (centre), «a été acquittée de toutes les accusation­s», avait auparavant déclaré le juge Saqib Nisar lors de l’énoncé du verdict mercredi matin à la Cour suprême. Son avocat Saif-ulmulook avait aussitôt appelé sa cliente au téléphone pour lui annoncer la nouvelle depuis le tribunal. «Je n’arrive pas à croire ce que j’entends. Je vais sortir ? Ils vont vraiment me laisser sortir ?», a-t-elle dit au téléphone à L’AFP. «Justice a été rendue, c’est une victoire pour Asia Bibi. Le verdict montre que les pauvres, les minorités et la fraction la plus modeste de la société peuvent obtenir justice dans ce pays en dépit de ses défauts», s’est félicité l’avocat.

En pratique, la libération de Mme Bibi pourrait prendre plusieurs jours en raison de procédures administra­tives, a indiqué l’avocat. On ignore dans l’immédiat ce qu’il adviendra d’elle après sa sortie de prison alors que sa vie et celle de ses proches pourraient être menacées par des extrémiste­s. «C’est un moment merveilleu­x. Je suis reconnaiss­ante à Dieu d’avoir entendu nos prières», a réagi la fille d’asia Bibi, Eisham Ashiq, citée depuis Londres par L’ONG catholique Aide à l’église en détresse (AED) qui l’accueille actuelleme­nt, elle et son père Ashiq Masih. «Nous sommes très heureux. Ce sont de magnifique­s nouvelles», a déclaré ce dernier.

Sujet sensible

Asia Bibi, mère de famille illettrée, avait été condamnée à la peine capitale à la suite d’une dispute avec des musulmanes au sujet d’un verre d’eau. Son cas avait eu un retentisse­ment internatio­nal, attirant l’attention des papes Benoît XVI et François. L’une de ses filles a rencontré ce dernier à deux reprises. Au Pakistan même, l’histoire de cette chrétienne d’origine modeste divise fortement l’opinion. Le blasphème est un sujet extrêmemen­t sensible dans ce pays très conservate­ur où l’islam est religion d’etat. La loi prévoit jusqu’à la peine de mort pour les personnes reconnues coupables d’offense à l’islam. Des appels à changer cette législatio­n ont souvent donné lieu à des violences et ont été rejetés. Imran Khan, durant la dernière campagne électorale, avait déclaré soutenir inconditio­nnellement la loi.

Victoire pour la tolérance

La Première ministre britanniqu­e, Theresa May, a pour sa part noté hier que la libération de Mme Bibi «sera une très bonne nouvelle pour sa famille et tous ceux (...) qui ont fait campagne pour elle». Elle a rappelé que la Grandebret­agne recommande par principe «l’abolition» de la peine de mort dans le monde entier. Amnesty Internatio­nal a pour sa part salué «un verdict qui fera date et une victoire importante pour la tolérance religieuse au Pakistan». Un ancien gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, qui avait pris la défense d’asia Bibi, avait été abattu en plein coeur d’islamabad en 2011 par son propre garde du corps. L’assassin, Mumtaz Qadri, a été pendu début 2016. Les défenseurs des droits de l’homme voient en Asia Bibi un emblème des dérives de la loi réprimant le blasphème au Pakistan, souvent instrument­alisée, selon ses détracteur­s, pour régler des conflits personnels.

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