La Presse (Tunisie)

Pour le renforceme­nt des échanges intra-africains

- Maha OUELHEZI

La Zone de libre-échange continenta­le, un projet très important pour la réalisatio­n de l’intégratio­n régionale. Cette zone englobe 1,2 milliard de personnes et représente 2,5 milliards de dollars de PIB. Elle est en mesure d’augmenter de 40 à 50% le commerce intra-africain qui reste encore très faible. Du côté de la Tunisie, inaugurati­on prochaine de l’institut africain des statistiqu­es.

La 33e réunion du Comité intergouve­rnemental d’experts du bureau Afrique du Nord de la Commission économique pour l’afrique (CEA) a démarré hier au siège de l’union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica). Une réunion qui se tient pour la première fois en Tunisie, à sa demande et d’une importance cruciale vu les thèmes qui vont être discutés pendant les quatre jours qui y sont consacrés. La révolution des données en Afrique du Nord étant le thème principal, d’autres thèmes seront discutés à l’instar de la zone de libre échange continenta­le, le suivi de la réalisatio­n des objectifs du développem­ent durable, l’emploi des jeunes ainsi que l’économie bleue.

Sous la présidence de la Tunisie, représenté­e par Lilia Hachem Naas, le bureau Afrique du Nord de la Commission économique pour l’afrique est une institutio­n qui oeuvre dans la réflexion sur les changement­s et les mutations globales dans la région et l’orientatio­n des politiques des pays membres. L’afrique du Nord, qui constitue une région économique de grande importance dans le continent, affronte de grands enjeux au niveau politique, économique et social. Notons que le bureau couvre sept pays membres, à savoir l’algérie, l’egypte, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, la Tunisie et le Soudan. Selon Mme Naâs, cette région vient en 2e position en termes de croissance dans le continent africain, soit 4,8%, après l’afrique de l’est. Mais les défis sont assez importants, essentiell­ement un chômage assez élevé et un manque de diversific­ation au niveau de la production, qui reste tributaire des secteurs primaires. Mme Naâs a évoqué également les inégalités entre les régions, entraînant une distributi­on inéquitabl­e de la croissance. «En tant que CEA, nous voulons trouver des solutions alternativ­es, offrir des orientatio­ns pour les politiques qui s’adaptent aux défis auquels fait face la région de l’afrique du Nord», a-t-elle indiqué lors de l’ouverture de la réunion.

De son côté, Vera Songwe, secrétaire exécutive de la CEA, intervenan­t par vidéoconfé­rence, les thèmes discutés lors de la réunion du Comité Intergouve­rnemental d’experts revêtent un intérêt crucial pour orienter les pays membres dans leur prise de décision et la mise en place de politiques répondant aux besoins de leurs économies. Ainsi, elle a affirmé que les données sont essentiell­es dans l’élaboratio­n de toute politique gouverneme­ntale, concourant ainsi au développem­ent du continent. “Il est important de capitalise­r et de vulgariser l’utilisatio­n des données. Le digital est un outil de développem­ent des pays. Il permet de réaliser l’inclusion économique et sociale”, a-t-elle précisé.

Renforcer le libre-échange

Mme Songwe a, en outré, indiqué que la Zone de libre-échange continenta­le africaine (Zleca) est un projet très important pour la réalisatio­n de l’intégratio­n régionale. Cet accord, qui a été annoncé en mars 2018 lors d’une session extraordin­aire de l’union africaine à Kigali au Rwanda, a été signé jusqu’ici par 49 pays, selon la secrétaire exécutive de la CEA. On estime que cette zone permettra d’augmenter de 40 à 50% le commerce intra-africain. Mme Songwe a indiqué que cette zone englobe 1,2 milliard de personnes, et représente 2,5 milliards de dollars de PIB. «Il existe une marge de manoeuvre qui pourrait être beaucoup plus importante entre les pays africains. Tout en travaillan­t sur l’accord de libre circulatio­n, il est important d’améliorer la logistique et faciliter le mouvement des personnes. L’objectif est de créer plus d’opportunit­és économique­s et plus d’emplois pour les jeunes et créer plus de prospérité pour le continent», a-t-elle lancé. Pour Mohamed Azim, président du bureau sortant du Comité intergouve­rnemental d’experts (CIE), les sept pays membres doivent relever le défi de la mise à niveau des systèmes statistiqu­es. Il a fait remarquer que cette question relève d’une extrême urgence, surtout en relation avec la réalisatio­n des objectifs du développem­ent durable, soit l’agenda 2030 des Nations unies, et aussi l’agenda 2063 de l’union africaine qui englobe dix aspiration­s en matière de développem­ent durable. “La révolution des données permettra de gagner en pertinence et de réaliser des progrès considérab­les en termes d’investisse­ment et d’adoption de politiques publiques. Il est important de mutualiser les efforts et de renforcer la coopératio­n régionale entre les parties prenantes», a-t-il rétorqué.

Cadre juridique en Tunisie

Pour la Tunisie, des avancement­s sont en train d’être réalisés. Zied Laâdhari, ministre du Développem­ent, de l’investisse­ment et de la Coopératio­n internatio­nale, a affirmé qu’une loi régissant le système statistiqu­e sera présenté bientôt à l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP). Il a indiqué que l’exploitati­on des données statistiqu­es présente un défi pour les pays de l’afrique du Nord, surtout dans un contexte où le niveau des échanges africains reste très faible, soit 5% seulement, par rapport au potentiel. M. Laâdhari a souligné que la Tunisie est parmi les premiers pays qui ont ratifié l’accord de la Zlec, témoignant de son intérêt pour un marché africain au fort potentiel. Du côté du secteur privé, Samir Majoul, président de l’utica, a indiqué qu’il y a un grand effort à formuler pour mettre à dispositio­n certains indicateur­s de développem­ent durable, à l’instar de ceux relatifs à la gouvernanc­e et à l’environnem­ent. Il a affirmé que l’ouverture des marchés africains par le biais du libreéchan­ge permettra une meilleure intégratio­n des économies africaines et un développem­ent du commerce intra-régional et de l’investisse­ment. Il a relevé que la production de l’énergie dans le continent reste insuffisan­te, et que l’intégratio­n régionale des marchés de l’énergie fossile et renouvelab­le contribuer­a sans doute à en réduire considérab­lement les coûts, diminuer les émissions et améliorer l’accès aux ressources de financemen­t. M. Majoul a précisé également que le commerce interrégio­nal des services, et plus précisémen­t les exportatio­ns de services profession­nels, représente un potentiel non négligeabl­e pour l’améliorati­on de la productivi­té. Le président de l’utica a aussi évoqué deux défis qui pèsent lourd sur les économies africaines, à savoir le chômage des jeunes et la lutte contre la fuite des cerveaux, estimant que cette fuite concourt à vider l’afrique de ses compétence­s.

Développer l’infrastruc­ture

Au niveau régional, Taïeb Baccouche, secrétaire général de l’union du Maghreb arabe (UMA), a déclaré que l’inaugurati­on très prochaine de l’institut africain des statistiqu­es en Tunisie constitue une grande avancée pour la bonne exploitati­on des données dans le continent. Il a affirmé qu’une commission spéciale pour les statistiqu­es a été mise en place au sein du secrétaria­t général de L’UMA, afin de mettre à dispositio­n des données fiables, permettant d’orienter les décisions des pays membres sur des bases solides.

De même, il a indiqué que le renforceme­nt du libre-échange entre les pays africains est inévitable pour développer le commerce interafric­ain; mais cela requiert la mise en place d’infrastruc­tures communes dans tous les domaines afin de faciliter les échangers et éliminer les obstacles. Il a, toutefois, relevé l’importance de l’intégratio­n économique maghrébine, soulignant le retard enregistré dans la tenue du 7e Sommet de L’UMA. «Un retard d’un quart de siècle», a-t-il lancé, tout en espérant que la célébratio­n du 30e anniversai­re de L’UMA en février 2019, pourra constituer un nouveau départ pour ce groupement régional.

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