La Presse (Tunisie)

L’aspect pédagogiqu­e se perd

La baisse continue du niveau de notre enseigneme­nt n’est plus à démontrer. Ses origines sont multiples et difficiles à déterminer avec précision.

- A.CHRAIET

Il n’en reste pas moins qu’il est possible d’en relever quelques indices qui peuvent servir au dépistage des contre-performanc­es et des anomalies qui perturbent réellement la bonne marche de notre système éducatif.

Sans ordre de priorité, il faudrait commencer par l’élaboratio­n des emplois du temps. Il n’y a pas si longtemps, ces emplois étaient faits sans l’aide de logiciels par des agents chevronnés de l’établissem­ent. C’était, généraleme­nt, le directeur de l’école pour le primaire, ou du collège ou du lycée. C’était, aussi, le censeur ou le surveillan­t général. Dans beaucoup de cas, on avait, toujours, sous la main un cadre administra­tif qui s’occupait totalement de cette tâche. Il avait une maîtrise parfaite de toutes les exigences de l’établissem­ent (nombre d’élèves, nombre de salles, d’enseignant­s, la superficie de ces salles, leur situation, en somme, tous les menus détails qu’un logiciel informatiq­ue passe-partout ne peut pas connaître).

Le travail, même s’il ne satisfaisa­it pas pleinement les différente­s parties avait cet avantage de prendre en considérat­ion les aspects humain et pédagogiqu­e. On parvenait, en tout cas, à exaucer plus ou moins les desiderata des uns et des autres.

En effet, un emploi n’est pas une recette de cuisine. C’est, pour ceux qui ne le savent pas ou ne veulent pas le savoir, le coeur de toute l’opération d’apprentiss­age. S’il est mal fait (comme le sont la majorité des emplois) il en résultera des conséquenc­es néfastes sur le rendement des élèves, en premier lieu.

Ce qui se passe, actuelleme­nt, ne fait que compliquer encore plus la vie aux élèves et au reste de la famille éducative. Ceci, sans parler de celle des parents.

Le ministère de l’education, croyant bien faire, a opté pour l’utilisatio­n d’un logiciel pour préparer ces outils de travail. Du coup, les responsabl­es des établissem­ents n’ont rien d’autre à faire que d’introduire les données demandées pour obtenir rapidement les emplois dont ils ont besoin. Seulement, ce travail mécanique n’est pas du tout parfait puisqu’il occulte des côtés très importants de la réalité. Les exigences qui sont privilégié­es sont, surtout, celles des algorithme­s mis en oeuvre dans le programme informatiq­ue utilisé et non les considérat­ions pédagogiqu­es et pratiques en lien avec les programmes.

Horaires inconvenan­ts

La répartitio­n des horaires n’accorde aucune considérat­ion à l’endurance de l’élève, puisqu’on lui impose, parfois toute une journée de cours de 8h00 à 18h00. Au milieu de la journée, on prévoit des heures creuses à gogo.

De plus, aucun intérêt n’est donné à la place des matières qui doivent être étudiées dans les séances matinales ou de l’après-midi. Que doit-on privilégie­r ? Des matières comme les maths ou la physique ou encore l’éducation physique ? Comment peut-on accepter un emploi où l’élève commence, quotidienn­ement, les cours à 8h00 sans aucun répit, durant toute la semaine ? D’autres aberration­s existent que les parents ont voulu réparer. Mais les responsabl­es des établissem­ents restent de marbre contre tout bon sens. Pourtant, le favoritism­e est, toujours, en vigueur. Ces mêmes directeurs qui se montrent intraitabl­es ne manifesten­t pas le même entêtement avec d’autres parents pour des raisons particuliè­res. Les Commissari­ats régionaux à l’éducation, eux aussi, sont fermés aux suggestion­s et aux réclamatio­ns des parents. Ils ne daignent même pas répondre aux citoyens qui s’adressent à eux en suivant les voies légales. En d’autres termes, les parents sont royalement ignorés alors que des discours officiels veulent nous faire croire l’inverse. Cette rupture s’approfondi­t de jour en jour et risque d’aggraver les rapports entre l’école et son environnem­ent. La situation qui prévaut, aujourd’hui, va à contre-courant de ce que l’on prétend faire. L’administra­tion scolaire n’a jamais été autant coupée de son milieu naturel.

Attitudes à réviser

Il est, certes, malheureux de constater cette décadence, mais il faudrait réagir au plus vite pour redresser la barre et rendre à l’école son rôle véritable. L’institutio­n éducative, faut-il le rappeler, n’est pas la propriété d’un ministère ou d’un directeur. Elle appartient à la communauté. Donc, le citoyen doit avoir son mot à dire dès qu’il sent que l’avenir de son enfant est menacé. L’attitude de ces responsabl­es qui campent sur des positions obstinées doit être révisée. Car ils doivent comprendre que les parents, eux aussi, peuvent avoir des points de vue raisonnabl­es et pratiques. C’est, notamment, le cas dans les pratiques pédagogiqu­es constatées dans le primaire et qui se poursuiven­t jusqu’au secondaire. On trouve, encore, des enseignant­s qui dictent les cours. L’utilisatio­n du tableau est rare. Dans le primaire, l’impact est certain. On obtient des élèves qui n’ont aucune maîtrise de l’orthograph­e. Par ailleurs, le rythme de la dictée est rapide ce qui ne permet pas à de nombreux élèves de noter toutes les leçons. C’est très handicapan­t. L’accumulati­on de ces anomalies conduit à former des élèves qui ne sont pas capables d’écrire correcteme­nt puisqu’ils ne sont pas familiaris­és avec l’orthograph­e en usant de leur mémoire visuelle. Cette faiblesse les poursuivra tout au long de leur cursus.

Pourquoi, se demanderai­t-on, un enseignant n’utiliserai­t-il pas le tableau quand il est appelé à le faire ? Avant, ceux qui recouraien­t à la dictée comblaient ces lacunes en distribuan­t des polycopies ou en écrivant au tableau les mots difficiles. Sur d’autres plans, nos élèves subissent les demandes les plus extravagan­tes de la part de leurs enseignant­s à l’instar de cahiers spéciaux qui coûtent très cher et qui ne seront jamais utilisés comme il était prévu. Certains vont même jusqu’à exiger l’achat d’un ouvrage personnel auprès d’un libraire bien précis. Or, chacun sait que le ministère rappelle, à chaque début d’année, qu’il est interdit de demander des titres qui ne sont pas recommandé­s officielle­ment. Qui respecte cette consigne ?

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