La Presse (Tunisie)

«L’intoxicati­on au plomb peut causer des dégâts !»

- Propos recueillis par Sabrine AHMED

L’associatio­n pour l’éducation environnem­entale pour les futures génération­s (Aeefg) qui oeuvre dans le cadre de l’éducation environnem­entale et la sensibilis­ation quant aux dangers des produits chimiques, mène une campagne préventive contre l’intoxicati­on par le plomb. A l’occasion de la campagne internatio­nale sur l’éliminatio­n du plomb dans la peinture qui est régie par l’organisati­on mondiale de la Santé, l’aeefg, en collaborat­ion avec la société internatio­nale Inpen, a entamé des actions dans le but de mettre fin à l’utilisatio­n du plomb dans la peinture. A l’échelle de la Tunisie, l’aeefg a pris l’initiative de proposer à une société tunisienne de peinture de mentionner «sans plomb» sur ses pots de peinture afin d’aiguiller le choix du consommate­ur et de protéger ainsi sa santé.

Qu’est-ce que le plomb ?

Le plomb est un métal toxique naturellem­ent présent dans l’écorce terrestre. Il a de nombreux usages (batteries plomb-acide pour véhicules motorisés, pigments et peintures, soudures, munitions, glaçures céramiques, bijoux, jouets) et on le retrouve dans certains produits cosmétique­s et médicament­s traditionn­els. Quelques pays continuent à l’utiliser dans l’essence. Son traitement, son utilisatio­n et son éliminatio­n peuvent contaminer l’environnem­ent et entraîner une exposition humaine. Comme le plomb est un élément chimique, une fois libéré dans l’environnem­ent, il y persiste.

Qu’est-ce que l’intoxicati­on au plomb ?

Chez l’être humain, une exposition excessive au plomb, le plus souvent par ingestion, entraîne une intoxicati­on. L’exposition peut être de courte durée (intoxicati­on aiguë) ou prolongée (intoxicati­on chronique). On n’a pas encore déterminé de seuil au-dessous duquel l’exposition au plomb serait sans danger. Par conséquent, certaines autorités sanitaires considèren­t que l’exposition est excessive lorsque la plombémie est supérieure à la valeur de référence pour l’ensemble de la population. Cette valeur de référence est généraleme­nt la moyenne géométriqu­e des plombémies mesurées chez les 2,5% ou les 5% de la population pour lesquels celles-ci sont les plus élevées, c’est-à-dire le 97,5e ou le 95e centile respective­ment. Ainsi, aux Etats-unis d’amérique, le 97,5e centile de plombémie chez l’enfant de moins de six ans est de 5 μg/dl. Cette même plombémie correspond au 98e centile pour les enfants de moins de sept ans en France.

Quels sont les effets de l’exposition au plomb sur la santé ?

Le plomb s’accumule dans l’organisme et touche pratiqueme­nt tous les systèmes organiques. Le plomb peut avoir des effets chroniques et néfastes chez des personnes de tout âge mais il est particuliè­rement nocif pour les enfants. En effet, pendant son développem­ent, le système nerveux est vulnérable face aux effets toxiques du plomb même à des niveaux d’exposition qui n’entraînent pas de symptômes et de signes évidents. L’exposition au plomb au début de l’enfance peut entraîner une diminution des capacités cognitives, une dyslexie, un déficit de l’attention et des comporteme­nts antisociau­x. L’exposition au plomb peut également entraîner une hypertensi­on artérielle et une insuffisan­ce rénale et être toxique pour le système immunitair­e et l’appareil reproducte­ur. L’absorption de grandes quantités de plomb peut entraîner un coma, des convulsion­s, voire le décès. Les enfants qui survivent à une grave intoxicati­on au plomb en gardent parfois des séquelles neurologiq­ues définitive­s qui peuvent se manifester par une surdité ou un retard mental. Selon les estimation­s de l‘institute for Health Metrics and Evaluation (Ihme), en 2013, l’exposition au plomb était responsabl­e de 853 000 décès dus aux effets à long terme sur la santé, les pays à revenu faible ou intermédia­ire étant les plus touchés par ce phénomène. L’ihme a également estimé que l’exposition au plomb était responsabl­e de 9,3% de la charge mondiale de déficience intellectu­elle idiopathiq­ue (c’està-dire sans cause connue comme, par exemple, des facteurs génétiques), de 4% de la charge mondiale des cardiopath­ies ischémique­s et de 6,6% de la charge mondiale d’accidents vasculaire­s cérébraux.

Quelles sont les sources d’exposition humaine au plomb ?

Le plomb ayant de multiples usages, les sources d’exposition potentiell­es sont nombreuses. On peut citer, parmi les plus importante­s, la pollution de l’environnem­ent en raison du recyclage sauvage des batteries au plomb et du contrôle insuffisan­t des opérations d’extraction et de fusion, l’utilisatio­n de remèdes traditionn­els contenant du plomb, les glaçures céramiques au plomb présentes dans les récipients à usage alimentair­e, et les peintures au plomb. L’essence au plomb était autrefois une source importante d’exposition mais elle n’est pratiqueme­nt plus utilisée dans aucun pays.

La peinture au plomb représente-t-elle une source importante d’exposition ?

La peinture au plomb est encore utilisée dans la majorité des pays et, depuis l’abandon de l’essence au plomb, c’est l’une des principale­s sources d’exposition des enfants au plomb. Une peinture au plomb intacte ne présente aucun danger mais, au fur et à mesure qu’elle vieillit, la peinture commence à s’écailler et à tomber en fragments et en poussière qui contaminen­t l’environnem­ent domestique. Les fragments de peinture et la poussière sont facilement avalés par les enfants qui jouent par terre et portent souvent leurs mains à la bouche. Certains enfants attrapent compulsive­ment des fragments de peinture sur les murs et les ingèrent. La suppressio­n de la peinture au plomb, par exemple lors de travaux de rénovation des logements ou d’entretien de structures peintes, telles que les ponts, peut aussi entraîner un dégagement de poussières contaminée­s par du plomb si des mesures de sécurité ne sont pas prises. Les peintures au plomb peuvent rester une source d’exposition pendant de nombreuses années. Même dans les pays qui ont interdit ces peintures, il y a plusieurs décennies, on en trouve encore dans de nombreux logements. Plus tôt les peintures au plomb seront interdites dans un pays, plus vite cet héritage toxique sera éliminé.

Quels sont les objectifs de l’alliance mondiale pour l’éliminatio­n des peintures au plomb ?

L’alliance mondiale pour l’éliminatio­n des peintures au plomb est une initiative de nature volontaire et collaborat­ive destinée à canaliser et à stimuler les efforts de diverses parties prenantes en vue d’atteindre les objectifs spécifique­s suivants à l’échelle internatio­nale : empêcher l’exposition des enfants aux peintures au plomb et réduire au maximum l’exposition des travailleu­rs à ces peintures. Ces parties prenantes peuvent être des gouverneme­nts, des organisati­ons intergouve­rnementale­s ou non gouverneme­ntales, y compris de la société civile, des organismes régionaux, des organisati­ons philanthro­piques, des institutio­ns universita­ires, les médias et le secteur privé. Des particulie­rs peuvent également participer. L’objectif plus large de l’alliance est de promouvoir un arrêt progressif de la fabricatio­n et de la commercial­isation de peintures contenant du plomb afin d’éliminer les risques dus à ces peintures. L’alliance a été créée suite à l’appel lancé, en 2002, par les gouverneme­nts lors du Sommet mondial pour le développem­ent durable en vue d’éliminer progressiv­ement les peintures au plomb. En 2009, la deuxième session de la Conférence internatio­nale sur la gestion des produits chimiques a permis de faire le point des progrès accomplis à cet égard. Les participan­ts à cette conférence ont noté que le Partenaria­t pour des carburants et véhicules propres était parvenu à éliminer progressiv­ement l’utilisatio­n de l’essence au plomb et ont soutenu la création d’un partenaria­t mondial en vue de promouvoir l’éliminatio­n progressiv­e des peintures au plomb.

L’alliance mondiale pour l’éliminatio­n des peintures au plomb est dirigée conjointem­ent par l’organisati­on mondiale de la santé (OMS) et le Programme des Nations unies pour l’environnem­ent (Pnue), conforméme­nt à leurs mandats respectifs.

Que doivent faire les Etats membres pour éliminer les peintures au plomb ?

Les composants du plomb utilisés comme pigments et pour faciliter le séchage peuvent être remplacés par des substances plus sûres. Des études ont montré que l’utilisatio­n de ces substances, disponible­s depuis plusieurs années, ne fait pas augmenter sensibleme­nt le coût de la peinture. La question du plomb reste, cependant, mal connue et de nombreux pays ne disposent pas de normes obligatoir­es concernant les peintures au plomb.

Dans les pays où les peintures au plomb sont encore disponible­s, les pouvoirs publics devraient instaurer une législatio­n ayant force obligatoir­e afin d’en interdire ou d’en limiter l’utilisatio­n. On peut, par exemple, interdire l’utilisatio­n de tous les composants du plomb dans la peinture ou fixer un seuil, le plus bas possible, concernant la teneur en plomb autorisée dans les peintures.

On peut aussi mettre en oeuvre d’autres mesures, comme l’obligation d’utiliser des peintures sans plomb dans les bâtiments publics tels que les écoles et les hôpitaux et l’informatio­n du grand public au sujet des dangers du plomb afin de favoriser l’achat de peintures sans plomb. Cette pression sur le marché peut encourager les fabricants de peintures à prendre volontaire­ment des mesures pour cesser d’ajouter des composants du plomb dans leurs produits. L’éliminatio­n de l’essence au plomb a montré à quel point de telles mesures pouvaient porter leurs fruits. Dans de nombreux pays, la plombémie moyenne dans la population a beaucoup baissé grâce à l’interdicti­on de l’essence au plomb et à d’autres mesures dans le même sens. Dans son plan d’activité, l’alliance mondiale fixe pour tous les pays, une cible consistant à adopter d’ici 2020 des lois, règlements, normes et/ ou procédures juridiquem­ent contraigna­nts en vue d’encadrer la production, l’importatio­n, l’exportatio­n, la vente et l’utilisatio­n des peintures au plomb. Cette cible accorde une attention particuliè­re à l’éliminatio­n des peintures décorative­s contenant du plomb et des peintures au plomb destinées à d’autres applicatio­ns très susceptibl­es de contribuer à l’exposition des enfants au plomb. Toutefois, l’objectif est d’encadrer l’utilisatio­n du plomb dans toutes les peintures. Au 30 juin 2016, 62 pays avaient informé le secrétaria­t de l’alliance mondiale que de telles mesures avaient été adoptées, et 22 autres pays avaient déclaré que de telles mesures étaient en cours de mise au point.

Comment L’OMS luttet-elle contre les peintures au plomb et leurs effets sur la santé ?

L’organisati­on mondiale de la santé (OMS) considère que le plomb est l’une des dix substances chimiques les plus préoccupan­tes en termes de santé publique et les Etats membres doivent donc prendre des mesures pour protéger la santé des travailleu­rs, des enfants et des femmes en âge de procréer. Pour mieux faire connaître les dangers du plomb et la nécessité de les prévenir, L’OMS a publié sur son site Web plusieurs informatio­ns sur le plomb, y compris des documents à l’intention des décideurs, des orientatio­ns techniques et des supports pour la sensibilis­ation. Pour aider les décideurs, les autorités de santé publique et les profession­nels de la santé à mettre en oeuvre des mesures pour protéger les enfants et les adultes des effets de l’exposition au plomb sur la santé, L’OMS met au point des lignes directrice­s fondées sur des bases factuelles concernant la prévention et la prise en charge de l’intoxicati­on au plomb. Comme les peintures au plomb restent une source d’exposition dans de nombreux pays, L’OMS s’est associée au Programme des Nations unies pour l’environnem­ent (Pnue) afin de créer l’alliance mondiale pour l’éliminatio­n des peintures au plomb.

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