La Presse (Tunisie)

L’infiltrati­on des groupes terroriste­s divise les élus

du départemen­t de la Justice AMENDEMENT DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE à LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET LA RÉPRESSION DU BLANCHIMEN­T D’ARGENT

- Karim BEN SAID

• Faut-il arrêter l’infiltrati­on des groupes terroriste­s par des repris de justice ?

• Les avis divergent entre les représenta­nts du ministère de l’intérieur et ceux du départemen­t de la Justice

• Le dernier mot reviendra aux députés

• Faut-il arrêter l’infiltrati­on des groupes terroriste­s par des repris de justice ?

• Les avis divergent entre les représenta­nts du ministère de l’intérieur et ceux

• Le dernier mot reviendra aux députés

La commission de législatio­n générale présidée par le député Karim Helali (Coalition nationale) a poursuivi hier l’examen des amendement­s proposés qui seront apportés à la loi organique n° 2015-26 du 7 août 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchimen­t d’argent. A vrai dire, ces amendement­s ont été rendus nécessaire­s en vue d’extirper la Tunisie de la liste de noire du blanchimen­t d’argent élaborée par le Groupe d’action financière (Gafi). Mercredi, les différents protagonis­tes étaient présents à la commission pour défendre leurs points de vue en ce qui concerne l’un des points les plus épineux de ces amendement­s. En effet, tandis que le ministère de l’intérieur s’oppose à la prohibitio­n de «l’utilisatio­n des suspects dans les opérations d’infiltrati­on», le ministère de la Justice y tient, et a expliqué d’abord que les preuves rapportées par des suspects pourraient ne pas être recevables devant un tribunal. De plus, s’ils sont utilisés, les suspects pourraient jouer le rôle d’agent double et travailler aussi bien pour la police que pour les groupes terroriste­s. Le président de la commission avait demandé au ministère de la Justice de tenter de trouver une formulatio­n consensuel­le de l’article 57 de la loi antiterror­iste. Mais hier, Karim Helali a annoncé que le ministère de la Justice ne semblait pas disposé à accepter des compromis sur cette question. «Il m’est apparu clairement que le ministère de la Justice tient toujours à la formulatio­n initiale, et de ce fait, je crois que la décision revient maintenant à la commission de législatio­n générale qui devrait trancher», a expliqué le président de la commission à l’ouverture de la séance.

Au bout de plusieurs heures de discussion, la commission de législatio­n générale a finalement penché du côté de la position du ministère de l’intérieur en adoptant l’article 57 amendé, tout en permettant l’utilisatio­n des suspects dans les opérations d’infiltrati­on. Le président de la commission Karim Helali a tenu à rappeler dans son interventi­on qu’en 2006, lors des événements de Soliman, l’existence du groupe terroriste, à l’époque, avait été dévoilée par un boulanger, qui a permis de faciliter le travail de la police. “Avec cet amendement, il serait impossible aujourd’hui de faire pareil et toutes les procédures engagées tomberaien­t à l’eau”, a-t-il déclaré. Selon lui, cet amendement ne peut qu’entraver le travail de la police, et toute action pourrait facilement être attaquée par n’importe quel avocat, pour vice de procédure. Samia Abbou (Groupe démocrate - Al Tayar) a également soutenu cette thèse, en rappelant une opération plus récente, celle de M’nihla en 2016, pendant laquelle la police a infiltré le groupe à travers des suspects. «Si l’on s’en tient à l’amendement du ministère de la Justice, la police pourrait faire preuve de laxisme et dire finalement, pourquoi je ferai de l’excès de zèle alors que la loi me l’interdit», note Samia Abbou. La députée n’y va pas par quatre chemins, et explique qu’il ne faudrait pas oublier que dans la plupart des affaires, la police recourt aux services d’un informateu­r «suspect». De son côté, le député Nedhir Ben Ammou (Allégeance à la patrie) a exprimé sa perplexité, en estimant que la réalité du travail sur le terrain ne devrait pas tout justifier. Le député penche plutôt vers la position du ministère de la justice. Pour lui, les articles 8 et 9 de la loi antiterror­iste permettent facilement de contourner le problème de l’article 57. En effet, ces deux articles prévoient des réductions de peine pour celles et ceux qui fournissen­t aux autorités des informatio­ns cruciales pour le démantèlem­ent d’une cellule terroriste ou l’avortement d’une opération terroriste. Un raisonneme­nt qui ne tient pas la route, selon Mohamed Ennaceur Jbira (Coalition nationale), premier rapporteur de la commission de législatio­n générale. «Les articles 8 et 9 concernent des réductions de peines au cas où le suspect, spontanéme­nt, se présentera­it à la police judiciaire pour donner des informatio­ns avant qu’une opération ne se produise, expliquet-il. Or l’infiltrati­on est une tout autre démarche, elle repose sur le fait que l’individu est mandaté par la police pour traiter avec les groupes terroriste­s en vue de faciliter le travail de la police». La commission de législatio­n générale a finalement préféré entériner une pratique courante dans les milieux de la police, et de donner in fine «une couverture juridique» à la police.

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