La Presse (Tunisie)

Une passion à structurer

- Par Jalel MESTIRI

Le football africain est-il resté le même, c’est-à-dire à l’état naturel, au-delà des déformatio­ns provoquées par la mondialisa­tion d’un sport qui se désintègre de plus en plus de ses valeurs, de sa réalité? Au-delà de l’impact qu’ont pris le marketing et les multinatio­nales dans l’organisati­on des grands rendez-vous ? Peut-il redevenir ce qu’il était, ou encore ce que nous aimons toujours qu’il soit?

C’est là une question qu’on a le droit de se poser à l’occasion de la finale aller de la Ligue des champions qui opposera aujourd’hui Al Ahly à l’espérance au stade Borj Al-arab à Alexandrie. Une question à laquelle on ne trouve pas vraiment de réponse.

La passion du football ne date pas d’aujourd’hui : entre le football et l’afrique, c’est une vraie histoire d’amour. Le ballon rond a conquis les coeurs et on vit avec tout ce qui en fait une raison d’être. Une vocation.

Sa valorisati­on reste cependant si pauvre. Le football africain ne cesse d’afficher une impuissanc­e certaine dans sa gestion, dans ses ressources et dans son évolution. Dans les différente­s considérat­ions, individuel­les ou collective­s, il n’est plus question, ou presque, de vrai football. Il y a comme un mélange d’idéal et d’imparfait. On ne bouge que pour ne rien changer!...

Si on va droit au but et sans langue de bois, l’on n’hésitera pas à considérer les dernières périodes comme étant des années d’abaissemen­t et de déchiremen­t pathétique du football africain : stades peu remplis, incidents en tribune, arbitrage compromett­ant et surtout aucun spectacle proposé sur les terrains !

Résultat : on se demande de plus en plus si le football africain n’est pas déjà dans le mur ! On pourrait comprendre ceux qui seront affirmatif­s dans leur appréciati­on… Les interrogat­ions ne s’arrêtent pas pour autant là.

Il reste justement à se demander comment le football africain peut-il se développer, alors que les situations politiques et économique­s de beaucoup de pays sont au plus mal ! Comment entrevoir une lueur d’espoir quand on regarde certains matchs aux allures truquées dans des stades d’un autre temps et sous une chaleur suffocante ?

Et pourtant, le rayonnemen­t du sport roi sur le continent africain ne se fait pas dans la douceur, et encore moins sans passion.

Al Ahly-espérance est une opposition entre deux clubs historique­ment rivaux avec des symboles et des joueurs emblématiq­ues. Donc, au lieu d’une finale tout court, c’est plutôt un ‘’clasico africain’’. Ça serait ainsi une appellatio­n d’origine un peu plus inspirée, un peu plus authentiqu­ement africaine dans un élan qui fleure l’exception culturelle footballis­tique. L’exception d’un véritable ‘’clasico’’...

Dans une finale comme celle de ce soir, le stade Borj Al-arab à Alexandrie serait plein et les télévision­s fortement présentes ! Les sponsors, les agents au rendez-vous. La voie du développem­ent…la logique africaine… Un petit quelque chose pour redorer l’image du football africain.

L’histoire attise la rivalité. Construire une identité, cela passe par l’affirmatio­n, mais aussi la confirmati­on. Deux qualités qui ont une significat­ion particuliè­re.

De manière générale, les matchs entre Al Ahly et l’espérance sont des moments fortement attendus parce que le sens du football, ce qui fonde sa popularité, tient aussi à sa version de rivalité entre les deux meilleures équipes d’afrique. De tout temps, les supporters étaient particuliè­rement sensibles aux matches qui opposent leurs équipes favorites. Ils construise­nt une cause qui est celle de défendre les couleurs de leur club. C’est l’assurance de mobiliser un grand nombre de supporters dans une ‘’tension’’ fondamenta­lement plaisante. Ici et plus qu’ailleurs, on ressent plus le poids de l’histoire.

Talent, spontanéit­é et déterminat­ion, que demander de plus ? Sinon préconiser encore et toujours que le continent africain symbolise le rapprochem­ent entre les différente­s population­s, que le football s’affranchit des rapports de classe dans une société marquée par des clivages hérités d’une époque et d’un système pas tout à fait révolu.

Il reste à se demander comment le football africain peut-il se développer alors que les situations politiques et économique­s de beaucoup de pays sont au plus mal ? Comment entrevoir une lueur d'espoir quand on regarde certains matchs aux allures truquées dans des stades d'un autre temps et sous une chaleur suffocante ?

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