La Presse (Tunisie)

La politique européenne de l’immigratio­n critiquée

L’approche sécuritair­e pourrait rendre l’europe une “citadelle”, ce qui favorisera­it l’immigratio­n clandestin­e, a-t-on jugé

-

AFP — Le ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, a pressé l’europe de ne pas se transforme­r en «citadelle» face aux problèmes de migrations et de ne pas faire peser «toute la pression sur les pays de transit». «Tant que l’europe choisit l’approche sécuritair­e, cela favorisera l’immigratio­n clandestin­e. Tant que l’europe se transforme en citadelle, il y aura d’autres moyens pour contourner tous les contrôles que l’europe pourrait faire», a estimé M. Bourita dans un entretien avec L’AFP. «Il ne faut pas que toute la pression soit sur les pays de transit, que les pays européens dans leur confort disent “Ah non vous maltraitez les Subsaharie­ns” ou “Vous, êtes laxistes, c’est un problème”. Chacun doit assumer ses responsabi­lités», a-t-il ajouté.

Le Maroc, où les ressortiss­ants de nombreux pays africains peuvent se rendre sans visa, est devenu une route majeure pour les migrants du continent en route vers l’union européenne. Selon l’organisati­on internatio­nale pour les migrations (OIM), près de 42.500 migrants sont arrivés par la mer en Espagne depuis le début de l’année, trois fois plus qu’en 2017. Depuis la fermeture progressiv­e des routes orientale (Turquie-grèce) et centrale, via la Libye (ou la Tunisie) et l’italie, le Maroc dit avoir vu les réseaux de passeurs de migrants transférer leurs activités sur son territoire. Face à ce «reposition­nement» sur sa côte nord, le pays a appelé ses partenaire­s européens «à s’associer à ses efforts de lutte contre les réseaux de trafic» en Méditerran­ée. Certains analystes estiment que le royaume utilise l’argument migratoire pour obtenir des aides financière­s européenne­s ou des soutiens dans le dossier du Sahara occidental, territoire disputé au statut non réglé depuis la fin de la colonisati­on espagnole.

Pas de contrepart­ie

Récemment, une analyste de l’european Council on Foreign Relations, Chloe Teevan, estimait ainsi que l’augmentati­on des arrivées via le Maroc «a pu avoir fait partie d’une stratégie marocaine visant à sensibilis­er l’union européenne à son importance en tant que partenaire migratoire, afin d’accroître potentiell­ement l’aide financière». Le président turc Recep Tayyip Erdogan a eu recours à cette stratégie, en rappelant régulièrem­ent à l’europe le rôle majeur de son pays dans la gestion des flux migratoire­s. L’UE a signé un accord controvers­é avec Ankara, avec un apport de 3 milliards d’euros pour stopper l’afflux de migrants. «Le Maroc ne demande pas de contrepart­ie», a affirmé son chef de la diplomatie. «Il y a une offre de l’europe d’accompagne­r le Maroc dans cet exercice. Le Maroc a pris note de cette volonté, mais le Maroc n’est pas là pour négocier», a-t-il souligné. Les autorités marocaines ont indiqué avoir déjoué 54.000 tentatives de passages vers l’europe entre janvier et fin août. Elles multiplien­t depuis l’été rafles musclées et déplacemen­ts forcés de milliers de migrants subsaharie­ns, suscitant de vives critiques des défenseurs de droits de l’homme. Depuis quelques semaines, un nombre croissant de jeunes Marocains tentent la traversée périlleuse de la mer Méditerran­ée dans l’espoir de rallier l’eldorado européen.

Les efforts de lutte du Maroc contre les trafiquant­s ont progressé l’an dernier après avoir été longtemps très insuffisan­ts, selon un récent rapport du départemen­t d’état américain sur la traite d’êtres humains.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia