La Presse (Tunisie)

Nouvelles manifestat­ions au Pakistan après l’acquitteme­nt d’asia Bibi

Une vaste campagne de protestati­ons est attendue aujourd’hui dans tout le pays

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AFP — Le Pakistan demeurait hier en partie paralysé par des manifestat­ions d’islamistes furieux de l’acquitteme­nt de la chrétienne Asia Bibi, qui campaient sur leurs positions malgré l’attitude de fermeté affichée par le Premier ministre Imran Khan. Plusieurs milliers de manifestan­ts bloquaient des artères dans les principale­s grandes villes du pays, contraigna­nt les usagers à passer des heures dans les transports et à chercher des itinéraire­s alternatif­s. Ils protestent pour la deuxième journée consécutiv­e contre le jugement rendu mercredi par la Cour suprême, qui a prononcé l’acquitteme­nt de la chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort en 2010 pour blasphème. Les manifestat­ions doivent se poursuivre aujourd’hui dans tout le pays. «Les sit-ins vont continuer quelles que soient les circonstan­ces», a tweeté Khadim Hussain Rizvi, chef du parti radical Tehreek-e-labaik Pakistan (TLP), connu pour sa ligne particuliè­rement dure en matière de blasphème et dont se réclament la plupart des manifestan­ts. Le TLP avait déjà bloqué l’accès à Islamabad pendant plusieurs semaines en novembre 2017 pour des motifs similaires et obtenu la démission du ministre de la Justice. Ces nouvelles manifestat­ions intervienn­ent alors qu’imran Khan est sur le point d’entreprend­re un voyage de 4 jours en Chine, où il devrait négocier l’octroi d’une aide financière de plusieurs milliards pour le Pakistan. Dans la métropole portuaire de Karachi, plus grande ville du pays, les manifestan­ts campaient dans des dizaines d’endroits différents selon la police locale et les grands centres commerciau­x, marchés et écoles sont demeurés fermés. A Peshawar (ouest), la sécurité a été renforcée dans les lieux de culte chrétiens.

Des affronteme­nts entre policiers et manifestan­ts ont éclaté et plusieurs voitures ont été brûlées dans le district de Sheikhupur­a (Pendjab, centre) dans une atmosphère qualifiée de tendue par un responsabl­e local. Dans la capitale Islamabad, ils étaient environ un millier à bloquer un échangeur routier en périphérie de la ville.

Eléments dangereux

Rien ne suggérait hier que les autorités aient l’intention de les disperser en dépit du ton très ferme adopté la veille par le Premier ministre Imran Khan dans un discours télévisé. «Des négociatio­ns sont en cours à Lahore et à Rawalpindi et je pourrai en dire plus à ce sujet ultérieure­ment», a déclaré le ministre de l’informatio­n Fawad Chaudhry lors d’un point presse. «Tous ceux qui participen­t aux manifestat­ions devraient savoir qu’ils ne peuvent pas défier l’etat (...) Ils ne devraient pas avoir la fausse impression que l’etat est faible», a-t-il cependant mis en garde. M. Khan avait vivement critiqué mercredi les extrémiste­s, s’émouvant en particulie­r d’appels au meurtre des juges de la Cour suprême et à la mutinerie dans l’armée, lancés mercredi par l’un de leurs chefs de file.

Il avait appelé les Pakistanai­s à respecter le jugement et prévenu les manifestan­ts que l’etat ne «tolèrera(it) pas le sabotage» et «prendra(it) ses responsabi­lités» si nécessaire. De nombreux Pakistanai­s ont salué ce ton de fermeté, notant qu’il était rarement employé dans le pays. Le chef du gouverneme­nt a adopté «une ligne dure et sans équivoque contre le fanatisme religieux et la haine que nous n’avions pas vue depuis presque deux décennies», s’est félicité hier un chroniqueu­r du quotidien Dawn, Khurram Husain.

Les différents dirigeants pakistanai­s s’étaient jusqu’ici montrés beaucoup plus conciliant­s avec les islamistes, «ces forces minuscules mais très organisées, des forces de haine qui infectent notre appareil politique», souligne-t-il.

Un tel langage «suggère que l’etat est peut-être finalement en train de changer sa manière de traiter avec ces éléments dangereux et déstabilis­ants», relève le chercheur Michael Kugelman du groupe de réflexion américain Wilson Center sur Twitter.

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