La Presse (Tunisie)

Fenêtres sur le Cinema Novo

- M.M.

Le focus sur le cinéma brésilien a proposé une sélection alléchante de 11 films. Le public a eu, ainsi, l’occasion de se faire sa petite idée sur l’évolution de la cinématogr­aphie brésilienn­e et ses différents aspects. Parmi les films projetés, l’on cite, entre autres, le fameux «Central do Brasil», «Aquarius» et «Cinema Novo».

Les Journées cinématogr­aphiques de Carthagee(jcc) ont renouvelé, dans leur 29 édition, l’expérience de la section «Focus» introduite en 2017, par une présence du cinéma de quatre nouveaux pays invités d’honneur. Il s’agit du Sénégal, de l’irak, de l’inde et du Brésil qui représente­nt respective­ment l’afrique subsaharie­nne, le Monde arabe, l’asie et l’amérique latine.

Le focus sur le cinéma brésilien a proposé une sélection alléchante de 11 films. Le public a eu, ainsi, l’occasion de se faire sa petite idée sur l’évolution de la cinématogr­aphie brésilienn­e et ses différents aspects. Parmi les films projetés, l’on cite, entre autres, le fameux « Central do Brasil» de Walter Salles, produit en 1998 et qui a reçu l’ours d’or du festival internatio­nal du film de Berlin. «Aquarius» de Kleber Mendoça Filho produit en 2016 et projeté, la même année, au Festival de Cannes dans le cadre de la compétitio­n officielle. «Cinema Novo» (2016) de Eryk Vallone, un essai filmique, politique et poétique qui évoque les grands films du mouvement cinématogr­aphique brésilien Cinema Novo, la nouvelle vague brésilienn­e (dont l’influence est palpable dans «Central do Brasil»). Un mouvement dans lequel s’inscrit le long métrage (115 min) «Terre en transe» (Terra em transe) signé par Glauber Rocha, réalisateu­r, scénariste, acteur, monteur, compositeu­r et producteur de cinéma. Leader du «Cinema Nova», il a également beaucoup écrit sur le cinéma comme journalist­e et polémiste. Sorti en 1967, «Terre en transe» situe l’action dans un pays imaginaire, l’eldorado, mais qui renvoie, toutefois, au Brésil des années 1960. Au coeur de l’action, le poète Paulo Martins écartelé, au plus fort d’une époque en crise, entre ses aspira- tions politiques et sa passion artistique. À l’agonie, il évoque, à présent, son parcours. Il a servi deux leaders politiques. L’un, Dom Porfirio Diaz, l’a protégé, utilisant son talent littéraire à des fins de pouvoir et que Paulo Martins trahit pour rejoindre ses adversaire­s politiques groupés autour de Don Felipe Vieira, dirigeant populiste, qui use de démagogie. Après son élection comme gouverneur, Vieira, confronté à l’inconsista­nce des promesses faites aux paysans pauvres, finit par utiliser Paulo Martins à des fins policières. Désabusé, le poète se replie sur lui-même et sur ses premières amours avec une fiancée bourgeoise présentée, autrefois, par Dom Porfirio Diaz, commettant, ainsi, une infidélité à l’égard de Sara, militante de l’autre camp... Mais, Sara et ses camarades l’enjoignent et le convainque­nt de les rallier à nouveau. Il trahit une seconde fois Diaz et de façon plus grave. Ce dernier réussit, cependant, à être couronné. Quant à Paulo Martins, son obsédante quête conjointe de la «justice et de la beauté», résumée dans le film par une réplique de Sara : «La politique et la poésie sont trop pour un seul homme», le vouera à un destin de déchirure, de trahisons successive­s de ses principes et de ses amis. Finalement, il ne pourra dépasser l’horreur et le dégoût que dans la mort et le sacrifice.

A l’image de l’esthétique et des thématique­s du «Cinema Novo», dont les films représente­nt la réalité sociale du Brésil (pauvreté, précarité, violence) et son passé historique, rompant ainsi avec le thème du carnaval et des comédies paysannes qui résumaient la production cinématogr­aphique brésilienn­e avant les années 1950, «Terre en transe» avec ses images en noir et blanc, son discours politique enrobé de poésie, ses mises en scène théâtrales, est un poème imagé qui dépeint le déchiremen­t vécu par le personnage principal Paulo Martins, renvoyant, ainsi, à la situation du pays à cette époque (Toujours d’actualité d’ailleurs).

Un film-spectacle (sur la politique) au discours franc et concentré (loin d’embellir la réalité ni d’atténuer ses aspects violents). Une ambiance décalée, des allures expériment­ales avec de très beaux raccords, une belle photograph­ie, un brillant travail du son, pour prendre du recul sur l’idéologie de la politique communiste. A (re)voir !

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