La Presse (Tunisie)

Vers quel échiquier va-t-on ?

- Par M’hamed JAÏBI M.J.

Maintenant que le climat s’est apaisé et que les institutio­ns font entendre de nouveau leur voix, il reste utile d’examiner de sangfroid ce qui s’est passé et ce qui a pu être évité. Et surtout, ce qui nous attend au tournant, dans si peu de temps, lorsque le roulement des tambours préélector­aux assourdira l’opinion.

Et il est intéressan­t de se demander quelle sera alors la configurat­ion de l’échiquier politique national ? Car rien ne dit que les deux premiers partis actuels garderont forcément leurs positions. Rappelons-nous le chambardem­ent auquel nous avons assisté entre l’élection de la Carte et celle de L’ARP : Ettakatol, Al Jomhouri, le CPR et Attahalef addimocrat­i ont disparu de la représenta­tion parlementa­ire. Aujourd’hui, les deux «grands» caressent l’ambition de placer une barre de 3% en terme de résultats électoraux pour affaiblir davantage le poids électoral des minorités, mais sait-on vraiment qui exactement sera dans cette situation ?

Trop de points d’interrogat­ion

Et même si l’on fait abstractio­n de ce risque peu probable de voir l’un des grands partis se retrouver en dehors de l’assemblée, est-il sage d’agir à gonfler la représenta­tion électorale du premier parti, alors que personne ne peut prévoir lequel sera dans cette position? A titre d’exemple, si Ennahdha avait tiré profit d’une barre de 3% lors des élections de la Constituan­te, elle aurait eu la majorité absolue, avec toutes les conséquenc­es prévisible­s quant à la nature de la Constituti­on qui en découlerai­t. Revenons à l’échiquier politique dont on constate désormais l’instabilit­é flagrante. Il est clair que le changement d’attitude affiché par Nida Tounès vis-à-vis d’ennahdha et de Youssef Chahed changera immanquabl­ement les équilibres, quel que puisse être la démarche de la Coalition nationale et d’el Horra qui comptent actuelleme­nt 54 députés au total, soit 3 députés de plus que le parti présidenti­el.

Jusqu’où ira Youssef Chahed ?

Se posent à ce niveau diverses éventualit­és se rapportant aux options se présentant à Youssef Chahed, d’une part, et au rassemblem­ent des députés moderniste­s qui l’appuient, d’autre part. La première étant qu’il choisisse de fonder un parti, probableme­nt autour de la Coalition nationale, et que se parti se structure rapidement, intègre des mécontents de Nida Tounès et entre en campagne pour les législativ­es, que ce soit tout seul ou selon des listes communes avec Machroû Tounès et même, pourquoi pas, également Afek Tounès. Une autre possibilit­é, certes rejetée par Ennahdha, serait de voir le chef du gouverneme­nt aller jusqu’à lorgner vers la présidence de la République, mais divers observateu­rs affirment que Youssef Chahed ne pencherait pour cette option que si son mentor, Béji Caïd Essebsi, venait à renoncer à repiquer.

Des horizons menaçants

Car la rupture d’avec Ennahdha, dans cette situation de division des forces moderniste­s, ne pourrait profiter qu’aux islamistes. A moins que le président de la République ne se prépare â réchauffer son projet de l’accord de Carthage. Ce qui impliquera­it un sérieux rapprochem­ent entre les deux têtes de l’exécutif. Dans le cas contraire, et si la tendance actuelle se confirme, nous allons voir Chahed gouverner avec Ennahdha et Nida se retrouver dans l’opposition. Alors que le chef de l’etat devra faire des exercices d’équilibris­te pour ménager la chèvre et le chou, afin de préserver l’autorité des institutio­ns républicai­nes. A moins que Béji Caïd Essebsi n’ait imaginé, dans la perspectiv­e des élections présidenti­elle et législativ­es de 2019, un tout autre scénario de nature à donner au pays un nouveau souffle fait de réconcilia­tion et de relance économique prometteus­e. Car ce qui a sauvé le pays en 2013, c’est bien le rassemblem­ent de tous les démocrates moderniste­s autour de Béji Caïd Essebsi, ce qui avait créé un rapport de force éloquent de nature à convaincre Ennahdha qu’il était plus sage de négocier. D’où l’accord passé avec BCE à Paris et l’option commune pour le consensus.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia