Donald Tusk : Trump est opposé à une « Europe forte et unie »
Selon certains analystes, le discours du président du Conseil européen dans la ville de Lodz s’inscrit dans la perspective de la présidentielle de 2020
AFP — Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a durement reproché hier au président américain Donald Trump d’être contre «une Europe unie et forte», dans un discours prononcé à Lodz en Pologne. «Pour la première fois dans l’histoire, nous avons une administration américaine qui n’est pas enthousiaste, et c’est peu dire, à l’égard d’une Europe unie et forte», a dit M. Tusk. «Je parle ici de faits et non de propagande», a ajouté l’ancien Premier ministre polonais, qui s’adressait — au moment où M. Trump se trouve à Paris — à un rassemblement public à la veille du centenaire de l’indépendance polonaise.
Il a reproché au président américain d’avoir, il y a six mois, au sommet du G7 au Canada, «supprimé, pratiquement de sa main, la phrase qui se trouvait toujours dans les déclarations des sept puissances occidentales, selon laquelle nous voulons respecter l’ordre basé sur les principes et les valeurs». Evoquant par ailleurs les prochaines élections au parlement européen, au printemps 2019, il a mis en garde contre l’apparition d’un courant nationaliste hostile à L’UE.
«Dans ce parlement, il n’est pas exclu que deux courants soient représentés, l’un de plus en plus aux couleurs des chemises brunes, anti-européen, qui mise de plus en plus sur le nationalisme et un deuxième courant de ceux qui veulent pousser l’intégration de L’UE autant que possible.»
Il a évoqué la montée «d’émotions anti-européennes» dans plusieurs pays.
«Cela ne concerne pas encore les dirigeants, mais de telles forces montent devant nos yeux. Des forces qui misent plus sur le conflit que sur la coopération, sur la désintégration plutôt que sur l’intégration».
Enfin, M. Tusk, qui a évoqué récemment un «risque mortellement sérieux» d’un Polexit, a critiqué la position des dirigeants polonais actuels vis-àvis de l’europe, sans les dénoncer nommément.
«Ceux qui sont opposés à une présence forte de la Pologne dans l’europe agissent de facto contre notre indépendance», a-t-il dit.
«Bolchéviks contemporains»
Il a qualifié le pouvoir conservateur du parti Droit et Justice (PIS) de Jaroslaw Kaczynski de «bolcheviques contemporains» qui, par leur politique anti-européenne, jouent avec le feu. Si le premier chef de l’etat polonais Jozef Pilsudzki pendant la guerre polono-bolchévique de 1919-20, et Lech Walesa en défiant Moscou en 1980 avec son mouvement Solidarité «ont réussi dans des conditions beaucoup plus difficiles à battre les bolcheviques, pourquoi ne réussiriez-vous pas à battre les bolcheviques contemporains?», a-t-il déclaré. Ces encouragements interviennent à quelques mois des européennes et à un an de législatives en Pologne, alors que le parti conservateur au pouvoir domine dans les sondages.
Pour la Pologne «Jozef Pilsudski était notre héros, père de notre indépendance. Et Lech Walesa était notre héros, et père de notre liberté», ce qu’«aucune propagande» ne saurait changer, a aussi affirmé M. Tusk.
Il a riposté ainsi aux accusations du parti au pouvoir pour lequel l’ancien président et chef historique de Solidarité aurait été agent communiste. «Défendez la liberté, défendez l’indépendance de la Pologne», a-t-il lancé aux participants de ce forum organisé à Lodz, ville où les libéraux ont remporté haut la main les dernières élections locales.
Présents en force, les membres de la Plateforme civique (PO, centriste) dont Tusk est issu, le voient comme candidat idéal à la prochaine élection présidentielle en 2020.
Selon certains analystes, son discours à Lodz s’inscrit parfaitement dans cette perspective.