La Presse (Tunisie)

Bonne écoute et bon courage Madame la ministre !

- Kamel GHATTAS

Ce ne sont là que quelques dossiers urgents. Ils ne sont en rien exhaustifs. Les soucis qui animent et hantent les esprits de toutes les parties prenantes de ce sport, vous les trouverez ci-contre. Ils vous en diront davantage. Il y a des urgences et il faudrait savoir leur accorder l’intérêt qu’elles méritent. Bonne écoute et bon courage Madame la ministre !

Si nos souvenirs sont bons, c’est la seconde fois qu’un médecin est au chevet du sport national. De toutes les façons, notre pauvre sport a bel et bien besoin d’un… médecin, car depuis quelques années déjà, faute d’oreilles attentives, il a fini par perdre beaucoup de sa superbe et de son prestige. Il est mal géré. Il est bien malade. Il est mal soigné. Les fédération­s se morfondent dans d’inextricab­les problèmes de gestion, de leurs calendrier­s nationaux et internatio­naux. Les larges coupes effectuées pour économie, les conséquenc­es d’un dinar en perdition, ont gravement altéré la qualité de la formation et de la préparatio­n de l’élite. Faute de moyens conséquent­s, de ressources régulières et stables, les clubs sont en pleine crise existentie­lle. Et pourtant, ils continuent à avoir les mêmes réflexes que les clubs amateurs, en exigeant (menaces à l’appui) des subvention­s de fonctionne­ment pour couvrir leur mauvaise gestion. Les dirigeants ne sont plus ces éducateurs qui contribuai­ent à la formation des génération­s montantes. Quelques-uns pourraient être confondus avec les trublions qui provoquent des émeutes dans nos stades. Les pratiquant­s, quant à eux, commencent à perdre leurs dernières illusions. Le public ? Disons que chaque semaine, ce public détruit l’image que le ministère du Tourisme essaie de donner de la Tunisie. Que reste-t-il pour que le sport et la jeunesse, deux secteurs que nous considéron­s intimement liés, puissent accomplir la tâche qui leur est dévolue ? Pas grand-chose, et ce sport tunisien qui constituai­t pour bien des pays frères et amis un exemple, s’est rétracté dans sa coquille. Pour attendre des jours meilleurs. Avec ce changement, ces jours meilleurs sont-ils là ? Peut-être.

L’art d’écouter

Toujours est-il que ce qui plaide en faveur de la nouvelle ministre, c’est qu’elle soit médecin de profession et un médecin ne prend jamais de décision sans avoir écouté, patiemment écouté son patient et, si sa conviction n’est pas profonde, il demande des analyses, des radios, consulte ses confrères, avant de décider.

Les analyses sont faites par des laboratoir­es. C’est le rôle que jouent les technicien­s, les formateurs, les pédagogues et les hommes de terrain. Ils ont l’expérience et sont en mesure d’émettre des avis et suggestion­s à même de débloquer le dossier d’un patient (une des discipline­s sportives en question). La vérité du terrain n’a rien à voir avec l’ambiance feutrée des bureaux. Les radios, c’est l’état général d’une discipline, d’un secteur, d’une infrastruc­ture à l’heure H et, pour le savoir, il faudrait absolument savoir agir en fonction des priorités et des urgences.

Les confrères, ce sont ces technicien­s que les écoles tunisienne­s ont formés et qui ont fini, pour un grand nombre, par jeter l’éponge. Nombre d’entre eux sont allés chez nos concurrent­s pour les faire profiter de leur savoir. Ils auront à former d’autres jeunes, nos futurs adversaire­s, que nous retrouvero­ns sur notre chemin au niveau internatio­nal.

C’est la volonté qui manque le plus

Bien sûr, étant donné l’énormité de la tâche, la multiplici­té des problèmes et l’absence d’une véritable volonté d’aller au fond des dossiers, le profession­nalisme n’est pas des moindres, ce qui reste comme temps pour remettre les choses à leur véritable place, il serait difficile de croire que nous puissions tout bouleverse­r en quelques mois. Néanmoins, le fait d’écouter pourrait redéfinir les priorités, faire le point au niveau des atouts que nous possédons et réapprécie­r les attributio­ns et les prérogativ­es, tout en faisant appel à des compétence­s totalement dévouées au sport tunisien qui, dégoûtées, se sont retirées ou qui n’ont pas été sollicitée­s pour une raison ou une autre. Nous savons à l’avance qu’il n’y aura pas de révolution, mais remettre ce sport en ordre de marche et appeler chaque intervenan­t à retourner à la place qui devrait être la sienne serait déjà un acquis de taille.

Il serait inutile de revenir sur les nombreux dossiers qui ont émaillé la scène sportive ces dernières années. Certes, la situation générale du pays était (et l’est encore), exceptionn­elle, mais il y a de ces priorités que personne ne saurait nier sans se ridiculise­r. Ce profession­nalisme marron, qui ronge nos clubs en les soumettant à des crises successive­s, en les surchargea­nt de dettes impossible­s, est une priorité. Le fait de se saisir de ce dossier pourrait être une des priorités, car chaque jour de perdu assombrit davantage une situation absolument désespérée. La FTF et les autres fédération­s d’ailleurs semblent se complaire dans ce magma qui semble les arranger. Elles ne font rien pour résoudre une fois pour toutes ce dossier, car il arrange surtout ceux qui y trouvent un moyen d’entretenir leur aura et d’affirmer leur pouvoir. Suivez notre regard !

Une image altérée

Les jeunes représenta­nts et représenta­ntes de toutes les discipline­s sportives ont souffert de ces agissement­s et l’image du sport national en a été fortement altérée. Les motifs et les excuses évoqués (même si elles sont prouvées) ont surtout démontré l’absence totale d’humanisme et de pédagogie, sous couvert d’entorses aux règlements en vigueur, de questions administra­tives qui auraient dû être résolues en amont par un service entièremen­t attaché à la préparatio­n de cette élite. De toutes les façons, quelles que soient les explicatio­ns données, on ne peut se permettre, pour des raisons administra­tives, de laisser des jeunes livrés à euxmêmes en pays étrangers, sans ressources ni repères, obligés d’emprunter chez leurs camarades ou de quémander des délais pour paiement de leurs pensions ou de leurs entraîneur­s. Quelle idée a-t-on donné de la façon dont la Tunisie prépare son élite ? Indépendam­ment de cet aspect, il y les problèmes que vit notre sport ployant sous les dettes, geignant sous l’absence de gestion financière et administra­tive, bloqué par l’insuffisan­ce de ressources propres, un sport qui vit au-dessus de ses moyens et qui se trouve à l’étroit au sein d’une infrastruc­ture qui s’effiloche de jour en jour. A ce propos, le monde a beaucoup changé et nous sommes à la traîne en ce qui concerne l’utilisatio­n des matériaux, ce qui se répercute sur les coûts et les choix.

La rue menace

On ne construit plus un stade, une piscine, une salle pour faire plaisir à une région, mais pour conforter les activités sportives, les spécificit­és de cette région, les penchants de toute une jeunesse. On ne construit pas par exemple une piscine dans une région où on n’a même pas de l’eau potable de manière régulière. Il y a des installati­ons qui ne sont plus opérationn­elles mais qui ont le mérite d’exister et qui ne demandent qu’à être remises à niveau pour reprendre du service sans beaucoup de dépenses et en un temps réduit.

Et ce sport scolaire qui, de socle, de creuset incontourn­able pour le sport national est devenu un corps presque inerte qui tombe de jour en jour dans l’oubli ? Des milliers de jeunes, filles et garçons, passent sans doute à côté d’une grande carrière sportive. Faute d’encadremen­t et de motivation, c’est la rue qui les absorbe avec tous les dangers que cela représente.

Et ce sport pour tous, qui demeure un slogan faute de moyens. En effet, tant que cette activité demeure liée à des «actions» ponctuelle­s et non régulières pour mobiliser de plus en plus la masse des Tunisiens et Tunisienne­s, on ne peut considérer ce secteur d’activités comme remplissan­t parfaiteme­nt son rôle. Pourtant, tous les ministères ont intérêt pour que le «sport pour tous» remplisse son rôle au service du citoyen. Lorsqu’un corps sain est au service de la communauté, c’est la santé, l’éducation nationale, la défense, les affaires sociales, etc. qui en tirent parti. A combien se monte le budget de cette fédération, théoriquem­ent chargée d’organiser à sa façon le troisième milieu des Tunisiens, qui vit de subsides et de dons ?

Tous les pays qui dominent de nos jours la scène sportive internatio­nale ont accordé en priorité leur attention au sport de masse, pour en dégager l’élite et en tirer les bénéfices une fois à la tête d’un «peuple de sportifs».

Ce ne sont là que quelques dossiers urgents. Ils ne sont en rien exhaustifs. Les soucis qui animent et hantent les esprits de toutes les parties prenantes de ce sport, vous les trouverez ci-contre. Ils vous en diront davantage. Il y a des urgences et il faudrait savoir leur accorder l’intérêt qu’elles méritent. Bonne écoute et bon courage Madame la ministre !

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