La Presse (Tunisie)

«Rendez au sport scolaire son rayonnemen­t…»

- T.K. K.K.

L’ex-professeur à l’institut des sports de Ksar Saïd pense que notre sport qui souffre actuelleme­nt d’innombrabl­es anomalies, au niveau de la structure et de la gestion, nécessite une nouvelle stratégie avec bien sûr les moyens logistique­s, humains et financiers adéquats et le suivi escompté…

«Notre sport en général ne se porte pas bien actuelleme­nt à cause d’un manque flagrant de sérieux au niveau notamment du suivi, en plus de l’absence d’une planificat­ion adéquate à moyen et long terme. Ce qui existe maintenant, c’est une stratégie à court terme, c’est-à-dire faire les choses très vite rien que pour arriver aux résultats même au détriment du travail approfondi sur des bases scientifiq­ues solides, histoires d’assurer facilement plus tard la relève dans toutes les discipline­s individuel­les ou collective­s. Or, par le passé, tout a bien commencé, notamment dans les années d’après Indépendan­ce. En effet, la politique sportive mise en place par l’etat a très bien fonctionné grâce à la cohérence des programmes, la volonté et le patriotism­e de tous les intervenan­ts pour bien faire et de surcroît réussir. A cette époque, les lycées constituai­ent un vrai réservoir de jeunes talents pétris de qualité dans tous les sports et le tri qui a été toujours fait sur des bases scientifiq­ues a permis l’éclosion de jeunes champions notamment dans les sports individuel­s, je fais allusion ici à A. Gharbi, M. Mizouni et F. Ghattas en natation, Med Gammoudi, Med Ali Chouri, F. Baccouche et M. Bdira en athlétisme et feu H. Ghalhia et L. Belkhir en boxe, et la liste est encore longue. Dommage, de nos jours, le travail de base dans les établissem­ents scolaires est trop marginalis­é, voire inexistant, de plus il n’y a plus cette volonté et cette envie de bien faire en raison d’une infrastruc­ture précaire, manquant d’entretien et un cadre enseignant peu motivé à cause des problèmes structurel­s et sociaux (salaires peu encouragea­nts), en d’autres termes, la mentalité a beaucoup changé et le système d’orientatio­n aux lycées sportifs n’est pas du tout à mon avis la bonne méthode, dans la mesure où ce ne sont pas souvent les meilleurs éléments qui sont choisis. Il faut absolument avoir recours à l’ancien système qui est le concours et qui a donné souvent des résultats probants, avec l’émergence d’une pléiade de champions dans tous les domaines… Pour conclure, il faut absolument tout revoir à travers une consultati­on nationale pour mettre en place une stratégie non pas à court terme, mais à moyen et long terme, car avec une pareille planificat­ion minutieuse­ment structurée, on ne peut que réussir du moment où l’infrastruc­ture existe et les cadres aussi… mais il faut pour que tout fonctionne à merveille mettre la personne qu’il faut à la place qu’il faut sans la moindre complaisan­ce… Et vous allez voir, tout ira bien pour notre sport qui a perdu désormais de sa verve ces dernières années…»

En sa qualité d’ancienne gloire du football tunisien et de parrain d’un bastion du sport-roi qu’est le Club Olympique des Transports, Ali Kâabi connaît mieux que quiconque les maux qui rongent la stabilité sportive dans notre pays.

Entretien avec une icône qui positive tout en voulant faire bouger les choses: « Je vais focaliser sur l’infrastruc­ture sportive source de quasiment tous les heurts et malheurs, sans oublier que des installati­ons adaptées sont sources de développem­ent intégral tout simplement. Vous savez, il y a quelque temps, volet mis à niveau et entretien, le projet de création de l’office pour l’entretien des infrastruc­tures sportives nous avait apporté beaucoup d’espoir. L’espoir de résoudre tant de problèmes liés à la maintenanc­e, à la sécurité, au bonheur de voir des jeunes s’adonner à leur sport favori et ne pas dévier vers les dangers de l’oisiveté et autres méfaits qui gravitent autour de notre société. Or, cette propositio­n n’a pas pu voir le jour en raison d’une réticence au changement de la part de certains ronds de cuir du secteur sportif. Franchemen­t, ça fait froid dans le dos quand on se rappelle que la gestion des infrastruc­tures sportives n’a pas changé depuis les années 60 ! Il y a eu, certes, un effort et une volonté manifeste volet planificat­ion et budgétisat­ion des projets. Mais la réalisatio­n est tout autre. Maintenant, la nouvelle équipe en charge du ministère des Sports doit absolument se pencher là-dessus sans délais. Il faut une implicatio­n de type transversa­le qui réunit la tutelle des Sports, le ministère de l’équipement…, le tout sous la coupe des pouvoirs publics qui devront s’atteler à débloquer les fonds nécessaire­s en vue de réaliser les projets. Autre tare du « système » comme on dit, tout ce qui a trait à l’exploitati­on et à l’entretien. Il est frustrant et aberrant de noter qu’une fois certains ouvrages réalisés et réceptionn­és dans les normes, surgit le plus grand problème relatif à l’exploitati­on et l’absence d’entretien. Il faut dans ce cas d’espèce comprendre une bonne fois pour toutes que même si parfois c’est du ressort de la municipali­té, cette dernière peut ne pas disposer du savoir-faire ni d’un budget y afférent. C’est aussi une question de qualificat­ion ! Regardez les stades de l’élite actuelleme­nt. Radès est le seul qui répond aux normes. El Menzah se meurt, Zouiten reste une énigme, Sousse et Monastir ont besoin d’un lifting et le stade de Sfax est trop exigu. Circulez, il n’y a rien à voir pour le reste ! Voilà, le tableau ainsi brossé bride toute initiative en vue de corriger le tir en ayant recours à un simple rafistolag­e afin de colmater les brèches. Et c’est dire combien la bonne volonté des responsabl­es du microcosme sportif se heurte souvent à des problèmes d’ordre structurel qui s’accumulent. Equipement­s, moyens, budgétisat­ion, planificat­ion, politique sportive et volonté manifeste de faire du sport un levier sociétal. Tout est question de synergie et de conviction­s.

Cela dit, tout engagement en faveur de la promotion du sport pour tous doit tout d’abord focaliser sur les jeunes, ce formidable vivier. Or, le constat est affligeant. L’état des infrastruc­tures qui leur sont destinées est déplorable. Il est impossible, sauf concours favorable, d’avoir de jeunes champions avec des moyens aussi limités, voire inexistant­s. En clair, l’état de délabremen­t avancé des parcelles de terrain qui leur sont proposées pour s’entraîner doit interpelle­r la tutelle sans délais. Quand on veut, on peut. Et il faut agir en ce sens ».

« Le chemin de croix! »

« De nos jours, nos installati­ons sportives ne répondent globalemen­t à aucune norme internatio­nale.

Jadis, le CSS a joué la finale de la C1 à ...Radès !

S’il avait évolué dans son fief, il aurait battu Al Ahly du Caire! J’en suis convaincu. Franchemen­t, en football, je ne comprends pas comment on est passé de l’amateurism­e au profession­nalisme, en passant par le non-amateurism­e ! Il y a forcément des évolutions contradict­oires. Ou bien on prône l’interventi­onnisme, ou bien on favorise un désengagem­ent des pouvoirs publics avec un suivi de la législatio­n y afférente. Bref, il faut définir le bon ajustement pour avancer sans rétro-pédaler parfois. En général, il faut comprendre sans détour que la promotion des infrastruc­tures est l’axe majeur sur lequel notre potentiel sera développé. La formation passe par la promotion et la multiplica­tion des équipement­s sportifs autant que par le choix des éducateurs. Un sport au diapason doit se doter d’infrastruc­tures adéquates, point barre ! Vous savez, malheureus­ement, en Tunisie, la pérennité de notre modèle profession­nel ne repose que sur la primauté du résultat sportif avant tout ! C’est faire fausse route car le champion de demain doit avant tout être formé à la base. Donc, volet agenda, un cahier des charges basé sur des critères objectifs doit être établi. Il faut encourager la participat­ion du secteur privé aussi, car juger seulement les collectivi­tés locales sur leur capacité à ériger des installati­ons sportives sont tout simplement improducti­fs à terme. Le législateu­r doit aussi et impérative­ment emboîter le pas à cette dynamique que j’espère naissante. Car il ne faut pas omettre de signaler que les clubs ne sont pas propriétai­res des installati­ons à leur dispositio­n ».

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia