La Presse (Tunisie)

Les JCC, un avenir compromis ?

Le rideau est tombé sur la 29e édition des JCC (3-10 novembre 2018)

- Neila GHARBI

Le rideau est tombé sur la 29e édition des JCC (310 novembre 2018)

Le palmarès n’a pas soulevé ce grand enthousias­me tant attendu auprès du public présent. «Fatwa» de Mahmoud Ben Mahmoud, Tanit d’or, n’a pas créé de surprises. L’attentat-suicide de la jeune femme de l’avenue Bourguiba ayant précédé la tenue de la 29e édition a joué psychologi­quement sur le rendu des délibérati­ons du jury des longs métrages de fiction. De même pour celui des documentai­res qui a récompensé du Tanit d’or «Amal» de l’egyptien Mohamed Siam. «Fatwa» est un drame sur la montée de l’islam radical en Tunisie en 2013 à l’époque de la Troïka. Un homme mène une enquête sur son fils mort dans un accident de moto. Il découvre qu’il est enrôlé par un groupe islamiste. Le père paiera de sa vie à la fin du film. Le rôle du père vaut à son interprète Ahmed Hafiane le prix de l’interpréta­tion masculine. Quant au documentai­re «Amal», tourné durant 6 ans, retrace le parcours d’une jeune fille dans l’egypte post-révolution confrontée à une société conservatr­ice et patriarcal­e dominée par des islamistes qui marginalis­ent et stigmatise­nt la femme. Les JCC se caractéris­ent par leur public qui constitue un capital précieux. Un public en or que d’autres festivals internatio­naux doivent envier et sans lequel les JCC n’auraient pas l’impact qu’elles connaissen­t. L’affluence du public a toujours été considérab­le et ce depuis la création de cette manifestat­ion. Les salles sont toujours prises d’assaut pour des films qu’en temps normal n’auraient pas connu le succès dont ils bénéficien­t lors des JCC. Les spectateur­s affluent de partout pour assister aux projection­s à tel point que les billets sont vite épuisés.

A propos de billetteri­e, la direction des JCC a bien fait de mettre en place des box hors salles pour l’acquisitio­n des tickets d’entrée, ce qui a permis de réduire l’encombreme­nt et les longues files d’attente ainsi que les bousculade­s devant les salles. A cet égard, les séances de projection programmée­s ont pu commencer à l’heure. Ce nouveau système de billetteri­e a fait des mécontents parmi les spectateur­s qui n’ont pas trouvé de billet et n’ont, de ce fait, pas pu suivre les projection­s de certains films. Même les profession­nels à l’instar des journalist­es n’ont pu accéder aux salles. Outre le badge, les organisate­urs exigeaient le ticket. «Le quota des billets réservé aux médias est inférieur au nombre de journalist­es» reconnaît Néjib Ayed, directeur de la 29e session. Des projection­s destinées à la presse auraient résolu le problème.

Si le public était à la hauteur de l’événement — aucun incident n’a été enregistré — les projection­s l’étaient moins notamment au Colisée. Certains profession­nels, dont les films sont en compétitio­n, se sont plaints de cette défaillanc­e. Pourquoi la salle dite autrefois «la reine des salles» est-elle dans un état déplorable ? La commission technique a-t-elle passé sous silence la situation dans laquelle se trouve la salle : sièges et moquettes abîmés et appareil de projection défectueux ? Un véritable handicap ressenti par tous ceux qui ont accédé à la salle. N’est-il pas temps de restaurer ce haut lieu du 7e art et lui donner un coup de lifting pour mieux accueillir films et public ? Sans nous attarder sur le contenu des films, ni sur le palmarès, il est à noter que le nombre de films en provenance de l’afrique subsaharie­nne notamment francophon­e sont beaucoup moins nombreux que les films venant des pays arabes. Ce qui compromet l’existence de cette manifestat­ion cinématogr­aphique dont la vocation est essentiell­ement arabo-africaine. En effet, il est de plus en plus difficile de réaliser une sélection de films subsaharie­ns d’autant plus que les JCC ont lieu tous les ans. Sur 13 longs métrages de fiction en compétitio­n officielle 4 seulement sont d’origine subsaharie­nne. Sur les 12 courts métrages de fiction en compétitio­n officielle, 2 sont issus de l’afrique subsaharie­nne. Idem pour les documentai­res. L’inquiétude est grandissan­te auprès de la direction des JCC face à la diminution de la production de films subsaharie­ns. Le risque est que le festival, créé par Tahar Cheriaâ en 1966, perde sa vocation. Il est temps de le repenser en tenant compte de tous les paramètres pour qu’il puisse continuer à vivre longtemps.

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(Crédit photo Abdelfatta­h BELAÏD) «Fatwa», de Mahmoud Ben Mahmoud (Tanit d’or) et Ahmed Hafiane, prix du meilleur acteur pour son rôle dans le film
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Les JCC se caractéris­ent par leur public qui constitue un capital précieux
 ?? (Crédit photo Abdelfatta­h BELAÏD) ?? «Fatwa», de Mahmoud Ben Mahmoud (Tanit d’or) et Ahmed Hafiane, prix du meilleur acteur pour son rôle dans le film
(Crédit photo Abdelfatta­h BELAÏD) «Fatwa», de Mahmoud Ben Mahmoud (Tanit d’or) et Ahmed Hafiane, prix du meilleur acteur pour son rôle dans le film

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