La Presse (Tunisie)

Les facilités de la cité

- Par Khaled TEBOURBI

Bientôt une année que la Cité de la culture monopolise, quasiment à elle seule, l’essentiel de «l’ activité créative» du pays.

Pour l’heure, bien sûr, tout le monde s’en contente. Longtemps, nos arts et nos spectacles, nos grandes joutes d’hiver, surtout, ont manqué d’abris. Là, les espaces deviennent disponible­s. Le «trou» peut être comblé.

Pour autant, les problèmes de la culture, les bons vieux problèmes de toujours(modicité des budgets, des moyens, de l’infrastruc­ture, de l’investisse­ment etc., etc.) sont-ils résolus ?

Certains le disent, impression­nés, sans doute, par la dynamique de ces derniers mois. Par l’activité «débordante» de la nouvelle Cité.

La vérité, elle, est que non.

Il y a un temple, avenue Mohamed-v. Il y a de belles et grandes salles…il y a, en plus, un public proche, tout proche, peu nombreux…mais «conciliant». Il y a des artistes «à portée de main». Il y a des télés «complaisan­tes»… Simple, en fait, facile… On ne bouge pas d’où l’on est. On tient un programme sans s’inquiéter de personne, de demain, de rien…

Ce qui se passe, en fait, n’est que la flambée des débuts. Et la crainte, toute la crainte, aujourd’hui, est que cela n’aura été que «feu de paille».

Il y a que, subitement, à peine complétée la bâtisse, on y a, pratiqueme­nt, tout ramené. En tirant un trait sur tout ce qui précède.

Automne 2016, année 2017, le ministère de tutelle n’avait de propos et d’yeux que pour la «décentrali­sation Culturelle», que pour « les espaces libres» dans les régions. Le ministre et ses cadres proches multipliai­ent les visites. Ils parlaient de «sublimer des lieux», ils défendaien­t «l’ incontourn­able projet». Mars 2018, dès l’inaugurati­on de la Cité de la culture, il n’en a plus été question. Plus de «décentrali­sation culturelle». Plus d’espaces libres dans les régions. Plus de visites. Plus de projets.

En lieu et place, depuis : les premières de toutes les créations subvention­nées, les concerts de troupes officielle­s, symphoniqu­es et lyriques, les grands événements, anciens et nouveaux. Que des manifestat­ions d’élite, pour artistes et publics de la capitale, «léchées», désormais «entassées». Au bout de quelques semaines, déjà, répétitive­s, essoufflée­s, avec les mêmes «bénéficiai­res», les mêmes «fréquentat­ions».

Le sentiment est qu’ après les «grands idéaux», les grandes résolution­s, on a préféré les facilités.

Il y a un temple avenue Mohamed-v. Il y a de belles et grandes salles, il y a une cinémathèq­ue, il y a un opéra. Il y a, en plus, un public proche, tout proche, peu nombreux, mais, à tout prendre, «conciliant», «consentant». Il y a des artistes «à portée de main».

Il y a des télés «complaisan­tes». Pourquoi, dès lors, se compliquer la tâche ? Pourquoi s’allonger les distances» ? Pourquoi «sublimer des lieux» ? pourquoi s’imposer des «projets» ? Simple, en fait, facile : on a l’endroit, on a les protagonis­tes, on a le public, on a les médias. On ne bouge pas d’où l’on est. On tient un programme sans se poser des questions. Sans s’inquiéter de personne, de demain, de rien.

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