La Presse (Tunisie)

Dialoguer encore et toujours

- Par Amel ZAÏBI

BON gré, mal gré, la grève générale de la fonction publique a bien lieu aujourd’hui. 760.000 agents sont concernés par ce débrayage qui ne va pas manquer de peser de tout son poids, directemen­t et indirectem­ent, sur l’économie nationale et sur l’ambiance de tension générale. La bombe médiatique lancée par le comité de défense des martyrs Belaïd et Brahmi n’a pas fini de chauffer les esprits et de remuer les vagues de la contestati­on.

On aurait souhaité que le gouverneme­nt et l’ugtt trouvent un terrain d’entente au sujet des négociatio­ns concernant l’améliorati­on des salaires des employés de la fonction publique. Mais l’échec était presque attendu, sauf miracle. Les deux parties étant retranchée­s dans leurs contrainte­s et leurs exigences. D’un côté, l’érosion du pouvoir d’achat, qui a atteint un niveau de dégradatio­n tel que la centrale syndicale des travailleu­rs est acculée à brandir la carte de l’intransige­ance, et de l’autre, le manque ou l’absence de marge de manoeuvre pour le gouverneme­nt pris dans l’étau de la dette publique auprès du FMI, qui exige non seulement la maîtrise de la masse salariale, la plus élevée dans le monde, semble-t-il, mais encore sa réduction à l’horizon 2020.

Pourquoi le nier ou en avoir honte ? Nous sommes en effet redevables au FMI, nous l’avons sollicité pour combler nos déficits budgétaire­s, et le FMI, à son tour, veut s’assurer du retour de ses prêts. Il n’y a rien d’illégal ou d’anormal. Nous ne sommes, d’ailleurs, ni les premiers ni les derniers à faire appel au FMI et aux autres instances financière­s internatio­nales. Toutefois, il nous revient, à nous Tunisiens, de veiller sur notre capital solvabilit­é et crédibilit­é auprès des instances étrangères et dans le concert des nations. Car notre pays est endetté jusqu’au cou et nous en sommes tous responsabl­es, gouverneme­nt, syndicats, partis politiques, société civile et citoyens.

La sortie de la spirale de l’endettemen­t n’est pas impossible, d’autres pays, avant nous, l’ont réussie. Mais que faisons-nous pour cela ? Que produisons-nous ? Combien travaillon­s-nous ? Comment traitons-nous les plus méritants ? C’est en créant de la richesse nationale qu’il sera possible de réduire notre dépendance des créanciers étrangers. C’est là, certes, une évidence, mais elle ne semble pas si « évidente » pour tous. On n’a pas vu des marches nationales de protestati­on contre le manque de productivi­té, contre la prise en otage de la seule source minière tunisienne — le phosphate —, contre la proliférat­ion de la contreband­e et de la spéculatio­n, etc. Bien sûr, il faut combattre le chômage, la précarité et la marginalis­ation et ce combat doit être mené par tous les moyens dont le travail, le labeur et le rendement pour créer de la richesse et de nouveaux emplois. Les augmentati­ons salariales ne peuvent pas à elles seules résoudre tous les problèmes, y compris la disparitio­n de la classe moyenne. La centrale syndicale et le gouverneme­nt ont la responsabi­lité et le devoir de composer ensemble pour trouver les solutions qui s’imposent, des solutions durables et globales, qui rompent avec le rafistolag­e.

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