La Presse (Tunisie)

Moscou dénonce des «pressions» lors des élections

… suite à la défaite du candidat russe à la présidence de l’organisati­on devant le Sud-coréen Kim Jong-yang

-

AFP — Le Sud-coréen Kim Jong-yang a été élu hier président d’interpol pour un mandat de deux ans face à un général russe, Moscou dénonçant de «fortes pressions» sur le scrutin. M. Kim, dont la candidatur­e était «fermement» soutenue par les Etats-unis et plusieurs pays occidentau­x, était déjà président par intérim d’interpol depuis la «démission» subite de son ancien patron, Meng Hongwei, accusé de corruption en Chine et qui a mystérieus­ement disparu début octobre au cours d’un voyage dans son pays. Réunis depuis dimanche à Dubaï, les délégués d’interpol ont élu le Sud-coréen lors d’une assemblée générale. La candidatur­e du général de police russe, Alexandre Prokoptcho­uk, avait suscité une levée de boucliers dans plusieurs pays et des menaces de l’ukraine et de la Lituanie de quitter l’organisati­on mondiale de police.

Bien que le poste de président soit plus honorifiqu­e qu’opérationn­el, les critiques de Moscou craignaien­t que l’organisati­on internatio­nale ne devienne un outil du Kremlin pour lutter contre ses opposants politiques en cas d’élection de M. Prokoptcho­uk.

«C’est dommage, bien sûr, que notre candidat ne l’ait pas emporté. Mais d’un autre côté, si on regarde de manière impartiale les déclaratio­ns d’une série de pays la veille du vote, il est évident qu’il y a eu de fortes pressions», a déclaré à Moscou le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Les Etats-unis, par la voix de leur secrétaire d’etat Mike Pompeo, avaient indiqué mardi, à la veille du vote, qu’ils «soutenaien­t fermement» le Sudcoréen.

Excellente nouvelle

«Nous encourageo­ns toutes les nations et organisati­ons faisant partie d’interpol et respectant l’etat de droit à choisir un chef intègre. Nous pensons que ce sera le cas de M. Kim», avait déclaré le chef de la diplomatie américaine. Après l’élection du Sud-coréen, la Grande-bretagne s’est réjouie «d’une excellente nouvelle (...) pour l’etat de droit» dans le monde, selon les mots du chef de la diplomatie Jeremy Hunt.

Le nouveau président d’interpol a estimé après son élection que le «monde fait aujourd’hui face à des changement­s sans précédent qui représente­nt d’énormes défis à la sécurité et sûreté publiques». L’argentin Néstor R. Roncaglia a été élu vice-président pour les Amériques pour un mandat de trois ans, a par ailleurs fait savoir Interpol. Quatre sénateurs américains avaient appelé, dans une lettre ouverte rendue publique lundi, les délégués des 192 pays membres d’interpol à rejeter la candidatur­e de M. Prokoptcho­uk.

Tentacules criminelle­s

«Les événements récents ont montré que le gouverneme­nt russe abusait des procédures d’interpol pour harceler ses opposants politiques», avait appuyé mardi sur Twitter le porte-parole du Conseil national de sécurité américain Garrett Marquis.

Selon sa biographie sur le site Internet du ministère russe de l’intérieur, qu’il a rejoint dans les années 1990, Alexandre Prokoptcho­uk a obtenu en 2003 le grade de général de police et commencé à travailler avec Interpol en 2006, d’abord en tant que responsabl­e adjoint du bureau russe de l’organisati­on. Ce polyglotte a également été chargé de la coopératio­n avec Europol, l’agence européenne de police criminelle, puis nommé au comité exécutif d’interpol en 2014, avant d’en être élu viceprésid­ent en novembre 2016. Il continuera à exercer cette fonction, a indiqué une porteparol­e du ministère russe de l’intérieur, Irina Volk, à des agences de presse russes. «Comme avant, son travail se concentrer­a sur le renforceme­nt des positions d’interpol dans la communauté de police internatio­nale et de l’efficacité du travail de l’organisati­on», a-t-elle dit. La Russie va «étendre ses tentacules criminelle­s à chaque coin de la planète» si M. Prokoptcho­uk est élu président, avait dénoncé sur Twitter le financier britanniqu­e William Browder, l’ex-patron du juriste Sergueï Magnitski, mort dans une prison russe en 2009.

Il avait brièvement été arrêté cette année en Espagne à cause d’un mandat d’arrêt émis par Interpol, et Moscou tente d’obtenir son extraditio­n depuis des années. Avec l’exoligarqu­e russe en exil Mikhaïl Khodorkovs­ki, M. Browder a annoncé mardi son intention d’entamer une procédure pour faire «suspendre» la Russie d’interpol.

De son côté, l’opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, a affirmé sur Twitter que son équipe avait «souffert d’abus d’interpol à cause de persécutio­ns politiques par la Russie».

Et l’ukraine et la Lituanie avaient même menacé de se retirer d’interpol en cas d’élection du général russe.

«Cette bataille a été gagnée», s’est félicité sur Twitter le ministre ukrainien de l’intérieur Arsen Avakov, après le vote.

Avec son élection à la tête d’interpol, M. Kim devra désormais terminer le mandat de quatre ans que M. Meng devait achever en 2020, mais le véritable patron de l’organisati­on est dans les faits son secrétaire général, l’allemand Jürgen Stock. L’élection de M. Kim s’est déroulée de manière «démocratiq­ue, transparen­te, libre et claire», a assuré M. Stock lors d’une conférence de presse à Dubaï, qualifiant Interpol d’agence «neutre et indépendan­te».

 ??  ?? Le nouveau président d’interpol, le Sud-coréen Kim Jong-yang
Le nouveau président d’interpol, le Sud-coréen Kim Jong-yang

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia