Attractions scéniques
Premières des pièces «Affaire d’opinion publique» et de «Pastèque révolutionnaire» que Walid Ayadi a présentées à El Teatro.
Walid Ayadi a mis en scène de jeunes talents prometteurs afin de présenter successivement ses deux nouvelles créations théâtrales à l’intitulé intrigant, la première nommée «Affaire d’opinion publique» et la seconde, «Pastèque révolutionnaire». Les thématiques des deux pièces se croisent peut-être par moments, mais les deux oeuvres diffèrent de par leur apport à un public venu nombreux les découvrir.
Hymne à la liberté
Dans les soirées du 14 et du 16 novembre, El Teatro a vu naître deux créations scéniques. «Affaire d’opinion publique», comme son titre l’indique, traite de l’agonie de jeunes Tunisiens rebelles, désirant vivre libres en s’affranchissant du poids des traditions et d’une société rongée par le conformisme, le conservatisme et le patriarcat. Des jeunes liés par des amitiés et des inimitiés qui, ensemble, visent l’utopie, et tentent de s’adonner à un quotidien dénué de tabous dans une époque où leur pays est soumis à des chamboulements politiques importants, de rompre avec la société dans laquelle ils vivent, en cessant de traîner les rouages d’une mentalité pesante, étouffante, pudique. La création relate un chassé-croisé relationnel passionnant entre des protagonistes, interprétés à l’unanimité par de jeunes acteurs talentueux, adeptes du 4e art et issus tous d’el Teatro production.
Celles et ceux qui ont tiré les ficelles de cette création sont un groupe d’acteurs et actrices méconnus, mais prometteurs, citons Firas Yousfi, Fatma Louati, Mohamed Ali Janadi, Nour Hanachi, Hela Mziou, Mehdi Maâlaoui, Linda Ayachi, Meriem Bouattour et Zohra Elloumi, dirigés par Walid Ayadi. Le spectateur pourrait au départ avoir du mal à s’adapter aisément au texte, composé de dialogue en deux dialectes, en tunisien courant et en arabe, mais la mise en scène et les rapports variés qui relient les personnages prennent le dessus. Les acteurs se lâchent et le public suit leurs aléas relationnels scéniques pour la plupart représentés dans des scènes comiques et intelligemment drôles.
Le titre de la première pièce «Affaire d’opinion publique» devrait figurer au pluriel, tant on a l’impression que l’oeuvre a traité de divers sujets. Un rêve collectif vécu par des amis qui grandissent à leur tour, deviennent adultes et nostalgiques d’une époque lointaine et marquante.
Un tour de force
Walid Ayadi réplique deux jours plus tard avec une création inédite. «Pastèque révolutionnaire» titre métaphorique qui se réfère à un bourbier révolutionnaire subtilement mis en scène, mais plein de sens. Joués également par neuf jeunes acteurs : Emna Khazri, Mohamed Hamdane, Omar Njah, Ghada Rekik, Mehdi Ayed, Taher Bekir, Jihène Miled et Asma Berrima, la pièce s’ouvre sur un dîner de pastèques autour d’une table, située entre les murs d’une maison. Une pastèque verte de l’extérieur, mais rouge de l’intérieur, qui se réfère à une révolution dans l’absolu, mais pas celle de la Tunisie. Tout commence avec une famille attablée s’apprêtant à dîner ensemble dans une ambiance conviviale. Un moment plaisant bercé par une musique adoucissante, aussitôt interrompu par l’irruption de deux révolutionnaires violents. Une prouesse d’ouverture remarquable qui capte dès le départ l’attention du public. L’être humain est voué, sur scène, à des questionnements existentiels. Et chacun, à sa façon, tentera, en étant lui–même, de changer le monde positivement. La création est sarcastique et absurde, elle incite à rire, mais pousse à la réflexion, notamment grâce à un jeu remarquable d’acteurs et à une synchronisation des mouvements sur scène, et de la musique de fond. Des thèmes certes récurrents, mais différemment traités par Walid Ayadi, d’une pièce à une autre. La diversité des approches rend globalement accrocheuse la mise en scène de ses spectacles.