Le rêve fissuré de toute une génération
«La Tunisie mérite mieux et la génération de l’indépendance ne pouvait se cantonner dans un mutisme complice qui pourrait aider à légitimer des contrevérités colportées à son encontre après la révolution» (Abdessalem Kallel)
Politique, homme de culture, grand patriote, avocat, mécène, il a fait partie de cette génération qui a lutté contre le colonialisme et contribué à l’indépendance du pays. Abdessalem Kallel, ancien jeune gouverneur au temps du leader Bourguiba, a tenu en haleine une assistance hétérogène d’une centaine de personnes, composée d’universitaires, de militants, de syndicalistes, d’anciens ministres mais aussi de jeunes politiques qui n’ont pas connu les affres de la période coloniale. C’est à ces derniers et à ceux qui ont tenté de colporter des mensonges sur l’époque de l’indépendance que s’est adressé Abdessalem Kallel à l’académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts (Beït El Hikma) lors de la présentation de son nouveau livre porteur d’un message qui pourrait éclairer et orienter les décideurs politiques sur certains enjeux capables de bouleverser l’histoire des peuples. «Le rêve et le mauvais virage» ou disons «le rêve fissuré», c’est le titre donné à ce livre présenté par l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe, Chedly Klibi, dans le cadre des activités de Beït El Hikma et qui a été suivi avec attention par l’économiste Mansour Moalla, le secrétaire général de l’ugtt, Noureddine Taboubi, l’ancien président de l’assemblée constituante, Mustapha Ben Jaâfar, et tant d’autres personnalités. «La Tunisie vit une crise socioéconomique après la révolution et j’ai voulu à travers mon livre témoigner de l’expérience du collectivisme en Tunisie, une expérience bien riche qui pourrait inspirer les responsables d’aujourd’hui pour sortir de la crise», nous déclare l’auteur de ce livre. Abdessalem Kallel fait partie de la génération de l’indépendance tunisienne qui a rêvé d’une Tunisie moderne et démocrate ayant sa place parmi les pays développés, mais il évoque avec regret ce rêve fissuré après l’échec de l’expérience du collectivisme et la condamnation de Ahmed Ben Salah qui a impacté les militants et freiné l’édification de l’etat moderne et l’a acculé à endosser sa robe d’avocat. «L’expérience du collectivisme fut un choix économique inéluctable, mais ce sont plutôt les impacts environnementaux et sociétaux de cette politique qui n’ont pas été passés au crible», confie-t-il. (Mansour Moalla applaudit et acquiesce de la tête). Plus qu’un livre ou une biographie, c’est un témoignage pour l’histoire, un magnifique conte d’un rêve fissuré d’une génération qui a milité et travaillé et qui a cru en une Tunisie moderne imbue de liberté et de démocratie.