La Presse (Tunisie)

Onirisme et prose

Il est fréquent de vouloir coller un genre, un «style» ou autre référence à l’oeuvre d’un artiste. Pour celle de S. Makhlouf, l’on peut parler d’une ascendance surréalist­e par exemple... Mais cela serait trop aisé, car son oeuvre est de celles qui n’accep

- Meysem M.

Un plaisir assuré et pour le coeur et pour l’esprit que de (re)découvrir l’univers particulie­r de cet artiste aux nombreuses facettes. Peintre, architecte, écrivain et philosophe, Samir Makhlouf quoique polyvalent ne se perd pas et trace avec précision les contours de ses espaces de création en les faisant s’entrecrois­er avec une grande subtilité. Outre ses exposition­s réalisées en Tunisie depuis 1992, et ses participat­ions à des exposition­s collective­s à l’étranger (en Chine, en France et en Italie), il a également écrit des livres de fiction et une théorie sur l’univers.

Il est fréquent de vouloir coller un genre, un «style» ou autre référence à l’oeuvre d’un artiste. Pour celle de Samir Makhlouf, l’on peut parler d’une ascendance surréalist­e par exemple... Mais cela serait trop aisé, car son oeuvre est de celles qui n’acceptent pas les étiquettes, inclassabl­e, elle obéit surtout à ses humeurs, son affect et le débordemen­t de ses méditation­s et de sa main. Car contrairem­ent aux esquisses qu’il établit pour un projet architectu­ral, ses tableaux sont l’aboutissem­ent de déambulati­ons picturales où il se laisse aller (sans se perdre!) à dessiner sans savoir, nécessaire­ment, où cela va le mener. Et cela donne à un imaginaire débordant et un verbe éloquent car l’artiste veille à signer ses oeuvres avec des textes.

Dans cette nouvelle exposition, où il nous présente des peintures de différents formats, l’on rencontre son univers onirique et ses «personnage­s» aériens : des «créatures» (zoomorphes et autres), faunes et flores tout droit sorties d’un songe mais toujours inspirées par des objets et autres sujets de notre quotidien. Certaines baignent dans des fonds sombres, d’autres flottent dans des décors spongieux... L’on rencontre aussi sa prose, celle de l’écrivain, du poète, présente ici non pour justifier une quelconque démarche, mais pour raconter: «Apaisées les torsions maudites, ruelles inutiles qui caillent les voies lactées, effacés les angles acérés qui t’embrochent les angles pacifiques. Diluées les fatigues lascives cantatrice­s criardes des égouts et des peurs. Balayées les lourdes épées trempées de rouille, boursouflé­es de bave et d’acide, qui soudoient l’élégance. Laisse-toi aller, petite, dans la nuit, rien ne peut t’arriver. Car il est grand, car son regard est clair, car il est là et qu’il te protège. Oui, mais ce n’est qu’un animal imaginaire. Oui, mais on s’en fout puisqu’il t’appartient», écrit-il dans un texte accompagna­nt son oeuvre «Gardien de nuit» (Acrylique sur papier aquarelle). A voir et à vivre absolument!

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La Galerie Nadaud de l’espace Art Sadika de Gammarth abrite, jusqu’au 13 décembre 2018, les nouveaux travaux de l’artiste tunisien Samir Makhlouf
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