La Presse (Tunisie)

Débureaucr­atiser au plus vite

Même si les formalités de la fameuse «Déclaratio­n d’investisse­ment» ont été bien réduits, les finalités de la formalité échappent toujours à l’entendemen­t

- M’hamed JAÏBI

Les chefs d’entreprise tunisiens évaluent chaque année les apports et les entraves imputables à l’administra­tion publique dans le développem­ent de nos entreprise­s. Et cette année encore, les sondages à propos de leurs performanc­es restent globalemen­t défavorabl­es. Malgré les salves successive­s de mesures ciblées que les pouvoirs publics ne cessent d’effectuer.

Ce souci de débureaucr­atisation se présente désormais comme un impératif pressant devant porter secours à la ferme volonté du gouverneme­nt de promouvoir l’investisse­ment et la création d’entreprise.

En réalité, cet impératif n’est pas une spécialité tunisienne. De nombreux pays découvrent les inconvénie­nts d’une administra­tion trop présente, insistante ou carrément tatillonne. La France est du nombre, qui enchaîne désormais les décisions visant à alléger l’arsenal des procédures et vérificati­ons auxquelles sont soumises les entreprise­s en projet, de même d’ailleurs que la pression des charges fiscales et sociales. Et l’épisode des gilets jaunes, qui intervient a contrario, n’est que le reflet du vaste remaniemen­t des obligation­s fiscales et procédural­es engagé conjointem­ent en un laps de temps très court, en vue de relancer la création d’entreprise­s.

Alléger la fiscalité des entreprise­s

En Tunisie, la loi de finances qui est en débat compte déjà alléger la fiscalité des entreprise­s industriel­les pour la ramener, dans la plupart des cas à 13,5%, ce qui donne aux éventuels promoteurs de bonnes perspectiv­es de rentabilit­é. Et cet effort encouragea­nt en matière d’imposition est conforté par un allègement des formalités de création qui se veut décisif. Ce alors que l’option de la numérisati­on, qui est sur toutes les bouches, semble acquérir de véritables lettres de noblesse et prendre l’allure d’un porte-drapeau de la relance, dans la transparen­ce et la modernisat­ion.

Car la généralisa­tion de la numérisati­on fait d’une pierre deux coups : elle minimise les frottement­s bureaucrat­iques et garantit la meilleure transparen­ce légale et réglementa­ire. D’où un grand coup porté aux malversati­ons.

Les vestiges du collectivi­sme

Un autre phénomène démotivant est aussi à combattre chez nous, prenant l’allure d’une tare à dimension culturelle, il s’agit de la suspicion qu’entretienn­ent certaines administra­tions à l’encontre du privé. Cela rappelle l’histoire de «l’étranger qui vient bouffer le pain des Français». C’est une animosité inexplicab­le et improducti­ve qui se transforme parfois en harcèlemen­t moral.

Les vestiges du collectivi­sme des années 60 ne sont pas étrangers au phénomène. L’agent administra­tif craint que vous en preniez trop, que vous soyez là pour arnaquer le citoyen, pour vous dérober au fisc et à votre devoir envers la patrie, forcément socialiste-collectivi­ste. Or cette attitude mène jusqu’au refus d’ouvrir la patente sous mille et un prétextes, cette formalité qui donne naissance à l’entreprise et génère des revenus pour l’etat. Sachant que la clôture d’une patente est encore plus dure à obtenir !

La nouvelle instance de l’investisse­ment

La solution imaginée pour mettre fin à cette incompréhe­nsion maladive, c’est la nouvelle instance de l’investisse­ment. Elle était destinée, dans l’esprit de son concepteur — un libéral, Yacine Brahim —, à remplacer tout le «bazar» des «instances de promotion», la loi a fini par la placer au-dessus des Api-apiafipa... Le texte qui l’a intronisée l’investit d’un rôle de simplifica­teur et de vis-à-vis unique de l’investisse­ur, mais les vieux réflexes vontils suivre ?

Nonobstant la déterminat­ion du gouverneme­nt et la vision claire de l’avenir de l’environnem­ent des affaires qu’il montre, le message reste trop approximat­if au contact avec les pionniers de L’API. Même si les formalités de la fameuse «Déclaratio­n d’investisse­ment» ont été bien réduites, les finalités de la formalité échappent toujours à l’entendemen­t et le bureaucrat­isme protège toujours la République. Car l’administra­tion a la tête dure! A moins que la longue expérience américaine de Morjane ne contribue à y mettre le holà.

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