Débureaucratiser au plus vite
Même si les formalités de la fameuse «Déclaration d’investissement» ont été bien réduits, les finalités de la formalité échappent toujours à l’entendement
Les chefs d’entreprise tunisiens évaluent chaque année les apports et les entraves imputables à l’administration publique dans le développement de nos entreprises. Et cette année encore, les sondages à propos de leurs performances restent globalement défavorables. Malgré les salves successives de mesures ciblées que les pouvoirs publics ne cessent d’effectuer.
Ce souci de débureaucratisation se présente désormais comme un impératif pressant devant porter secours à la ferme volonté du gouvernement de promouvoir l’investissement et la création d’entreprise.
En réalité, cet impératif n’est pas une spécialité tunisienne. De nombreux pays découvrent les inconvénients d’une administration trop présente, insistante ou carrément tatillonne. La France est du nombre, qui enchaîne désormais les décisions visant à alléger l’arsenal des procédures et vérifications auxquelles sont soumises les entreprises en projet, de même d’ailleurs que la pression des charges fiscales et sociales. Et l’épisode des gilets jaunes, qui intervient a contrario, n’est que le reflet du vaste remaniement des obligations fiscales et procédurales engagé conjointement en un laps de temps très court, en vue de relancer la création d’entreprises.
Alléger la fiscalité des entreprises
En Tunisie, la loi de finances qui est en débat compte déjà alléger la fiscalité des entreprises industrielles pour la ramener, dans la plupart des cas à 13,5%, ce qui donne aux éventuels promoteurs de bonnes perspectives de rentabilité. Et cet effort encourageant en matière d’imposition est conforté par un allègement des formalités de création qui se veut décisif. Ce alors que l’option de la numérisation, qui est sur toutes les bouches, semble acquérir de véritables lettres de noblesse et prendre l’allure d’un porte-drapeau de la relance, dans la transparence et la modernisation.
Car la généralisation de la numérisation fait d’une pierre deux coups : elle minimise les frottements bureaucratiques et garantit la meilleure transparence légale et réglementaire. D’où un grand coup porté aux malversations.
Les vestiges du collectivisme
Un autre phénomène démotivant est aussi à combattre chez nous, prenant l’allure d’une tare à dimension culturelle, il s’agit de la suspicion qu’entretiennent certaines administrations à l’encontre du privé. Cela rappelle l’histoire de «l’étranger qui vient bouffer le pain des Français». C’est une animosité inexplicable et improductive qui se transforme parfois en harcèlement moral.
Les vestiges du collectivisme des années 60 ne sont pas étrangers au phénomène. L’agent administratif craint que vous en preniez trop, que vous soyez là pour arnaquer le citoyen, pour vous dérober au fisc et à votre devoir envers la patrie, forcément socialiste-collectiviste. Or cette attitude mène jusqu’au refus d’ouvrir la patente sous mille et un prétextes, cette formalité qui donne naissance à l’entreprise et génère des revenus pour l’etat. Sachant que la clôture d’une patente est encore plus dure à obtenir !
La nouvelle instance de l’investissement
La solution imaginée pour mettre fin à cette incompréhension maladive, c’est la nouvelle instance de l’investissement. Elle était destinée, dans l’esprit de son concepteur — un libéral, Yacine Brahim —, à remplacer tout le «bazar» des «instances de promotion», la loi a fini par la placer au-dessus des Api-apiafipa... Le texte qui l’a intronisée l’investit d’un rôle de simplificateur et de vis-à-vis unique de l’investisseur, mais les vieux réflexes vontils suivre ?
Nonobstant la détermination du gouvernement et la vision claire de l’avenir de l’environnement des affaires qu’il montre, le message reste trop approximatif au contact avec les pionniers de L’API. Même si les formalités de la fameuse «Déclaration d’investissement» ont été bien réduites, les finalités de la formalité échappent toujours à l’entendement et le bureaucratisme protège toujours la République. Car l’administration a la tête dure! A moins que la longue expérience américaine de Morjane ne contribue à y mettre le holà.