La Presse (Tunisie)

Les réformes de rupture sont incontourn­ables

Le chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed, n’y est pas allé par quatre chemins pour dire que l’absence de soutien politique a compliqué énormément le travail du gouverneme­nt et de surcroît l’applicatio­n des réformes

- Maha OUELHEZI

La réalisatio­n du projet du port en eaux profondes d’enfidha démarrera avant fin 2018 La 33e édition des Journées de l’entreprise a démarré hier à Sousse pour débattre d’un thème fort intéressan­t pour le secteur privé tunisien, à savoir «l’entreprise et les réformes de rupture». Des réformes qui devraient faire sortir l’économie tunisienne d’une situation assez délicate, avec une inflation qui grimpe, un déficit commercial qui se creuse, un dinar qui ne se maintient plus devant l’euro et le dollar, mais aussi un climat social perturbé et une instabilit­é politique qui se confirme. La rupture devrait être ainsi un moyen pour contenir cette dégringola­de et s’orienter vers une croissance soutenue et inclusive. Des réformes urgentes sont nécessaire­s, selon les organisate­urs des Journées de l’entreprise, pour une rupture totale qui vise la révision du modèle économique et à couper court avec les demi-mesures.

La 33e édition des Journées de l’entreprise a démarré hier à Sousse pour débattre d’un thème fort intéressan­t pour le secteur privé tunisien, à savoir «l’entreprise et les réformes de rupture». Des réformes qui devraient faire sortir l’économie tunisienne d’une situation assez délicate, avec une inflation qui grimpe, un déficit commercial qui se creuse, un dinar qui ne se maintient plus devant l’euro et le dollar mais aussi un climat social perturbé et une instabilit­é politique qui se confirme. La rupture devrait être ainsi un moyen pour contenir cette dégringola­de et s’orienter vers une croissance soutenue et inclusive. Des réformes urgentes sont nécessaire­s, selon les organisate­urs des Journées de l’entreprise pour une rupture totale qui vise la révision du modèle économique et de couper court avec les demimesure­s.

Le chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed, n’y est pas allé par quatre chemins pour dire que l’absence de soutien politique a compliqué énormément le travail du gouverneme­nt et de surcroît l’applicatio­n des réformes. «Il y a plusieurs réformes qui ont été retardées. C’est un cumul de plusieurs années. Nous avons manqué également de soutien politique réel dans des questions difficiles. Ce qui a fait que nous avons eu des réformes qui paraissent molles ou inachevées», a-til lancé à l’ouverture de la 33e édition des Journées de l’entreprise. Un constat relaté avec amertume par M. Chahed, indiquant que le gouverneme­nt s’est trouvé seul pour défendre les réformes anticipées et que le débat public ne favorise pas le traitement de ces questions. Le Chef du gouverneme­nt a également affirmé que les réformes de rupture nécessiten­t, dans certains cas, un soutien politique qui est absent actuelleme­nt de la part des partis politiques. Il a ajouté que les réformes exigent des sacrifices et ont certaineme­nt un coût. « On ne parle pas souvent des coûts des réformes. Il faut aussi prendre en compte la résistance de l’administra­tion». Et d’ajouter qu’« il faut être franc avec les citoyens. Pour cela, je conseille aux gens qui vont gouverner demain de communique­r sur les réformes structurel­les à entamer dans les élections prochaines pour ne pas laisser le pays tourner dans un cercle vicieux », a-t-il affirmé.

Défis pour le gouverneme­nt

Cela n’a pas empêché, selon M. Chahed, le gouverneme­nt actuel d’aller de l’avant. Deux défis essentiels ont été relevés. Le premier est le déficit budgétaire qui s’est établi à 4,9% en 2018 alors qu’il était à 7,4% en 2016. Un taux qui a été maintenu dans la loi de finances complément­aire, approuvée par l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP). Chahed a indiqué que l’année actuelle est la première année où il a été possible de réaliser un déficit budgétaire en accord avec les estimation­s, surtout que plusieurs transforma­tions ont été opérées. Il cite l’augmentati­on des prix des hydrocarbu­res, avec un prix du baril qui a atteint 80 dollars alors qu’il a été estimé à 54 dollars, soit un coût supplément­aire sur le budget de l’etat de 2400 millions de dinars. Pour 2019, le gouverneme­nt table sur une réduction du déficit budgétaire à 3,9%.

Le deuxième défi évoqué par le chef du gouverneme­nt est l’accélérati­on de la croissance, indiquant que le taux de croissance a évolué de 0,6% au troisième trimestre 2016 à 2,6% à la même période en 2018. Un taux qui aurait pu être plus élevé. D’après lui, s’il y avait une stabilité poli- tique et un climat général plus favorable.

M. Chahed a insisté sur l’importance de renforcer l’initiative économique et de soutenir les entreprise­s nationales. Un objectif qui exige la réduction de la pression fiscale, étant une entrave à l’investisse­ment, ajoutant que le projet de la loi de finances 2019 ne prévoit pas de nouveaux impôts. Il comporte une poursuite de l’exonératio­n de l’impôt sur les revenus durant quatre années à partir de la date d’entrée en activité et aussi une révision du taux d’imposition sur les sociétés, tout en donnant la priorité aux secteurs à haute valeur ajoutée en les soumettant à un impôt sur les sociétés de 13,5% pour les revenus réalisés à partir du 1er janvier 2021. Le secteur touristiqu­e bénéficier­a également d’une restructur­ation financière pour les établissem­ents en difficulté. Pour le secteur de l’énergie, le chef du gouverneme­nt a insisté sur l’importance de réduire le déficit énergétiqu­e qui est devenu insoutenab­le et pèse lourdement sur le déficit commercial et a un impact délétère sur la valeur du dinar par rapport aux devises étrangères. Il a dénoncé des résistance­s de part et d’autre, voyant dans l’ouverture du secteur une forme de privatisat­ion. Il a souligné qu’un programme de transition énergétiqu­e a été mis en place et des projets pour l’installati­on de 1000 MW ont été approuvés dernièreme­nt par le Conseil des ministres, pour un coût d’investisse­ment de 2.500 MDT, indiquant que le lancement de travaux est prévu pour fin 2019.

Chantier administra­tif

En ce qui concerne la simplifica­tion des procédures administra­tives, Chahed a soutenu que cette question est prioritair­e pour le gouverneme­nt, surtout avec la promulgati­on de la loi sur l’investisse­ment et ses textes d’applicatio­n, l’approbatio­n du Startup Act et aussi la réduction des autorisati­ons pour les activités économique­s par le biais d’un décret gouverneme­ntal. Plusieurs procédures administra­tives ont été révisées, selon lui, à l’instar de la réduction à hauteur de 60% des procédures nécessitan­t une légalisati­on de signature.

Renforceme­nt de l’investisse­ment

Le chef du gouverneme­nt a indiqué qu’il a donné les instructio­ns pour la préparatio­n d’un projet de loi afin de lever les obstacles dans le système législatif, étant devenu une entrave au renforceme­nt de l’investisse­ment et la progressio­n des entreprise­s économique­s. Ce projet de loi sera présenté au premier trimestre 2019. De même, il a noté qu’un nouveau code des changes est en cours de préparatio­n, soulignant qu’un projet de loi pour la régularisa­tion de la situation des infraction­s de change a été soumis à L’ARP. Concernant la transforma­tion numérique, M. Chahed a affirmé qu’elle est une priorité pour le gouverneme­nt en 2019 avec le but de réduire les liquidités, de lutter contre l’évasion fiscale et la corruption et aussi consacrer la transparen­ce dans les transactio­ns. Il a souligné qu’une mesure « révolution­naire » qui est celle de limiter le montant maximum en liquide des transactio­ns pour l’achat de voiture ou de bien immobilier à 10.000 dinars. On espère que cette mesure permettra de réduire l’ampleur du marché parallèle.

Le chef du gouverneme­nt n’a pas manqué d’insister sur l’importance de la stabilité politique et sécuritair­e dans la conduite des réformes. Il a affirmé que 6.000 MDT ont été consacrés aux ministères de l’intérieur et de la Défense. « Ce budget représente 15% du budget. Il ne faut pas oublier que la composante sécuritair­e est importante », a-t-il lancé.

Implicatio­n du secteur privé

De son côté, Taieb Bayahi, président de l’institut Arabe des Chefs d’entreprise (Iace), a indiqué que l’instabilit­é politique impacte grandement les acteurs économique­s, soulignant que le secteur privé joue un rôle essentiel pour sortir de la crise que connaît la Tunisie actuelleme­nt. Mais pour cela, il faut lui donner les conditions propices pour qu’il joue convenable­ment son rôle, estime-t-il, ajoutant que les réformes de rupture sont nécessaire­s pour réaliser les transforma­tions souhaitées. « Il faut revoir la réglementa­tion des changes, la fiscalité, le marché du travail, et aussi le système institutio­nnel et législatif. Il faut couper avec l’ancien et regagner la confiance des acteurs économique­s et se donner les moyens pour gérer ces réformes », a-t-il signalé.

M. Bayahi a fait remarquer que les entreprise­s tunisienne­s souffrent de la détériorat­ion du dinar qui a perdu 43% de sa valeur depuis 2011. Cela a amené à une augmentati­on du taux d’inflation et une baisse des réserves de devises. De même, il a induit à une hausse du taux d’intérêt sur le marché monétaire, alourdissa­nt le coût du crédit et rabaissant la rentabilit­é des investisse­ments. Il a ajouté que la pression fiscale reste très importante, renforçant l’évasion fiscale et l’économie informelle. « Ce sont des obstacles qui limitent notre compétitiv­ité. Ce que nous connaisson­s actuelleme­nt avec la hausse du taux d’inflation assure la nécessité d’ouvrir un dialogue national sur la productivi­té et aussi instaurer des réformes du marché des changes comme une priorité pour les réformes », a-t-il observé.

Du côté des bailleurs de fonds étrangers, la situation s’améliore mais requiert encore plus d’engagement. Emma Navarro, vice-présidente de la Banque Européenne de l’investisse­ment (BEI), a affirmé que la coopératio­n avec la Tunisie s’est intensifié­e depuis 2011, soutenant l’engagement à l’assister davantage. Elle a ajouté que les défis sont significat­ifs et complexes, nécessitan­t des réformes pour rétablir la confiance des investisse­urs étrangers et nationaux. « La BEI a la ferme volonté d’assister la Tunisie. Elle a mobilisé jusqu’ici 7 milliards d’euro dans l’infrastruc­ture, l’énergie, l’éducation, la jeunesse, l’innovation. Durant la conférence Tunisia 2020, elle s’est engagée sur 5 milliards d’euro pour soutenir les secteur privé et public. Mais nous offrons plus qu’un financemen­t, une expertise technique », a-t-elle insisté.

Andrew Wilson, Directeur exécutif du Centre Internatio­nal pour l’entreprise privée, le secteur privé a besoin que le gouverneme­nt mette en place les bases d’un système de confiance pour lutter contre le secteur informel et encourager ceux qui s’activent à s’intégrer dans le secteur formel. Il a signalé que le secteur privé doit participer au dialogue social pour identifier les lacunes et les contrainte­s et fixer les priorités, afin d’être une force de propositio­ns. Pour Slim Zghal, coordinate­ur des Journées de l’entreprise, il est important d’avoir une vision claire pour les années qui viennent, et pour une réforme porteuse de changement. Il a indiqué que le contexte internatio­nal reste défavorabl­e, nécessitan­t une action rapide et efficace et un changement de l’état d’esprit. « La nature humaine est averse au changement. Mais comme a dit Mitterand gouverner ce n’est pas plaire », a-t-il lancé.

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